Burundi
Les rebelles changent de ton
Ce 5 janvier, les rebelles du Palipehutu-FNL (Parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération) se sont déclarés disposés à discuter avec le président de la transition, Domitien Ndayizeye, «entre le 15 et le 20 de ce mois». Si elle a lieu, cette rencontre pourrait marquer un pas vers des pourparlers de paix de la part de la dernière rébellion à poursuivre la guerre civile qui ensanglante le Burundi depuis une décennie. Le 23 novembre dernier, l’autre important mouvement armé, celui des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) est en effet entré au gouvernement de transition et son intégration militaire dans l’armée nationale est en cours de finalisation. En revanche, les FNL qui avaient boycotté les négociations d’Arusha (1998-2000), n’ont jamais cessé de contester la transition en forme de partage du pouvoir politico-ethnique qui s’est ensuivie et réclamaient des négociations avec les seuls chefs militaires adverses. Le 29 décembre dernier, c’est l’ambassadeur du Vatican au Burundi qui avait été assassiné dans une embuscade. Le président de la conférence épiscopale du Burundi, l’archevêque Simon Ntamwana, avait accusé les FNL qui lui avaient alors donné un mois pour quitter le pays. Aujourd’hui, ils lèvent leur ultimatum en forme de menace de mort.
«Ndayizeye veut nous écouter. Il nous a demandé de le rencontrer. Nous acceptons d'aller discuter avec lui pour exposer nos problèmes», assure le porte-parole des FNL, Pasteur Habimana, qui donne une fourchette de date courant janvier mais ne précise pas le lieu éventuel de la rencontre, «pour des raisons de sécurité». De son côté, le porte-parole du président burundais, Pancrace Cimpaye, confirme, indiquant que l’entrevue se tiendra sans doute à l’étranger. Pour leur part, les rebelles sont revenus en cinq jours sur leur ultimatum lancé à l’encontre de l’archevêque burundais qui les avaient accusé d’avoir «exécuté» le nonce apostolique Michael Courney.
Nadayizeye comme «père de la Nation»
«Les différents appels du nonce aux FNL pour qu'elles quittent la voie de la guerre, et les réactions de leur part, tout cela montre à mon avis qu'il ne faut pas chercher les coupables ailleurs que chez les FNL», avait déclaré Mgr Ntamwana. «Nous jurons solennellement devant le peuple burundais et l'Eglise que nous n'avons pas organisé l'embuscade contre le nonce apostolique» avaient rétorqué les FNL, en sommant l’ecclésiastique de quitter le pays et en rejetant sur l’armée gouvernementale la responsabilité de ce meurtre sans précédent dans l'histoire moderne du Vatican. En tout cas, à propos du président Ndayizeye, le porte-parole des FNL ajoute que la délégation rebelle «ira le voir comme un père de la Nation». Le ton est nouveau.
La rébellion FNL dirigée par Agathon Rwasa opère principalement dans la région capitale de Bujumbura. Elle a vu ses bases arrières se réduire comme peau de chagrin depuis la mise en place de la transition du Congo-Kinshasa dont les partenaires se sont entendus pour chasser les groupes armés étrangers du territoire national. Mais le dernier carré rebelle burundais a aussi perdu du terrain avec l'accord de paix conclu entre FDD et gouvernement le 16 novembre dernier. D’autant que le volet militaire de cet accord est tentant pour nombre de jeunes Hutu en lutte armée depuis des lustres, et cela quelle que soit leur étiquette partisane. L’accord prévoit en effet la constitution d’un «état-major intégré» de l’armée, de la police et des services de sécurité. Il comportera 60% d’officiers en provenance des corps actuels (à majorité Tutsi) et 40% d'ex-rebelles (hutu des FDD essentiellement). Les troupes seront recrutées selon le même dosage. Des places sont théoriquement réservées aux FNL.
