Commerce mondial
Bush renonce aux surtaxes sur l'acier
Après plusieurs mois de bras de fer avec l'Union européenne, les Etats-Unis ont accepté hier de lever leurs surtaxes sur l'acier. Ils évitent ainsi les mesures de rétorsion autorisées par l'OMC, et qui devaient frapper toute une gamme de produits américains «politiquement sensibles» après le 15 décembre.
De notre correspondant à New York
Le président Bush n'aime pas reconnaitre ses défaites. Même lorsqu'elles sont évidentes. Pour annoncer sa décision de renoncer aux surtaxes américaines sur les importations d'acier, hier, il a préféré passer par son porte-parole. D'une voix plate, ce dernier a affirmé que les surtaxes étaient levées parce qu'elles avaient désormais «rempli leurs objectifs» en permettant aux producteurs d'acier américains de se restructurer. Pas un mot des menaces de représailles européennes, qui auraient porté à partir du 15 décembre sur près de 2,2 milliards de dollars sur des produits «politiquement sensibles» pour le président américain. Interrogé -non sans malice- sur l'influence de ces menaces sur la décision américaine, le secrétaire d'Etat au commerce Robert Zoellick a adopté la même ligne officielle. «Cette décision a été prise sur une autre base. La décision prise par le président était fondée sur une analyse indépendante», a-t-il affirmé.
Les producteurs d'acier américains voient les choses très différemment. «Je suis déçu», a avoué le sénateur républicain George Voinovich, de l'Ohio, un état sidérurgique. «George Bush a capitulé face à la menace de sanctions européennes (...) montrant ainsi une grande faiblesse» a également déclaré le représentant démocrate Ted strickland, lui aussi de l'Ohio. «Je pense maintenant qu'il va perdre dans l'Ohio, la Pennsylvanie et la Virginie occidentale en novembre 2004 (date des présidentielles, NDLR)» a-t-il ajouté. Le syndicat des ouvriers de la sidérurgie, United Steelworkers of America (un million d'employés et de retraités) s'est pour sa part dit abandonné par le président américain et s'en est remis à la protection du Congrès. Les États-Unis ont cédé au «chantage européen» regrettent les métallos. «L'absence totale de courage du président face au bluff de l'OMC ignore les dommages qui nous sont faits», s'est emporté le président du syndicat Leo Gerard.
Un ballon d'oxygène de 21 mois
L'Union européenne s'est immédiatement réjouie de la décision et a levé ses menaces de sanctions. «C'est une excellente nouvelle pour nos industriels qui subissaient depuis deux ans un préjudice important. Ils vont pouvoir à nouveau exporter normalement aux Etats-Unis», a déclaré le ministre français délégué au Commerce extérieur François Loos. «L'Europe, lorsqu'elle est unie, et elle l'est en matière de politique commerciale, peut peser son poids dans les affaires commerciales du monde et faire en sorte que ses intérêts soient défendus», s'est félicité le commissaire européen Pascal Lamy.
Les surtaxes sur l'acier importé avaient été imposées en mars 2002 par l'administration Bush, pour une période de trois ans. Elles s'élevaient de 8 à 30%, sur dix catégories de produits sidérurgiques avec des possibilités de dérogation pour certains produits et quelques partenaires commerciaux privilégiés. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) les avaient jugé illégales, et avait autorisé l'Union européenne, mais aussi la Chine et le Japon à prendre des sanctions. Les Européens s'apprêtaient a frapper des produits en provenance d'Etats indispensables à la réélection du président Bush, comme la Floride, la Californie ou la Caroline du nord et du sud. De l'avis de la plupart des analystes, ce sont bel et bien ces menaces de sanctions qui ont poussé le président américain à lever les surtaxes, 16 mois avant la date initialement prévue.
Même si la défaite est difficile à reconnaître, George Bush n'est pas perdant sur toute la ligne. D'abord, il peut se targuer d'avoir offert à peu de frais un ballon d'oxygène aux producteurs d'acier américains. Pendant près de 21 mois, ils ont pu profiter des barrières douanières pour se restructurer et améliorer leurs coûts de production. «Les compagnies sidérurgiques américaines sont de nouveau bien positionnées pour être compétitives», a-t-il affirmé hier. Et de fait, elles pourront en partie bénéficier de l'amélioration générale des indicateurs économiques. George Bush va aussi récolter les fruits de sa décision auprès des industries consommatrices d'acier, comme l'industrie automobile, qui souffraient de l'augmentation du prix de leur matière première.
Un rapport commandé par le gouvernement américain pour étudier les conséquences des surtaxes avait révélé qu'au total, elles faisaient perdre au pays près de 30 millions de dollars de PIB. Cette décision est par ailleurs un appel du pied à Wall Street et aux tenants du libre échange, auxquels le président américain a tenu à réaffirmer sa «conviction que les consommateurs américains, l'économie américaine sont mieux servis par des échanges commerciaux mondiaux libres et équitables».
George Bush a toutefois promis de garder un oeil bienveillant sur le secteur sidérurgique. «Nous allons poursuivre notre programme de contrôle et d'autorisation des importations d'acier pour que mon administration puisse réagir rapidement à toute hausse des importations qui porterait atteinte au secteur» a-t-il affirmé. Et même si ses chances de succès sont limitées, il entend également demander aux autres pays de réduire leurs subventions publiques au secteur sidérurgique.
