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Libye

Le contact est établi avec Israël

Après des décennies d’hostilité avouée, Israël et la Libye seraient-ils en passe de normaliser leurs relations ? Plusieurs responsables israéliens ainsi qu’une grande partie de la presse affirment en tous cas que le contact entre les deux ennemis d’hier a été renoué depuis que le régime de Tripoli s’est officiellement engagé à renoncer à son programme d’armes de destruction massive. Côté libyen, on se montre toutefois beaucoup plus réservé et l’annonce par les médias israéliens de la prochaine visite d’une délégation de haut rang en Libye a été formellement démentie par Tripoli.
Coïncidence ou non, le jour même où Tripoli annonçait sa décision de renoncer à son programme nucléaire et invitait les experts de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique à se rendre en Libye, le président Mouammar Kadhafi déclarait au journal israélien Yédiot Aharonot : «Je n’ai rien contre les juifs. La Libye souhaite que tous les citoyens et tous les pays du monde vivent en paix». Pour un homme, qui il y a quinze ans encore préconisait la déportations des juifs israéliens en Alsace-Lorraine, en Alaska ou dans les pays baltes et qui a fait de son pays un havre pour les opposants les plus résolus à Israël, la déclaration a de quoi étonner. Elle surprend toutefois moins si on la replace dans le contexte d’un début de rapprochement israélo-libyen.

La décision de Tripoli d’abandonner son programme d’armes de destruction massive a d’ailleurs été chaleureusement accueillie par les autorités israéliennes qui y ont vu «une évolution positive». «Si la Libye rejoint la communauté des nations et renonce à ses armes, Israël n’écarte pas un dialogue avec ce pays», avait même affirmé le chef de la diplomatie Silvan Shalom. L’Etat hébreu avait accueilli avec beaucoup plus de scepticisme, voire de défiance, l’annonce de Téhéran de renoncer à son programme nucléaire militaire. Depuis les déclarations des responsables israéliens en vue d’un rapprochement avec la Libye se sont succédé. Le président Moshé Katsav a ainsi affirmé que la volonté du régime de Tripoli de renoncer aux armes non conventionnelles était «sérieuse». Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a pour sa part souligné qu’«Israël se félicitait de toute tentative d’établir des relations diplomatiques et ne manquera aucune occasion d’y parvenir».

Parallèlement, la presse israélienne s’est faite l’écho d’une rencontre à Paris entre responsables des deux pays. Un haut fonctionnaire du ministère des Affaires, Ron Prosor, aurait sondé fin décembre dans la capitale française un représentant libyen sur la possibilité de nouer des liens diplomatiques entre Israël et la Libye. Le Premier ministre Ariel Sharon aurait même reçu un compte-rendu circonstancié de cette rencontre. Un quotidien koweïtien, As Siyassa, a par ailleurs fait état d’une nouvelle rencontre en fin de semaine dernière à Vienne entre représentants des deux parties. Il aurait été convenu lors de cet entretien qui se serait déroulé à l’ambassade américaine qu’une délégation d’officiels israéliens, composée de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et de représentants du Mossad, effectue une visite en Libye d’ici une quinzaine de jours. Le but de cette visite, affirme la publication koweïtienne, est de mettre un terme à l’état de belligérance et de préparer la normalisation des relations entre les deux pays.

Démenti formel de Tripoli

Après un silence prudent, la Libye a vigoureusement démenti mercredi les informations concernant ces entrevues secrètes. «Ceux qui ont fait circuler ces informations devraient en fournir les preuves en indiquant la date et le lieu de ces rencontres ainsi que les personnes impliquées», a ainsi déclaré l’adjoint du ministre des Affaires étrangères, Hassouna Chaouch. «Les relations internationales ne se construisent pas sur des rumeurs et des intrigues. Ceux qui propagent ces rumeurs croient être en train de servir leurs intérêts, mais bien au contraire, ces rumeurs leur sont nuisibles», a-t-il ajouté mettant directement en cause les autorités israéliennes. Il a en outre estimé que «les relations internationales se fondaient sur la clarté et la confiance réciproque».

Visiblement gêné, le chef de la diplomatie israélienne, Silvan Shalom, a refusé de confirmer l'existence de pourparlers, soulignant que la divulgation de toute information mettrait en péril toute percée diplomatique secrète. En visite en Ethiopie, le ministre a insisté sur le fait que «toute information sur un processus mené en secret, qu'elle soit vraie ou fausse, pourrait porter atteinte aux efforts israéliens». Il a toutefois relancé l’idée d’un dialogue avec Tripoli à condition que la Libye change d'attitude envers Israël, cesse de soutenir le terrorisme et supprime ses armes de destruction massive.

Si dans ce contexte, la visite à Tripoli d’une délégation israélienne semble aujourd’hui plutôt compromise, il n’en demeure pas moins que le contact même officieux entre les deux ennemis d’hier paraît aujourd’hui établi. Et à en croire un site Internet arabe, al-Bawaba, le président Mouammar Kadhafi se serait récemment déclaré prêt à indemniser les juifs qui ont laissé des biens en Libye. Il se s’opposerait pas non plus à ce que ses concitoyens se rendent en Israël ou s’y installent…



par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/01/2004