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Cameroun

Sida : l’espoir en clinique

Le médecin et ancien ministre camerounais de la Santé Victor Anomah Ngu dirige une équipe de recherche qui a mis au point le Vanhivax, un «vaccin thérapeutique» réputé faire baisser la charge virale des malades de sida. Critiqué par certains de ses pairs pour des raisons «éthiques», le patron de la «Clinique de l’Espoir» à Yaoundé, n’en récolte pas moins distinctions honorifiques, et soutiens divers, dont celui du gouvernement camerounais. Mais le perfectionnement de ces recherches requiert davantage de moyens financiers et de un surcroît de ressources humaines. Cependant, la communauté scientifique internationale, tenue à l’écart de cette expérimentation, reste circonspecte.
De notre correspondant à Yaoundé

Les échos ont franchi, au fil du temps, le périmètre d’Essos, quartier populaire de Yaoundé où se situe la «clinique de l’espoir», puis les limites de la capitale, et finalement, les frontières du Cameroun. La présence massive, peut-être au-delà des espérances des organisateurs de la conférence de presse qui a mobilisé par dizaines, curieux, détracteurs, désespérés, cette semaine à Yaoundé, témoigne de l’intérêt croissant que cristallisent les recherches du professeur Anomah Ngu, et son équipe autour du Vanhivax, cet «auto-vaccin contre le sida».

A l’évidence, l’opiniâtreté de ce médecin de 76 ans, ancien ministre de la Santé, qui a axé depuis de longues années ses travaux de recherche sur le VIH/sida, n’auront pas été vains. Originalité assumée de ses résultats, la mise sur pied de ce produit singulier : «Il s’agit d’un vaccin qui n’est pas comme les autres, parce qu’il ne prévient pas la maladie, mais la soigne. D’où le qualificatif thérapeutique. Ce vaccin anti-sida est la fois thérapeutique et personnalisé car, fabriqué à partir des souches du virus prélevé sur le patient, d’où auto-vaccin. Les souches virales du patient constituent donc la matière de base pour la préparation du vaccin. L’administration de ce dernier à un patient fait baisser la charge virale du patient. Le vaccin augmente la masse corporelle du malade et fait monter son taux de cellules immunitaires», explique le Pr Anomah Ngu. Qui ne manque pas de reconnaître les mérites du Vanhivax. «Il n’est pas toxique, renferme des protéines, agit vite sur le malade car trois doses mensuelles ou bimensuelles suffisent pour remonter le patient et, le virus affaibli, son action est pratiquement anéantie».

Dès l’annonce de cette découverte, le Pr Ngu, a essuyé des critiques de la part de certains de ses confrères. Ni la carte de visite de cet ancien élève du Pr Alexander Flemming –inventeur de la pénicilline–, lauréat du Prix Albert Lasker en 1972, ni même les cas de malades considérés comme ayant été soignés par le Vanivax- dont certains ont déjà formulé des témoignages dans la presse à visage découvert- n’ont suffit à faire taire ses contempteurs. Ces derniers ont régulièrement posé des «problèmes d’ordre éthique» en faisant grief au Pr Ngu d’avoir appliqué ses recherches sur les humains sans les avoir expérimentés sur les animaux. Ce à quoi l’inventeur du Vanhivax a toujours répondu qu’en la matière, il fonctionne sur la base d’une autorisation délivrée par le gouvernement camerounais à travers le ministère de la santé depuis quinze ans. «Et de toutes façons, sûr de lui, et face au drame du sida, il ne pouvait ni attendre, ni se perdre en de vaines polémiques. L’essentiel c’est le résultat auquel il est parvenu», insiste un des proches du Pr Ngu.

En attendant le renforcement espéré des ressources humaines

Une fois médiatisée, la mise au point du Vanhivax a attiré les curiosités diverses de la scène médicale en dehors du Cameroun. Et les désillusions ont succédé aux désenchantements dans un microcosme impitoyable. Exemples : après avoir signé en 2002, des conventions relatives à la poursuite des recherches sur le Vanhivax, avec des chercheurs américains de la Lipid Sciences In., puis, avec des figures de proue d’un célèbre laboratoire français, les premiers ont rapidement repris à leur compte les résultats des recherches du Pr Ngu, tandis que le second s’est, depuis lors, inscrit aux abonnés absents, aux dires du patron de la «clinique de l’espoir». Ces révélations ont été au demeurant par la presse, et n’ont pas, à ce jour, été remises en cause par les accusés. Il ne suffisait manifestement pas que le Vanhivax fût protégé auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi).

Il n’empêche, le 28 octobre dernier, le Pr Ngu a reçu à Washington, en compagnie de sept autres personnalités, le «Leon Sullivan Achievement Award», décerné tous les deux ans aux personnes ayant contribué de manière considérable à l’avancée de la science, de l’économie et du développement, en l’occurrence, pour «les efforts remarquables déployés pour limiter l’avancée de la pandémie du sida», selon les proches du Pr Ngu.

Un mois avant d’être ainsi honoré, le gouvernement, –qui dans un premier temps, avait donné l’impression d’être sceptique au sujet du Vanhivax– a, selon de bonnes sources, fait tenir une somme de 100 millions Fcfa à l’équipe du Pr Ngu, un an pratiquement après la signature en grande pompe d’une convention d’appui multiforme pour les travaux de l’équipe de l’inventeur du Vanhivax. Hasard ? Ce qui apparaît aux yeux de certains comme un sursaut tardif des autorités camerounaises, survenait de longs mois après que le Pr Ngu eut été reçu par Thabo Mbeki, dont le pays est réputé afficher une «séroprévalence» parmi les plus élevées de la planète, et dont on n’a pas oublié l’engagement pour des causes à l’échelle de l’Afrique.

Le président sud-africain -dont on dit dans l’entourage du Pr Anomah Ngu qu’il a promis d’apporter son appui à l’équipe des chercheurs Camerounais-, devrait, selon des informations fiables, dépêcher à Yaoundé une forte délégation, pour prendre part, le 16 janvier 2004, à la soirée de gala et de collecte de fonds pour soutenir le Vanhivax et contribuer à la recherche sur le sida, qu’organise l’ONG Africa Hope Foundation. Au sein de l’équipe du Pr Ngu on convient d’une chose : «afin d’être plus efficace, notamment éradiquer le virus, ce vaccin a besoin d’études plus approfondies, et d’un laboratoire performant». Beaucoup reste à faire.



par Valentin  Zinga

Article publié le 25/12/2003