Culture
Angoulême 2004: La BD japonaise chez Astérix
Manifestation de référence du «9ème art», le 31ème festival international d’Angoulême rend hommage à toute la BD, même japonaise, Manifestation de référence du «9ème art», le 31ème festival international d’Angoulême ouvre ses albums et couronne les auteurs jusqu’au 25 janvier. Installée au Centre national de la BD et de l’image (CNBDI), l’exposition - vedette de l’édition 2004 confirme Angoulême capitale de la BD. Angoulême, carrefour des civilisations, ne peut se concevoir sans mangas japonais.jusqu’au 25 janvier.
C’est en effet toute une ville qui se trouve immergée dans l’univers international de la bande dessinée, puisque la bande dessinée y est célébrée en toutes les langues. Rien ne manque : musée, librairie, centre de conservation de planches de BD, et forum ouvert comme chaque année à l’actualité de l’édition pour les «BDphiles» de tout poil. Ce festival est devenu une véritable institution. Les organisateurs voient grand pour satisfaire le public autant que les auteurs et leurs diffuseurs, des expositions rétrospectives aux expositions ayant pour mission de promouvoir les «jeunes talents», des rencontres et des débats organisés aux cérémonies officielles de remises de prix, sans oublier des portes ouvertes pour favoriser des rencontres entre «bédéistes» et afficionados.
Cette année encore, personne ne peut passer à côté du «phénomène manga». Mais, qu’est-ce qu’un manga au juste ? Le terme vient du caractère chinois man qui signifie «dessin» et ga qui signifie «rapide». Ce sont donc tout simplement des esquisses rapides puisqu’il faut 20 minutes à un Japonais pour lire les 320 pages d’un manga, ce qui correspond à un trajet en métro de son lieu de domicile à celui de son travail. Un manga, c’est une bande dessinée qui doit donc se lire vite et, qui plus est, de droite à gauche. Aux éditions Delcourt, Dominique Véret -responsable éditorial de la publication des mangas- est partisan de ne pas modifier ce mode de lecture: «on doit pouvoir s’adapter puisque le reste du monde asiatique et arabe le fait, et on doit pouvoir lire non pas à l’envers, mais différemment».
Bien que déjà sur le marché français dès les années quatre-vingt -avec entre autres Goldorak et Candy- c’est surtout à partir des années quatre-vingt-dix, alors qu’il n’existait quasiment plus de nouvelles BD francophones pour adolescents, que les mangas commencent réellement à inonder le marché. En 2000, avec l’arrivée de Shôjo, manga pour le public féminin, on assiste à un nouvel essor. En 2003, voici qu’arrive en France une nouvelle génération de mangas, avec un graphisme plus recherché et des sujets différents. Les thèmes abordés sont plus sociaux, ils embrassent les problèmes de la vie de la cité. Ils traitent aussi bien des problèmes d’une éducation trop stricte que ceux de la prostitution des jeunes filles, et de la délinquance des jeunes ; ils abordent aussi des sujets plus politiques, qui interrogent par exemple le rapport du Japon actuel avec le passé, et les problèmes d’écologie qui préoccupent tant le pays.
Le phénomène manga n’est donc plus une mode mais un genre incontournable qui s’est installé: d’après Dominique Véret, «aujourd’hui, c’est 1/3 des bandes dessinées qui paraissent qui viennent du marché japonais, ce qui signifie que dans les cinq années à venir, tous les dessinateurs seront influencés par les japonais aussi bien dans leur trait de crayon que dans leur manière de raconter des histoires».
Mais ce n’est pas seulement l’approche graphique que plébiscite le lectorat français. Les générations initiées au manga avec Goldorak ont grandi, et les mangas se trouvent aujourd’hui au premier rang des bandes dessinées étrangères traduites en France. Les détracteurs dénoncent une culture pop japonaise «japoniaisante», là où les éditeurs estiment qu’«il s’agit d’une marche de la culture, comme on parle d’une marche de l’Histoire: demain sera asiatique et, c’est un fait acquis: la culture pop nippone s’exporte».
