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Burundi

Les rebelles FNL «ont leur place dans les institutions»

C’est au cours de son escale aux Pays-Bas (18 - 20 janvier), où il parlera aussi relance économique, que le président Domitien Ndayizeye doit avoir sa première rencontre avec une délégation mandatée par Agathon Rwasa, le chef rebelle du Palipehutu-FNL (Parti de libération du peuple hutu - Forces nationales de libération) qui a refusé jusqu’à présent de monter dans le train de la transition organisée à Arusha en août 2000. Le président Ndayizeye entend convaincre le dernier carré rebelle de cesser le feu et d’entrer dans les institutions, à l’instar de l’autre mouvement armé, celui des FDD (Forces de défense de la démocratie), qui a rejoint le gouvernement en novembre dernier. Obtenir leur adhésion au processus de paix est l’une des principales priorités de Domitien Ndayizeye, depuis son avènement à la présidence tournante le 1er mai 2003. Mais il entend aussi lancer la reconstruction économique pour consolider la paix et organiser des élections d’ici la fin de son mandat, en novembre 2004. C’est le double enjeu de la tournée européenne qui a conduit le président Ndayizeye de Bruxelles (13 - 14 janvier) à Paris (15 - 16 janvier) avant La Haye.
Le président Domitien Ndayizeye confirme son rendez-vous aux Pays-Bas avec «une forte délégation qui a le mandat d’Agathon Rwasa». Il ne veut pas spéculer sur le contenu de la rencontre, rappelant que «c’est la première fois qu’on va se rencontrer» mais affiche une «volonté inébranlable» de convaincre les FNL. «Mon souhait est qu’ils entrent dans les institutions», ainsi qu’Arusha leur en ouvre le droit, précise-t-il, «le peu que nous avons, nous sommes prêts à le partager s’ils acceptent de rejoindre le processus de paix». Dans ce cas, martèle le chef de l’Etat, «rien ne les empêchera de bénéficier» comme les autres de la nouvelle répartition des postes, «au gouvernement et au parlement» notamment.

Les rebelles FNL, qui accusent le gouvernement de «tuer depuis des années une population (hutu) dont il a la charge» ne paraissent pas vraiment sur la même longueur d’ondes. Mais Domitien Ndayizeye ne désespère pas puisqu’ils ont demandé et accepté ce premier contact, «une très sage décision» selon lui. Mais «elle sera encore plus sage s’ils acceptent de négocier avec le gouvernement, parce que jusqu'à présent il disent qu’ils veulent parler seulement avec le président», poursuit le chef de l’Etat qui explique que cette rencontre «se passe en Europe parce qu’ils sont ici. Ils sont informés que je suis là, alors autant le faire ici. Il s’agit d’une prise de contact mais le cadre réel des négociations» reste la médiation sud-africaine.

Sur le fond, le président Ndayizeye ne veut pas douter de ce premier pas FNL. «Nous sommes tous certains que le conflit burundais n’a que trop duré. La guerre : ils ne la gagneront jamais. Si vous pensez qu’ils ne savent pas réfléchir au moins jusque là. Moi, je pense au contraire, qu’ils en sont capables», affirme-t-il, en suggérant que les FNL ont intérêt à se préparer comme les autres à la compétition électorale. Une façon de rappeler que quand la situation s’apaise au Burundi, le radicalisme ethniste du Palipehutu perd du terrain. L’intermède pluraliste du début des années quatre-vingt dix l’a montré. Or, à Bujumbura, les partenaires de la transition sont en train de resserrer le calendrier électoral programmé à Arusha conformément aux vœux de Domitien Ndayizeye. «Les élections générales auront lieu quoi qu’on veuille», prophétise-t-il. «Il n’est pas indiqué de continuer à régir le pays dans un cadre de peur», ajoute-t-il, fustigeant au passage ceux qui ont assassiné le nonce apostolique dans la capitale burundaise, le 29 décembre dernier. D’après lui, les premières investigations mettent en cause des «miliciens des FNL» qui «ont frappé un homme faute de moyens suffisants pour mettre le gouvernement à l’épreuve». Le meilleur moyen d’honorer la mémoire du défunt, «c’est d’obtenir la paix» dit-il. De leur côté, les FNL le traitent de «menteur». Ils s’en expliqueront aux Pays-Bas.

Le président Ndayizeye insiste pour rappeler que «la transition c’est pour nous permettre de réfléchir ensemble et de quitter la logique de guerre». Ensuite, chacun devra se mesurer aux élections. Nul doute pour lui qu’elles éclairciront les rangs de la vingtaine de partis politiques qui se sont imposés à la table des négociations et au partage du pouvoir. Domitien Ndayizeye ne sera pas lui-même candidat dans la joute électorale qu’il est chargé de préparer. Mais il entend réunir les conditions sécuritaires et économiques nécessaires, non seulement à la tenue des scrutins à venir, mais aussi à l’exercice du pouvoir qui sortira des urnes. Déjà, il estime que depuis l’entrée des FDD dans les institutions politiques de la transition, leur intégration militaire avance à pas rapides. Il se félicite de la toute récente nomination d’un chef d’état-major adjoint issu de l’ancienne rébellion FDD et de la formation d’un état-major général intégré chargé de jeter les bases de la future Force de défense nationale.

