Tourisme
Les guides français accusés de protectionnisme
Qui dit tourisme dit aussi agence de voyages et guides. Mais les touristes n’achètent pas nécessairement les services d’un guide français diplômé ; ils préfèrent parfois leurs propres guides.
La législation française impose la possession d’une carte professionnelle délivrée par la Préfecture de Paris pour pouvoir exercer son métier dans certains musées nationaux et sur certains sites historiques. C’est ainsi qu’un Grec, Vassili Kiotis, guide dans son pays d’origine, en a fait les frais lorsqu’il a dû renoncer à accompagner un groupe de touristes au Louvre, faute d’être encarté. Emu de ne pouvoir exercer sa profession, ce guide a décidé d’attaquer le musée du Louvre et a saisi le Tribunal administratif de Paris en 1999 ; l’affaire est arrivée jusqu’au Conseil d’Etat.
A cette époque, il est vrai, les textes en vigueur en France ne tenaient pas compte des directives européennes prises en 1989 et 1992, faisant là une «infraction au droit communautaire». Le secrétariat d’Etat au tourisme est alors intervenu et a tranché. Depuis, le guide malheureusement éconduit a obtenu sa carte professionnelle française le 18 juillet 2002.
Pourtant, l’histoire a fait son chemin, et la Commission européenne a annoncé vendredi dernier qu’elle saisissait la Cour européenne de justice (CEJ) contre la France en raison des «difficultés» que rencontrent en général les guides touristiques étrangers à obtenir cette carte en France. Jonathan Todd, porte-parole de la Commission, maintient que «la réglementation concernant l’obtention d’une carte professionnelle pour les guides touristiques n’a jamais été adoptée».
De son côté, le secrétariat d’Etat au Tourisme dément et affirme délivrer régulièrement la carte aux ressortissants communautaires qui en font la demande. Il suffit de suivre la procédure : les candidatures doivent simplement être déposées dans l’un des trois ministères concernés, où les dossiers sont instruits -les trois ministères concernés étant : le secrétariat d’Etat au Tourisme, le ministère de la Culture, et le ministère de l’Intérieur. Puis, l’équivalence accordée, la carte professionnelle est alors délivrée par la Préfecture de Paris. Par ailleurs, un nouveau texte transposant les directives européennes de 1989 et 1992, soumis aujourd’hui à signature dans les différents ministères, devrait mettre prochainement un terme aux polémiques .
Reste, toujours selon le porte-parole de la Commission européenne, que le processus de délivrance des cartes se ferait au compte-gouttes. Mais peut-on dire de manière plus générale que cette carte est facilement délivrée ? La réponse est nuancée.
«Le régime est le même pour tous»
M.Sinh, directeur de «Paris international», dirige une agence de guides-interprètes et de traducteurs professionnels ; il confirme que les trois quarts de son personnel d’origine étrangère sont résidents français et ont obtenu leur carte professionnelle après avoir passé des examens très sélectifs en France. La formation est exigeante et agréée en université (Bac + 2 ou Bac + 3). Non moins exigeante, la loi concernant les professionnels français qui doivent tous aussi être impérativement diplômés d’Etat et conférenciers de la Réunion des musées nationaux (RMN) pour pouvoir prétendre exercer le métier de guide.
Françoise Broyelle, chef du service des conférenciers au Louvre, le confirme : le régime est le même pour tous, que l’on soit Français ou ressortissant de la Communauté. Elle souligne par ailleurs que les réservations d’accompagnement de groupes sont généralement faites par des agences, certes le plus souvent françaises, mais pas systématiquement.
Alors, de là à imaginer que le problème de fond soit en fait celui du monopole, il n’y a qu’un pas que franchit sans état d’âme Tom Jenkins, voyagiste à Londres et porte-parole de l’influente Association européenne des tours-opérateurs (ETOA). Ce dernier «regarde avec le plus grand intérêt» le bras de fer qui s’engage aujourd’hui entre Paris et Bruxelles. Concurrence oblige !
Pourquoi les trois ministères concernés retardent-ils la signature d’un texte prêt depuis longtemps déjà dans les tiroirs ? Pour protéger une corporation française ? A ce stade de la réflexion, la tentation est grande en effet de mettre en balance la colère des guides-interprètes français qui estiment avoir perdu 80% de leur clientèle depuis 1989. Amère, Virginie Brouillard, présidente de la CFE-CGC des professions du tourisme regrette en effet dans le quotidien Le Parisien que «le monde entier ait appris que n’importe qui pouvait, en France, premier pays du tourisme, faire n’importe quoi, et que ce soit 80% des jeunes diplômés français qui doivent s’orienter vers d’autres métiers faute de pouvoir vivre du tourisme».