Le 31 décembre, le président Ndayizeye avait fixé un calendrier pour l’intégration des anciens belligérants dans les nouvelles forces de l’ordre. Il prévoyait pour le 5 janvier la fin du rassemblement des anciens combattants rebelles, sous la supervision des troupes de l’Union africaine (essentiellement sud-africaines) et pour le 7 janvier la formation de l’état-major intégré. Mais ces échéances n’ont pas été tenues et dès le 4 janvier, le porte-parole des FDD, le colonel Gélase Daniel Ndabirabe, avait estimé que «le rassemblement des combattants des FDD dans les zones prévues ne sera pas achevé demain, parce que les moyens financiers ne sont pas là et qu'il y a peu de volonté politique chez l'ancien gouvernement de transition». Une déclaration en forme de coup d’épingle qui ne remet rien en cause, tout en signalant des marchandages auxquels certains FNL aimeraient bien participer à leur tour. D’ailleurs, dans les points de rassemblement, il n’est pas évident de distinguer un FNL d’un FDD, ce qui risque de dégonfler les troupes de Agathon Rwasa et de grossir les sites de cantonnement que les anciens-combattants rebelles vont ensuite devoir rejoindre, avant leur démobilisation et leur éventuel recrutement pour la nouvelle armée nationale. La déshérence économique du Burundi ne manquera sûrement pas de susciter nombre de vocations militaires, dûment rémunérées, ce qui n’est pas le cas dans la lutte armée. Les autres peuvent espérer un soutien à leur réintégration dans la vie civile, si l’aide internationale arrive. Une conférence de donateurs est prévue mi-janvier à Bruxelles.
Pour sa part, le chef d'état-major de l'armée «régulière», le général Germain Niyoyankana, se veut confiant. «L'important est que le processus soit en cours comme nous le voyons», dit-il. «L'état-major intégré devra été mis en place au cours de cette semaine», poursuit le général Niyoyankana qui évoque lui aussi des difficultés financières et explique que «le rassemblement aurait dû être terminé avant la mise en place de l'état-major intégré, mais il est bon qu'on avance là où l'on peut». Or le temps presse si les partenaires de la transition veulent conduire les Burundais aux urnes d’ici le 30 octobre 2004, conformément à l'accord de paix signé à Arusha en août 2000. Le président Ndayizeye et son vice-président tutsi Alphonse Kadege se sont d’ailleurs promis de «mettre en place une commission chargée de préparer la loi électorale avant le 10 janvier». Les calendriers politiques et militaires sont extrêmement chargés. Jusqu’à récemment, les rebelles FNL avaient une stratégie purement militaire et fixaient une kyrielle de préalables à toute négociation, qualifiant de traîtres les politiciens hutu montés dans le train d’Arusha. Fin novembre, aucun résultat n’était sorti d’une première rencontre à Nairobi avec une délégation gouvernementale parmi laquelle des officiers. Aujourd’hui, Domitien Ndayizeye veut croire que «la paix n'est plus un rêve, nous allons tout mettre en oeuvre pour la consolider». Le meurtre du nonce apostolique prendrait alors allure de sacrifice sur l’autel de la paix.
Nadayizeye comme «père de la Nation»
«Les différents appels du nonce aux FNL pour qu'elles quittent la voie de la guerre, et les réactions de leur part, tout cela montre à mon avis qu'il ne faut pas chercher les coupables ailleurs que chez les FNL», avait déclaré Mgr Ntamwana. «Nous jurons solennellement devant le peuple burundais et l'Eglise que nous n'avons pas organisé l'embuscade contre le nonce apostolique» avaient rétorqué les FNL, en sommant l’ecclésiastique de quitter le pays et en rejetant sur l’armée gouvernementale la responsabilité de ce meurtre sans précédent dans l'histoire moderne du Vatican. En tout cas, à propos du président Ndayizeye, le porte-parole des FNL ajoute que la délégation rebelle «ira le voir comme un père de la Nation». Le ton est nouveau.