L’histoire de la BD, une synergie entre les cultures
Les détracteurs de mangas leur font en général deux grands reproches. Le premier porte sur le graphisme, qui serait trop schématique. On peut toutefois rappeler que «les grands yeux si caractéristiques des personnages sont empruntés à Walt Disney, et que par ailleurs le rôle du regard est très important dans la culture japonaise, et renvoie à une technique de combat dans les arts martiaux», et Dominique Véret d’ajouter: «et puis nous aussi nous avons nos trognes stéréotypées, des trognes spirouïdes, des bouilles Tintin; Dupuis a fait école comme beaucoup d’autres». Quant au reproche fait aux mangas d’être simplistes dans leur manière de raconter des histoires, et violentes quant aux sujets abordés Dominique Véret répond en disant «certes il existe des mangas bas de gamme, mais il existe aussi des mangas d’excellente qualité comme celles d’Ayuko Tesuka dont les dessins abritent une très grande réflexion, et dont le travail est très fin».
En France, 80% des consommateurs sont des jeunes issus de l’immigration. «Les jeunes qui lisent des mangas ne foutent pas le bordel, la culture manga lie. Simplement la représentation de la violence ou de la sexualité n’est pas la même chez nous et au Japon. Si le marché représente 30% de celui de la BD, cela ne signifie pas pour autant qu’il s’adresse à 30% de détraqués, de malades, ou de demeurés!». Selon ce responsable éditorial, apôtre des mangas, il faut donc considérer le genre comme une «passerelle entre différentes cultures pour qu’elles parlent un langage commun». Il reconnaît à ce type de bande dessinée une vertu fédératrice tout en faisant remarquer que des BD françaises commencent à être traduites en Extrême-Orient, et qu’il ne faut pas oublier que «l’industrie française de l’édition a su aussi se faire de l’argent sur le dos des Japonais. Au lieu de diaboliser et de résister à un phénomène qui prend un essor exponentiel (la «japanimation», issue de la culture manga, représente aujourd’hui 60% des parts du marché mondial) mieux vaut s’attacher à un travail éditorial soigneux susceptible de faire le tri sur ce qui inonde le marché».
Au final, ce soir en rentrant chez vous après avoir vu un film coréen, dîné dans un restaurant thaï tandis que votre fille regardait un dessin japonais et que votre fils jouait sur sa console vidéo, il vous viendra peut-être à l’idée de lire un manga tout en faisant brûler dans la chambre une baguette d’encens !
A écouter également :
Laurent Muller, l'un des directeurs des éditions Glénat au micro de Catherine Rolland (23/01/2004, 4'18")
Cette année encore, personne ne peut passer à côté du «phénomène manga». Mais, qu’est-ce qu’un manga au juste ? Le terme vient du caractère chinois man qui signifie «dessin» et ga qui signifie «rapide». Ce sont donc tout simplement des esquisses rapides puisqu’il faut 20 minutes à un Japonais pour lire les 320 pages d’un manga, ce qui correspond à un trajet en métro de son lieu de domicile à celui de son travail. Un manga, c’est une bande dessinée qui doit donc se lire vite et, qui plus est, de droite à gauche. Aux éditions Delcourt, Dominique Véret -responsable éditorial de la publication des mangas- est partisan de ne pas modifier ce mode de lecture: «on doit pouvoir s’adapter puisque le reste du monde asiatique et arabe le fait, et on doit pouvoir lire non pas à l’envers, mais différemment».
Bien que déjà sur le marché français dès les années quatre-vingt -avec entre autres Goldorak et Candy- c’est surtout à partir des années quatre-vingt-dix, alors qu’il n’existait quasiment plus de nouvelles BD francophones pour adolescents, que les mangas commencent réellement à inonder le marché. En 2000, avec l’arrivée de Shôjo, manga pour le public féminin, on assiste à un nouvel essor. En 2003, voici qu’arrive en France une nouvelle génération de mangas, avec un graphisme plus recherché et des sujets différents. Les thèmes abordés sont plus sociaux, ils embrassent les problèmes de la vie de la cité. Ils traitent aussi bien des problèmes d’une éducation trop stricte que ceux de la prostitution des jeunes filles, et de la délinquance des jeunes ; ils abordent aussi des sujets plus politiques, qui interrogent par exemple le rapport du Japon actuel avec le passé, et les problèmes d’écologie qui préoccupent tant le pays.
