Mondialisation
Les défis du Forum de Bombay
La mouvance altermondialiste, dopée par l’échec en septembre dernier du sommet de l’OMC à Cancun, saura-t-elle, à l’occasion du forum social mondial de Bombay (16 au 21 janvier), dépasser le stade de la simple contestation pour proposer un contre modèle crédible à la mondialisation libérale ?
En quelques années, de forums en contre-sommets, les opposants à la mondialisation se sont mués en acteurs à part entière sur la scène internationale. Combinant la force du nombre et une bonne utilisation de l’outil médiatique, la mouvance altermondialiste associe des syndicats et des mouvements sociaux, des mouvements paysans, des mouvements de défense de l’environnement, des ONG humanitaires et de développement, des mouvements contre la spéculation financière et les paradis fiscaux et des mouvements pour l’annulation de la dette des pays en voie de développement. Depuis le milieu des années quatre-vingt dix, ces mouvements de contestation ont orchestré une contre-offensive systématique aux grands rendez-vous de la planète néo-libérale, tels le Forum économique de Davos ou les réunions du G8.
Le dernier contre-sommet, celui de Cancun au Mexique, s’est ainsi déroulé en marge de la conférence ministérielle de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), organisée du 10 au 15 septembre dernier. Le sommet de Cancun a vu la fronde d’un groupe de 22 pays émergents ou en voie de développement, coalisés pour l’occasion et soutenus par le mouvement social international, dont le credo est de s’opposer à la domination économique des pays développés. Cette convergence conjoncturelle ne saurait pourtant masquer la fragile nature d’une alliance qui associe des pays au développement économique, social, politique et démographique très différent, dont les intérêts respectifs sont pour le moins divergents, voire contradictoires. La rupture du dialogue entre Nord et Sud à Cancun a certes porté un rude coup à la crédibilité du système commercial international, mais signifie-t-elle véritablement une dénonciation unanime de la politique économique libérale ?
Intérêts divergents
On peut en douter, tant l’approche du «groupe des 22» s’inscrit dans une logique libérale. Pour ne prendre que l’exemple du Brésil et de ses grandes firmes transnationales, notamment agricoles, son objectif est le démantèlement de toutes les subventions à l’exportation. Le pays deviendrait de la sorte le plus gros exportateur de céréales et de poulets au monde, la production des grandes firmes agricoles brésiliennes n’étant en effet soumise qu’à un minimum de réglementation en matière environnementale et sociale. Comme le précise Christophe Aguiton, l’un des leaders d’Attac (Association pour la taxation des transactions et l’aide aux citoyens), toute subvention ne saurait être considérée comme une distorsion à la concurrence : «Il s’agit de savoir qui le groupe des 22 veut privilégier, les petits exploitants ou les gros exportateurs ?».
Ensuite les pays du Sud savent que, faute d’un accord global, les pays développés s’y prendront autrement. Le risque est grand en effet de voir les États-Unis, notamment, sortir du cadre multilatéral et privilégier les accords bilatéraux, souvent moins avantageux pour les pays en voie de développement. Il semble donc qu’il faille nuancer la «victoire» des altermondialistes à Cancun.
L’autre événement ayant précédé le Forum social mondial est le récent Forum Social Européen, organisé en France du 12 au 15 novembre 2003. Certains responsables de mouvements contestataires y ont émis des réserves quant au bilan à tirer des luttes menées jusque là. Pour Pierre Khalfa, un des responsables de l’association G10 Solidaires, il faut «passer à l'offensive sur le plan idéologique, car nos propositions n'ont pas réellement d'impact sur les politiques des États. Il nous faut construire un véritable rapport de force pour obtenir une traduction politique de nos réflexions». Pour ce faire, Pierre Khalfa insiste sur l’importance qu’il y aurait selon lui à entretenir des rapports réguliers et suivis avec les gouvernements, les organisations internationales et les partis politiques pour pouvoir espérer les influencer : «si nous avons mis des grains de sable dans les rouages (…) nous n'avons pas été capables d'imposer nos solutions».