A écouter également:
Pascal Lamy, commissaire européen chargé du Commerce au micro de Caroline Paré (05/12/2003, 6'30")
A lire également:
Acier : le recul américain
Chronique des matières premières de Jean-Pierre Boris du 05/12/2003
Le président Bush n'aime pas reconnaitre ses défaites. Même lorsqu'elles sont évidentes. Pour annoncer sa décision de renoncer aux surtaxes américaines sur les importations d'acier, hier, il a préféré passer par son porte-parole. D'une voix plate, ce dernier a affirmé que les surtaxes étaient levées parce qu'elles avaient désormais «rempli leurs objectifs» en permettant aux producteurs d'acier américains de se restructurer. Pas un mot des menaces de représailles européennes, qui auraient porté à partir du 15 décembre sur près de 2,2 milliards de dollars sur des produits «politiquement sensibles» pour le président américain. Interrogé -non sans malice- sur l'influence de ces menaces sur la décision américaine, le secrétaire d'Etat au commerce Robert Zoellick a adopté la même ligne officielle. «Cette décision a été prise sur une autre base. La décision prise par le président était fondée sur une analyse indépendante», a-t-il affirmé.
Les producteurs d'acier américains voient les choses très différemment. «Je suis déçu», a avoué le sénateur républicain George Voinovich, de l'Ohio, un état sidérurgique. «George Bush a capitulé face à la menace de sanctions européennes (...) montrant ainsi une grande faiblesse» a également déclaré le représentant démocrate Ted strickland, lui aussi de l'Ohio. «Je pense maintenant qu'il va perdre dans l'Ohio, la Pennsylvanie et la Virginie occidentale en novembre 2004 (date des présidentielles, NDLR)» a-t-il ajouté. Le syndicat des ouvriers de la sidérurgie, United Steelworkers of America (un million d'employés et de retraités) s'est pour sa part dit abandonné par le président américain et s'en est remis à la protection du Congrès. Les États-Unis ont cédé au «chantage européen» regrettent les métallos. «L'absence totale de courage du président face au bluff de l'OMC ignore les dommages qui nous sont faits», s'est emporté le président du syndicat Leo Gerard.
Un ballon d'oxygène de 21 mois
L'Union européenne s'est immédiatement réjouie de la décision et a levé ses menaces de sanctions. «C'est une excellente nouvelle pour nos industriels qui subissaient depuis deux ans un préjudice important. Ils vont pouvoir à nouveau exporter normalement aux Etats-Unis», a déclaré le ministre français délégué au Commerce extérieur François Loos. «L'Europe, lorsqu'elle est unie, et elle l'est en matière de politique commerciale, peut peser son poids dans les affaires commerciales du monde et faire en sorte que ses intérêts soient défendus», s'est félicité le commissaire européen Pascal Lamy.
Les surtaxes sur l'acier importé avaient été imposées en mars 2002 par l'administration Bush, pour une période de trois ans. Elles s'élevaient de 8 à 30%, sur dix catégories de produits sidérurgiques avec des possibilités de dérogation pour certains produits et quelques partenaires commerciaux privilégiés. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) les avaient jugé illégales, et avait autorisé l'Union européenne, mais aussi la Chine et le Japon à prendre des sanctions. Les Européens s'apprêtaient a frapper des produits en provenance d'Etats indispensables à la réélection du président Bush, comme la Floride, la Californie ou la Caroline du nord et du sud. De l'avis de la plupart des analystes, ce sont bel et bien ces menaces de sanctions qui ont poussé le président américain à lever les surtaxes, 16 mois avant la date initialement prévue.
Même si la défaite est difficile à reconnaître, George Bush n'est pas perdant sur toute la ligne. D'abord, il peut se targuer d'avoir offert à peu de frais un ballon d'oxygène aux producteurs d'acier américains. Pendant près de 21 mois, ils ont pu profiter des barrières douanières pour se restructurer et améliorer leurs coûts de production. «Les compagnies sidérurgiques américaines sont de nouveau bien positionnées pour être compétitives», a-t-il affirmé hier. Et de fait, elles pourront en partie bénéficier de l'amélioration générale des indicateurs économiques. George Bush va aussi récolter les fruits de sa décision auprès des industries consommatrices d'acier, comme l'industrie automobile, qui souffraient de l'augmentation du prix de leur matière première.
Un rapport commandé par le gouvernement américain pour étudier les conséquences des surtaxes avait révélé qu'au total, elles faisaient perdre au pays près de 30 millions de dollars de PIB. Cette décision est par ailleurs un appel du pied à Wall Street et aux tenants du libre échange, auxquels le président américain a tenu à réaffirmer sa «conviction que les consommateurs américains, l'économie américaine sont mieux servis par des échanges commerciaux mondiaux libres et équitables».
George Bush a toutefois promis de garder un oeil bienveillant sur le secteur sidérurgique. «Nous allons poursuivre notre programme de contrôle et d'autorisation des importations d'acier pour que mon administration puisse réagir rapidement à toute hausse des importations qui porterait atteinte au secteur» a-t-il affirmé. Et même si ses chances de succès sont limitées, il entend également demander aux autres pays de réduire leurs subventions publiques au secteur sidérurgique.
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par Philippe Bolopion
Article publié le 05/12/2003