La rébellion FNL dirigée par Agathon Rwasa opère principalement dans la région capitale de Bujumbura. Elle a vu ses bases arrières se réduire comme peau de chagrin depuis la mise en place de la transition du Congo-Kinshasa dont les partenaires se sont entendus pour chasser les groupes armés étrangers du territoire national. Mais le dernier carré rebelle burundais a aussi perdu du terrain avec l'accord de paix conclu entre FDD et gouvernement le 16 novembre dernier. D’autant que le volet militaire de cet accord est tentant pour nombre de jeunes Hutu en lutte armée depuis des lustres, et cela quelle que soit leur étiquette partisane. L’accord prévoit en effet la constitution d’un «état-major intégré» de l’armée, de la police et des services de sécurité. Il comportera 60% d’officiers en provenance des corps actuels (à majorité Tutsi) et 40% d'ex-rebelles (hutu des FDD essentiellement). Les troupes seront recrutées selon le même dosage. Des places sont théoriquement réservées aux FNL.
Le 31 décembre, le président Ndayizeye avait fixé un calendrier pour l’intégration des anciens belligérants dans les nouvelles forces de l’ordre. Il prévoyait pour le 5 janvier la fin du rassemblement des anciens combattants rebelles, sous la supervision des troupes de l’Union africaine (essentiellement sud-africaines) et pour le 7 janvier la formation de l’état-major intégré. Mais ces échéances n’ont pas été tenues et dès le 4 janvier, le porte-parole des FDD, le colonel Gélase Daniel Ndabirabe, avait estimé que «le rassemblement des combattants des FDD dans les zones prévues ne sera pas achevé demain, parce que les moyens financiers ne sont pas là et qu'il y a peu de volonté politique chez l'ancien gouvernement de transition». Une déclaration en forme de coup d’épingle qui ne remet rien en cause, tout en signalant des marchandages auxquels certains FNL aimeraient bien participer à leur tour. D’ailleurs, dans les points de rassemblement, il n’est pas évident de distinguer un FNL d’un FDD, ce qui risque de dégonfler les troupes de Agathon Rwasa et de grossir les sites de cantonnement que les anciens-combattants rebelles vont ensuite devoir rejoindre, avant leur démobilisation et leur éventuel recrutement pour la nouvelle armée nationale. La déshérence économique du Burundi ne manquera sûrement pas de susciter nombre de vocations militaires, dûment rémunérées, ce qui n’est pas le cas dans la lutte armée. Les autres peuvent espérer un soutien à leur réintégration dans la vie civile, si l’aide internationale arrive. Une conférence de donateurs est prévue mi-janvier à Bruxelles.
Pour sa part, le chef d'état-major de l'armée «régulière», le général Germain Niyoyankana, se veut confiant. «L'important est que le processus soit en cours comme nous le voyons», dit-il. «L'état-major intégré devra été mis en place au cours de cette semaine», poursuit le général Niyoyankana qui évoque lui aussi des difficultés financières et explique que «le rassemblement aurait dû être terminé avant la mise en place de l'état-major intégré, mais il est bon qu'on avance là où l'on peut». Or le temps presse si les partenaires de la transition veulent conduire les Burundais aux urnes d’ici le 30 octobre 2004, conformément à l'accord de paix signé à Arusha en août 2000. Le président Ndayizeye et son vice-président tutsi Alphonse Kadege se sont d’ailleurs promis de «mettre en place une commission chargée de préparer la loi électorale avant le 10 janvier». Les calendriers politiques et militaires sont extrêmement chargés. Jusqu’à récemment, les rebelles FNL avaient une stratégie purement militaire et fixaient une kyrielle de préalables à toute négociation, qualifiant de traîtres les politiciens hutu montés dans le train d’Arusha. Fin novembre, aucun résultat n’était sorti d’une première rencontre à Nairobi avec une délégation gouvernementale parmi laquelle des officiers. Aujourd’hui, Domitien Ndayizeye veut croire que «la paix n'est plus un rêve, nous allons tout mettre en oeuvre pour la consolider». Le meurtre du nonce apostolique prendrait alors allure de sacrifice sur l’autel de la paix.
par Monique Mas
Article publié le 05/01/2004