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Politique française

Elections : la droite en ordre dispersé

La nouvelle année a donné le coup d’envoi de la campagne en vue des élections régionales et cantonales du mois de mars 2004. La cérémonie des vœux a permis au président Chirac de reprendre l’initiative sur la scène politique nationale en faisant de l’emploi la priorité des priorités. Et le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, requinqué par les derniers sondages dans lesquels sa cote de popularité est en hausse de 6 %, a quant à lui rappelé qu’il entendait rester «numéro deux de l’exécutif», quels que soit les résultats des scrutins à venir. Tout en jouant son rôle de «numéro un de la majorité» en apportant son soutien aux candidats d'une majorité présidentielle souvent divisée.
L’union fait la force. Jean-Pierre Raffarin a tenu à rappeler cette maxime à quelques mois des échéances électorales qui vont amener les Français à choisir leurs conseillers régionaux et généraux. Les deux scrutins organisés au mois de mars ont avant tout des enjeux locaux, mais leurs résultats ne manqueront pas d’être analysés d’un point de vue national puisqu’il s’agit, avec les européennes de juin 2004, des seules grandes élections prévues avant la fin du mandat du chef de l’Etat en 2007. Jean-Pierre Raffarin, qui n’a eu de cesse d’affirmer ces derniers temps que ces votes n’auront «pas d’influence sur la vie du gouvernement», n’en a pas moins conscience du fait qu’en tant que «numéro un de la majorité», il lui incombe de motiver ses troupes pour les mener à la victoire.

Et qui dit motiver dit aussi rassembler. Ce qui n’est pas chose facile dans un contexte où l’UDF de François Bayrou a décidé de faire liste à part avec l’UMP d’Alain Juppé. C’est pour éviter une dispersion des forces qu’il juge contre-productive que Jean-Pierre Raffarin, qui va faire le tour de France des régions, a déclaré : «Je demande à mes amis de garder la main tendue. Je sens le développement d’un mouvement favorable à l’union sur le terrain». Et de faire valoir son expérience : «Je connais bien les régionales, je les ai gagnées à trois reprises, elles se gagnent dans l’union». Ce message semble avoir été entendu dans le Nord-Pas-de-Calais et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur où l’espoir de présenter des listes communes UMP-UDF n’est pas perdu. En PACA notamment, les risques liés à la candidature de Jean-Marie Le Pen incitent les candidats de la droite à s’unir dès le premier tour. Par contre, en Aquitaine, le fief du président de l’UMP, Alain Juppé, l’annonce de la candidature de François Bayrou a ravivé les animosités et une entente avant le premier tour semble totalement exclue.

Les présidentielles de 2007 en toile de fond

Chantre de la différence à droite, le président de l’UDF a affirmé que sa décision de se présenter en Gironde contre la tête de liste UMP, à savoir le ministre délégué à l’Enseignement scolaire, Xavier Darcos, était motivée par le désir de défendre «la liberté de ceux qui vont voter, d’avoir sur la table un bulletin différent», ajoutant qu’une élection à deux tours est faite «pour envoyer un message au premier tour». Autrement dit, l’union ne doit pas se faire au détriment de la spécificité de chacun. De ce point de vue d’ailleurs, François Bayrou a reçu un soutien inattendu de la part de Jacques Delors. L’ex-président de la Commission européenne a, en effet, salué le rôle joué par le président de l’UDF dans un paysage politique français selon lui trop polarisé autour de l’opposition entre le Parti socialiste et l’UMP : «On a besoin dans notre pays non pas de deux clans opposés qui font d’ailleurs le lit des deux extrêmes, mais d’une offre politique plus diversifiée qui épouse les angoisses de l’opinion… Je pense que François Bayrou élargit l’offre politique».

Du point de vue de Xavier Darcos, par contre, la décision de François Bayrou ne vise qu’à servir «sa carrière» et ses «stratégies personnelles», donc à lui permettre de poser des jalons avant les présidentielles de 2007. Dans cette perspective, ce n’est pas le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy qui jettera la pierre au président de l’UDF. Lui qui a reconnu récemment qu’il pensait souvent à cette échéance et qui a multiplié les initiatives susceptibles de le faire apparaître comme le futur présidentiable de la droite. Notamment en rencontrant le président Hu Jintao lors d’une visite en Chine ou en déclarant qu’il était souhaitable de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, autant de piques destinées à Jacques Chirac.

Face à cette attitude d’un Nicolas Sarkozy pétri d’ambitions non dissimulées et renforcé par les succès obtenus en tant que ministre de l’Intérieur dans la lutte contre l’insécurité qui lui attirent la sympathie des Français, les membres de la majorité présidentielle ont eu le souci d’atténuer les rumeurs de tension au sein du gouvernement et de rivalités avec le président de la République. Patrick Devedjian a notamment déclaré : «C’est plutôt une chance pour la majorité d’avoir à la fois un président de la République comme Jacques Chirac… et puis d’avoir dans la nouvelle génération un homme qui a le talent de Nicolas Sarkozy». Quant à Jean-Pierre Raffarin, il a joué le rôle du sage et a fait une allusion à peine voilée aux ambitions de son ministre de l’Intérieur en parlant des risques liées aux «aventures électorales prématurées». Une manière de dire à Nicolas Sarkozy qu’en politique aussi, rien ne sert de courir, il faut partir à point.



par Valérie  Gas

Article publié le 13/01/2004