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Irak

ADM : 400 inspecteurs repartent bredouilles

La recherche d’armes de destruction massive (ADM) en Irak n’a toujours rien donné. Les autorités américaines persistent à dire que les travaux du Groupe d’inspection (Iraq Survey Group) continuent mais 400 de ses membres ont déjà quitté le pays. Après plus de huit mois de recherches assidues, il paraît de plus en plus improbable de trouver un arsenal bactériologique, chimique ou nucléaire dissimulé dans le pays. Cette situation relance la polémique autour des affirmations des gouvernements américains et britanniques pour justifier une intervention militaire en Irak qui ont déjà été mises en cause à plusieurs reprises. Un rapport de la Fondation Carnegie apporte d’ailleurs de l’eau au moulin des sceptiques en estimant que le gouvernement américain a «exagéré» la menace présentée par les armes de destruction massive.
Mauvais temps pour George W. Bush. Le bénéfice de sa visite inopinée aux GI’s basés en Irak pour Thanksgiving et de la capture de Saddam Hussein est en train de partir en fumée. Le président américain et son administration sont de nouveau attaqués sévèrement sur le front des armes de destruction massive. Malgré une équipe de 1 400 inspecteurs à pied d’œuvre en Irak depuis le mois d’avril, aucun début de trace d’armes chimique, bactériologique ou nucléaire n’a pu être localisé. Et pourtant, l’arsenal de l’Irak était censé représenter une menace tellement majeure et immédiate pour la sécurité du monde, que son existence justifiait en elle-même l’intervention des troupes pour renverser le dangereux dictateur susceptible de l'utiliser : Saddam Hussein.

De plus en plus de voix s’élèvent donc pour affirmer que la présentation de la situation par les responsables américains avant la guerre a peut-être été surévaluée. La Fondation Carnegie, un centre d’études internationales basé à Washington, vient par exemple de publier un rapport particulièrement accusateur pour l’administration Bush intitulé : «Armes de destruction massive en Irak : preuves et enjeux». Selon les rédacteurs du document qui ont travaillé pendant six mois pour éplucher les déclarations des responsables américains sur ce thème, ces derniers «ont systématiquement présenté de manière inexacte la menace posée par les programmes d’armes de destruction massive et les missiles balistiques irakiens». Ces programmes d’armement représentaient «une menace à long terme qui ne pouvait être ignorée» mais en aucun cas «une menace immédiate pour les Etats-Unis, la région ou la sécurité mondiale». Pour la Fondation Carnegie, «aucun élément convaincant» ne permet d’affirmer que le programme nucléaire de l’Irak aurait été réactivé, pas plus qu’il n’existe de preuve du fait que l’Irak «aurait pu fournir des armes destruction massive à Al Qaïda». Le Washington Post analyse ces informations en suggérant que même si l’Irak avait «l’ambition» de mener un programme d’armement dangereux, elle n’en avait pas «les moyens».

Un danger surestimé

Les auteurs du rapport affirment d’autre part que les dirigeants américains ont délibérément mis de côté tous les arguments qui minimisaient le risque. Ils auraient ainsi «régulièrement écarté de leurs déclarations les mises en garde, les probabilités et les expressions d’incertitude contenues dans les évaluations du renseignement». «Dans ce processus, ils ont changé ce qui était des opinions en faits, et ils ont fait cela consciemment», a expliqué Joseph Cirincione, l’un des auteurs du rapport, qui a ajouté : «Le problème est que cela donne une impression inexacte à l’opinion, au Congrès à propos de ce que l’on sait et à quel point on en est sûr». La Fondation Carnegie estime même que des «pressions politiques» ont été exercées, surtout à partir de 2002, sur les services de renseignement pour qu’ils surestiment le danger de manière à justifier l’intervention en Irak.

Face à ces accusations, le vice-président du Conseil national du renseignement américain, Stuart Cohen, a rétorqué : «Les allégations selon lesquelles nous aurions modifié notre jugement pour soutenir la politique du gouvernement n’ont pas de sens». Si aucune arme de destruction massive n’a été retrouvée pour le moment, ce n’est donc pas parce qu’il n’y en a pas mais pour une raison simple : «Saddam Hussein a eu quinze ans pour affûter sa capacité à dissimuler ce type de matériel». Même son de cloche chez Colin Powell, le secrétaire d’Etat américain qui a réaffirmé «sa confiance» dans les informations fournies par les services de renseignement américains au sujet de l’armement irakien.

Dans un tel contexte, l’annonce du départ d’Irak de 400 techniciens du Groupe d’inspection (ISG) chargé de ratisser le pays à la recherche des armes de destruction massive, est analysée comme un signe qui confirme que les Américains ont aujourd’hui peu d’espoir d’en trouver. D’autant que le chef de l’ISG, David Kay, a annoncé récemment son désir de quitter son poste. Officiellement néanmoins, le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, a déclaré que rien n’avait changé et que l’ISG continuait son travail sur place.



par Valérie  Gas

Article publié le 09/01/2004