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Mondialisation

Les altermondialistes s’ouvrent à l’Asie

En tenant sa 4ème édition en Inde, le Forum social mondial entend élargir le mouvement altermondialiste à l’Asie où il est relativement peu présent et, en 2006, se sera le tour de l’Afrique. Cette ouverture n’est pas sans conséquences sur l’évolution politique, sociale et culturelle du rassemblement des opposants à la mondialisation libérale.
En trois ans le Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre au Brésil est parvenu à concurrencer puis à éclipser le Forum économique mondial de Davos, dont pratiquement personne aujourd’hui ne sait qu’il débute le 21 janvier, jour où le FSM de Bombay prend fin. Porto Alegre a également réussi à rassembler un nombre jusqu’ici inégalé de mouvements sociaux et citoyens d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine.

En choisissant l’Inde, et plus particulièrement Bombay la capitale économique du sous-continent qui entre à grand pas dans la mondialisation libérale, le Forum social mondial veut s’élargir à l’Asie restée quelque peu à l’écart du mouvement. Selon Bernard Cassen l’ex-président d’Attac-France «l’Amérique latine est devenue partie prenante d’une contestation de la mondialisation libérale jusqu’alors essentiellement euro-américaine et Bombay jouera le même rôle pour l’Asie du sud». L’Asie, qui porte la moitié des habitants de la planète, représentera cette fois la moitié des 76 000 participants inscrits au FSM et, parmi les 2 500 organisations présentes, environ 850 sont indiennes.

Les organisateurs du FSM soulignent qu’en dépit des forums sociaux régionaux l’implantation du mouvement reste plus faible en Afrique et en Europe de l’Est. C’est pourquoi le Forum social mondial de 2006, après un retour à Porto Alegre en 2005, se tiendra sur le continent africain, probablement au Kenya.

Diversification géographique et culturelle

Le mouvement altermondialiste, en se mondialisant, subit nécessairement des transformations liées à l’augmentation du nombre de participants aux grands rassemblements mais aussi à la diversification des organisations qui le composent. Gagné par le gigantisme le mouvement se doit désormais de passer de la phase de contestation à une phase de propositions. Les membres fondateurs eux-mêmes le reconnaissent mais c’est Pascal Lamy, commissaire européen chargé du Commerce qui le confirme : lorsque le mouvement parviendra à accoucher de propositions, «ce jour-là débouchera sur un vrai dialogue politique» avec les instances comme l’Union européenne ou le FMI et la Banque mondiale.

Mais là où certains altermondialistes souhaiteraient une forme d’organisation permanente et plus institutionnalisée du mouvement, d’autres mettent en garde contre sa politisation. «Il est très important, déclare José Bové, leader syndicaliste paysan, que le combat soit mené par des mouvements sociaux et qu’il ne soit pas récupéré par quelque parti politique que ce soit».

Toutefois, l’interdiction de séjour faite aux partis politiques dans les statuts mêmes du Forum social mondial commence à poser problème et le parti communiste indien, par exemple, se bat pied à pied pour entrer sous ses couleurs au FSM de Bombay.

Le caractère réformiste de nombre d’organisations du monde occidental, Europe et Etats-Unis, commence aussi à gêner des groupements plus extrémistes issus des mouvements radicaux des pays en développement. A Bombay, prouvant qu’on est toujours le modéré de quelqu’un, les altermondialistes, qui inventèrent le contre-sommet à celui de Davos, auront à subir l’affront de la présence d’un contre-forum «Bombay résistance», soutenant la lutte armée telle celle des FARC en Colombie. Ce contre-forum inscrit la lutte contre l’impérialisme américain au rang de ses principaux thèmes de mobilisation. «Ils estiment que nous sommes néo-libéraux», déplorait un organisateur du FSM.

Enfin, le mouvement altermondialiste en s’élargissant géographiquement doit veiller à s’ouvrir à d’autres cultures et diversifier les origines sociales : plus de 70% des participants au précédent forum social de Porto Alegre, en 2003, avaient fréquenté l’enseignement supérieur. Dans l’avenir, des militants porteurs d’autres modes de pensée et d’autres formes de lutte, comme celle des Intouchables indiens, devraient faire évoluer sensiblement le visage de l’alter mondialisme teinté d’occident que nous connaissons aujourd’hui.

Ecoutez également:

Bernard Cassen, président d'honneur d'ATTAC. Il répond aux questions de Karim Lebhour, notre envoyé spécial en Inde.
16/01/2004, 6'35''



Article publié le 16/01/2004