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Madagascar

L’ancien Premier ministre lourdement condamné

Tantely Andrianarivo, le dernier Premier ministre de l’ex-président Didier Ratsiraka, a été condamné la nuit dernière à 12 ans de travaux forcés à l’issue d’un procès de deux jours. C’est l’ultime épisode d’une série de jugements intervenus au cours de ces dernières semaines contre d’anciens notables de l’ex-régime. Nombre d’observateurs, journalistes et défenseurs des droits de l’homme, estiment que cette précipitation est préjudiciable aux droits de la défense.
Le tribunal a retenu l’«usurpation de fonction», «détournement de fonds publics» et «attentat contre le gouvernement».C’est «un verdict d’une sévérité inattendue», écrivait mercredi matin L’Express de Madagascar qui estime que «l’ancien et dernier Premier ministre de Didier Ratsiraka fera appel». Outre les 12 années de travaux forcés, l’ancien chef du gouvernement malgache doit également payer une amende de 42 milliards de francs malgaches.

Selon un avocat présent à l’audience, Tantely Andrianarivo «est apparu très amaigri, manifestement éprouvé physiquement par sa détention». Il avait été hospitalisé, voici trois semaines, pour une «altération de son état général». L’ancien Premier ministre avait été incarcéré au mois d’octobre 2002, après une période de résidence surveillée, à la suite de la chute du précédent régime, en juillet 2002, et de la fuite à l’étranger de l’ex-chef d’Etat, toujours en exil à Paris.

Cet exil lui a d’ailleurs valu de ne pas être incarcéré à l’issue de son second procès par contumace dont le jugement est tombé le 15 décembre. Verdict: Didier Ratsiraka est condamné à 5 ans de prison ferme pour «atteinte à la sûreté de l’Etat». Avec lui étaient jugés les cinq gouverneurs qui avaient proclamé l’indépendance de leur province lors de la crise qui avaient suivi l’élection présidentielle de décembre 2001. Le tribunal avait condamné les trois accusés présents à des peines de 3 ans de prison, alors que les deux absents, tous deux en fuite à l’étranger, avaient été condamnés à 5 ans de prison. Au mois d’août, Didier Ratsiraka avait déjà été condamné à 10 ans de travaux forcés pour «détournement de deniers publics».

Procès bâclé ?

L’affaire a été prestement menée. Le procès du plus haut responsable de l’administration Ratsiraka s’était ouvert lundi devant une juridiction ordinaire de la capitale et Madagascar Tribune soulignait mercredi matin l’extrême rapidité de l’issue, «une précipitation qui fait complètement abstraction des procédures normales quant au respect des droits de la défense. C’est tout d’un coup très ou trop rapide», indique le quotidien. La semaine dernière, l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty international avait pour sa part estimé que les avocats de Tantely Andrianarivo n’avaient pas pu bénéficier d’un délais suffisant pour préparer sa défense.

Pour ses avocats, cités par Midi Madagascar, l’ancien Premier ministre «a servi de bouc émissaire». Ils ont tenté, documents comptables à l’appui, de faire la démonstration qu’aucun argent n’avait été détourné par leur client et n’avait servi à autre chose qu’à payer les agents de l’Etat dans les circonstances exceptionnelles que traversait alors le pays, en crise depuis des mois. Ils ont tenté de convaincre le tribunal que leur client n’avait jamais participé, ni encouragé, l’érection de barrages, la destruction de ponts, et qu’il ne portait la responsabilité d’aucune violence. «Les vaincus aux élections sont-ils forcément des rebelles ?», a notamment interrogé la défense. En vain: après quelques heures de délibérations, le verdict est tombé.

Cet épisode survient dans un contexte institutionnel marqué par le rejet par le Sénat de la loi d’amnistie, jugée «irrecevable». Celle-ci va donc retourner pour réexamen à l’Assemblée nationale. Des centaines de personnes avaient été arrêtées à Madagascar après la prise du pouvoir par Marc Ravalomanana.



par Georges  Abou

Article publié le 24/12/2003