Comment imposer leurs solutions, voilà bien le principal défi auquel ont à répondre les alter mondialistes. Ils devront éviter la dispersion et maintenir, selon la formule consacrée, «l’unité dans la diversité». Le quatrième Forum Social Mondial devrait donc être l’occasion de jeter des ponts entre les différents types et secteurs d'engagement et de fédérer les mouvements de luttes pour pouvoir répandre à travers le monde la contestation contre le néolibéralisme. C’est là sa raison d’être, puisque le Forum Social Mondial, selon sa charte de principes, est «un lieu de rencontre qui favorise les débats d'idées, la formulation de solutions, d'alternatives et de pistes d'action, ainsi que la mise en réseau entre les associations et les mouvements de la société civile qui sont opposés à la mondialisation néo-libérale des marchés».
Le dernier contre-sommet, celui de Cancun au Mexique, s’est ainsi déroulé en marge de la conférence ministérielle de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), organisée du 10 au 15 septembre dernier. Le sommet de Cancun a vu la fronde d’un groupe de 22 pays émergents ou en voie de développement, coalisés pour l’occasion et soutenus par le mouvement social international, dont le credo est de s’opposer à la domination économique des pays développés. Cette convergence conjoncturelle ne saurait pourtant masquer la fragile nature d’une alliance qui associe des pays au développement économique, social, politique et démographique très différent, dont les intérêts respectifs sont pour le moins divergents, voire contradictoires. La rupture du dialogue entre Nord et Sud à Cancun a certes porté un rude coup à la crédibilité du système commercial international, mais signifie-t-elle véritablement une dénonciation unanime de la politique économique libérale ?
Intérêts divergents
On peut en douter, tant l’approche du «groupe des 22» s’inscrit dans une logique libérale. Pour ne prendre que l’exemple du Brésil et de ses grandes firmes transnationales, notamment agricoles, son objectif est le démantèlement de toutes les subventions à l’exportation. Le pays deviendrait de la sorte le plus gros exportateur de céréales et de poulets au monde, la production des grandes firmes agricoles brésiliennes n’étant en effet soumise qu’à un minimum de réglementation en matière environnementale et sociale. Comme le précise Christophe Aguiton, l’un des leaders d’Attac (Association pour la taxation des transactions et l’aide aux citoyens), toute subvention ne saurait être considérée comme une distorsion à la concurrence : «Il s’agit de savoir qui le groupe des 22 veut privilégier, les petits exploitants ou les gros exportateurs ?».
Ensuite les pays du Sud savent que, faute d’un accord global, les pays développés s’y prendront autrement. Le risque est grand en effet de voir les États-Unis, notamment, sortir du cadre multilatéral et privilégier les accords bilatéraux, souvent moins avantageux pour les pays en voie de développement. Il semble donc qu’il faille nuancer la «victoire» des altermondialistes à Cancun.
L’autre événement ayant précédé le Forum social mondial est le récent Forum Social Européen, organisé en France du 12 au 15 novembre 2003. Certains responsables de mouvements contestataires y ont émis des réserves quant au bilan à tirer des luttes menées jusque là. Pour Pierre Khalfa, un des responsables de l’association G10 Solidaires, il faut «passer à l'offensive sur le plan idéologique, car nos propositions n'ont pas réellement d'impact sur les politiques des États. Il nous faut construire un véritable rapport de force pour obtenir une traduction politique de nos réflexions». Pour ce faire, Pierre Khalfa insiste sur l’importance qu’il y aurait selon lui à entretenir des rapports réguliers et suivis avec les gouvernements, les organisations internationales et les partis politiques pour pouvoir espérer les influencer : «si nous avons mis des grains de sable dans les rouages (…) nous n'avons pas été capables d'imposer nos solutions».
Comment imposer leurs solutions, voilà bien le principal défi auquel ont à répondre les alter mondialistes. Ils devront éviter la dispersion et maintenir, selon la formule consacrée, «l’unité dans la diversité». Le quatrième Forum Social Mondial devrait donc être l’occasion de jeter des ponts entre les différents types et secteurs d'engagement et de fédérer les mouvements de luttes pour pouvoir répandre à travers le monde la contestation contre le néolibéralisme. C’est là sa raison d’être, puisque le Forum Social Mondial, selon sa charte de principes, est «un lieu de rencontre qui favorise les débats d'idées, la formulation de solutions, d'alternatives et de pistes d'action, ainsi que la mise en réseau entre les associations et les mouvements de la société civile qui sont opposés à la mondialisation néo-libérale des marchés».
par Olivier Rabaey
Article publié le 15/01/2004