Reste la question de Bujumbura rural où opèrent encore les FNL mais, assure-t-il, «16 provinces - sur les 17 que compte le pays – sont sécurisées» et «nous avons atteint un stade de non retour concernant la paix et la sécurité». Le chef de la transition se veut confiant car, selon lui, «quand un militaire répond oui, ils avancent tous comme un seul homme». Quant à la taille de la future armée nationale, il estime que «les forces gouvernementales mises ensemble avec les FDD sont au-delà de ce dont nous avons besoin aujourd’hui. On doit au moins diviser par deux». Mais pour définir les effectifs souhaitables, «il faut d’abord voir si tout va bien en République démocratique du Congo, au Rwanda ou en Tanzanie» , si rien ne risque de «tomber du ciel sur notre tête». Après dix ans de conflit, il paraît aussi raisonnable d’éviter le banditisme en ramassant les armes qui traînent aux mains des civils. Bref «il faut une organisation des forces armées et de sécurité consistante».

"Il faudrait un plan Marshall"

La misère étant mauvaise conseillère, «cette paix que nous sommes en train de conquérir doit être consolidée par le ne raffermissement de la situation économique», plaide Domitien Ndayizeye à l’intention de son homologue français Jacques Chirac. Il compte sur un concours bilatéral français en renfort des promesses faites en début de semaine à Bruxelles au Forum des partenaires au développement du Burundi. Placée sous l’égide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la réunion a mobilisé de très nombreux bailleurs de fonds potentiels, en particulier autour de «la relance socio-économique et du financement de la réforme des corps de défense et de sécurité». Exsangue, le Burundi ne peut se relever seul d’une décennie de guerre.

Avec un peu plus d’un demi milliard de dollars seulement en 2002, le produit national brut (PNB) burundais a été divisé par trois depuis 1991. Les deux tiers de la population vivent loin en dessous du seuil de pauvreté et il y a aussi les centaines de milliers de réfugiés à réintégrer. Les autorités de transition demandaient environ un milliard et demi de dollars pour parer au plus pressé. Elles ont obtenu un milliard de dollars , dont une petite dizaine de millions de dollars d’aide fiduciaire pour combler le trou de la dette extérieure et l’assurance de nombreux engagements. Leur mise en œuvre effective sera surveillée par des comités de suivi. Par le passé, seulement 20 % des précédentes promesses auraient été suivies d’effets. En fait, ce qu’il faudrait au Burundi, «c’est un véritable plan Marshall». Mais le milliard annoncé peut être une vraie planche de salut.

«Je suis ici pour demander la contribution de la France en faveur d’une paix durable», a lancé le président Ndayizeye à Paris, qui a déjà promis de débloquer en trois ans 20 millions d’euros d’aide bilatérale et d’annuler au moins autant pour solder ses créances d’aide publique au développement. Une délégation d’entrepreneurs burundais accompagnait Domitien Ndayizeye. Pour attirer les investisseurs dans son petit pays dévasté et sans industrie aucune, le président s’est efforcé de plaider les charmes boisés et lacustres des mille collines, rappelant qu’elles sont bien placées aux abords des hinterland congolais et tanzanien. Il entrevoit un bassin économique naturel dont le développement répondrait à la question foncière tout en aidant la majorité des Burundais à abandonner la houe – et le fusil – au profit d’activités plus rémunératrices. Au total, condamné à l’optimisme après «l’amère expérience de la guerre», Domitien Ndayizeye veut croire qu’il ne se trouvera plus un «Burundais qui voudra encore faire un coup d’état pour nous faire retomber dans une guerre qui finalement nous ramènerait à la table de négociation».

«Moi je suis serein», assure le président en tournée européenne, «la grande libération c’est celle des esprits, de la conscience, des échanges que nous avons eu entre compatriotes». La transition prévoit en effet des garanties de sécurité et de représentation ethnique qui intéressent en particulier les communautés tutsi et twa. Pour leur part, les irréductibles du Palipehutu n’ont toujours pas adapté leur discours aux changements introduits par la transition dans le paysage politico-militaire. Depuis des décennies, ils identifiaient l’armée «monoethnique» tutsi comme leur ennemi principal, en tant que pilier du pouvoir dont leur parti prétendait émanciper «le peuple hutu». «Nous allons demander à M. Ndayizeye, un Hutu, de nous expliquer pourquoi il nous refuse des négociations avec nos frères tutsi», indique aujourd’hui le porte-parole des FNL. Domitien Ndayizeye va tenter de les convaincre de quitter d’abord le sentier de la guerre.



par Monique  Mas

Article publié le 16/01/2004