Quoiqu’il en soit la France devra désormais se justifier devant la Cour de Justice de Luxembourg.
A cette époque, il est vrai, les textes en vigueur en France ne tenaient pas compte des directives européennes prises en 1989 et 1992, faisant là une «infraction au droit communautaire». Le secrétariat d’Etat au tourisme est alors intervenu et a tranché. Depuis, le guide malheureusement éconduit a obtenu sa carte professionnelle française le 18 juillet 2002.
Pourtant, l’histoire a fait son chemin, et la Commission européenne a annoncé vendredi dernier qu’elle saisissait la Cour européenne de justice (CEJ) contre la France en raison des «difficultés» que rencontrent en général les guides touristiques étrangers à obtenir cette carte en France. Jonathan Todd, porte-parole de la Commission, maintient que «la réglementation concernant l’obtention d’une carte professionnelle pour les guides touristiques n’a jamais été adoptée».
De son côté, le secrétariat d’Etat au Tourisme dément et affirme délivrer régulièrement la carte aux ressortissants communautaires qui en font la demande. Il suffit de suivre la procédure : les candidatures doivent simplement être déposées dans l’un des trois ministères concernés, où les dossiers sont instruits -les trois ministères concernés étant : le secrétariat d’Etat au Tourisme, le ministère de la Culture, et le ministère de l’Intérieur. Puis, l’équivalence accordée, la carte professionnelle est alors délivrée par la Préfecture de Paris. Par ailleurs, un nouveau texte transposant les directives européennes de 1989 et 1992, soumis aujourd’hui à signature dans les différents ministères, devrait mettre prochainement un terme aux polémiques .
Reste, toujours selon le porte-parole de la Commission européenne, que le processus de délivrance des cartes se ferait au compte-gouttes. Mais peut-on dire de manière plus générale que cette carte est facilement délivrée ? La réponse est nuancée.
«Le régime est le même pour tous»
M.Sinh, directeur de «Paris international», dirige une agence de guides-interprètes et de traducteurs professionnels ; il confirme que les trois quarts de son personnel d’origine étrangère sont résidents français et ont obtenu leur carte professionnelle après avoir passé des examens très sélectifs en France. La formation est exigeante et agréée en université (Bac + 2 ou Bac + 3). Non moins exigeante, la loi concernant les professionnels français qui doivent tous aussi être impérativement diplômés d’Etat et conférenciers de la Réunion des musées nationaux (RMN) pour pouvoir prétendre exercer le métier de guide.
Françoise Broyelle, chef du service des conférenciers au Louvre, le confirme : le régime est le même pour tous, que l’on soit Français ou ressortissant de la Communauté. Elle souligne par ailleurs que les réservations d’accompagnement de groupes sont généralement faites par des agences, certes le plus souvent françaises, mais pas systématiquement.
Alors, de là à imaginer que le problème de fond soit en fait celui du monopole, il n’y a qu’un pas que franchit sans état d’âme Tom Jenkins, voyagiste à Londres et porte-parole de l’influente Association européenne des tours-opérateurs (ETOA). Ce dernier «regarde avec le plus grand intérêt» le bras de fer qui s’engage aujourd’hui entre Paris et Bruxelles. Concurrence oblige !
Pourquoi les trois ministères concernés retardent-ils la signature d’un texte prêt depuis longtemps déjà dans les tiroirs ? Pour protéger une corporation française ? A ce stade de la réflexion, la tentation est grande en effet de mettre en balance la colère des guides-interprètes français qui estiment avoir perdu 80% de leur clientèle depuis 1989. Amère, Virginie Brouillard, présidente de la CFE-CGC des professions du tourisme regrette en effet dans le quotidien Le Parisien que «le monde entier ait appris que n’importe qui pouvait, en France, premier pays du tourisme, faire n’importe quoi, et que ce soit 80% des jeunes diplômés français qui doivent s’orienter vers d’autres métiers faute de pouvoir vivre du tourisme».
Quoiqu’il en soit la France devra désormais se justifier devant la Cour de Justice de Luxembourg.
par Dominique Raizon
Article publié le 06/01/2004