Le phénomène manga n’est donc plus une mode mais un genre incontournable qui s’est installé: d’après Dominique Véret, «aujourd’hui, c’est 1/3 des bandes dessinées qui paraissent qui viennent du marché japonais, ce qui signifie que dans les cinq années à venir, tous les dessinateurs seront influencés par les japonais aussi bien dans leur trait de crayon que dans leur manière de raconter des histoires».
Mais ce n’est pas seulement l’approche graphique que plébiscite le lectorat français. Les générations initiées au manga avec Goldorak ont grandi, et les mangas se trouvent aujourd’hui au premier rang des bandes dessinées étrangères traduites en France. Les détracteurs dénoncent une culture pop japonaise «japoniaisante», là où les éditeurs estiment qu’«il s’agit d’une marche de la culture, comme on parle d’une marche de l’Histoire: demain sera asiatique et, c’est un fait acquis: la culture pop nippone s’exporte».
L’histoire de la BD, une synergie entre les cultures
Les détracteurs de mangas leur font en général deux grands reproches. Le premier porte sur le graphisme, qui serait trop schématique. On peut toutefois rappeler que «les grands yeux si caractéristiques des personnages sont empruntés à Walt Disney, et que par ailleurs le rôle du regard est très important dans la culture japonaise, et renvoie à une technique de combat dans les arts martiaux», et Dominique Véret d’ajouter: «et puis nous aussi nous avons nos trognes stéréotypées, des trognes spirouïdes, des bouilles Tintin; Dupuis a fait école comme beaucoup d’autres». Quant au reproche fait aux mangas d’être simplistes dans leur manière de raconter des histoires, et violentes quant aux sujets abordés Dominique Véret répond en disant «certes il existe des mangas bas de gamme, mais il existe aussi des mangas d’excellente qualité comme celles d’Ayuko Tesuka dont les dessins abritent une très grande réflexion, et dont le travail est très fin».
En France, 80% des consommateurs sont des jeunes issus de l’immigration. «Les jeunes qui lisent des mangas ne foutent pas le bordel, la culture manga lie. Simplement la représentation de la violence ou de la sexualité n’est pas la même chez nous et au Japon. Si le marché représente 30% de celui de la BD, cela ne signifie pas pour autant qu’il s’adresse à 30% de détraqués, de malades, ou de demeurés!». Selon ce responsable éditorial, apôtre des mangas, il faut donc considérer le genre comme une «passerelle entre différentes cultures pour qu’elles parlent un langage commun». Il reconnaît à ce type de bande dessinée une vertu fédératrice tout en faisant remarquer que des BD françaises commencent à être traduites en Extrême-Orient, et qu’il ne faut pas oublier que «l’industrie française de l’édition a su aussi se faire de l’argent sur le dos des Japonais. Au lieu de diaboliser et de résister à un phénomène qui prend un essor exponentiel (la «japanimation», issue de la culture manga, représente aujourd’hui 60% des parts du marché mondial) mieux vaut s’attacher à un travail éditorial soigneux susceptible de faire le tri sur ce qui inonde le marché».
Au final, ce soir en rentrant chez vous après avoir vu un film coréen, dîné dans un restaurant thaï tandis que votre fille regardait un dessin japonais et que votre fils jouait sur sa console vidéo, il vous viendra peut-être à l’idée de lire un manga tout en faisant brûler dans la chambre une baguette d’encens !
A écouter également :
Laurent Muller, l'un des directeurs des éditions Glénat au micro de Catherine Rolland (23/01/2004, 4'18")
par Dominique Raizon
Article publié le 23/01/2004