Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Liban

Echange de prisonniers réussi malgré un attentat

L’accord conclu entre Israël et le Hezbollah libanais sur lequel l’opinion israélienne est très partagée a pu être mené jusqu’au bout malgré l’attentat qui a ensanglanté jeudi matin la ville de Jérusalem. Cette attaque suicide perpétrée à quelque mètres du domicile du Premier ministre Ariel Sharon a coûté la vie à dix personnes. Une cinquantaine d’autres ont en outre été blessées dont certaines grièvement. L’attentat, qui a été unanimement condamné, est intervenu au lendemain d’une incursion meurtrière de l’armée israélienne à Gaza qui a fait huit morts, parmi lesquels quatre militants du mouvement radical palestinien du Jihad islamique.
L’échange de prisonniers était entré dans sa phase terminale avec notamment l’arrivée en Allemagne de deux avions en provenance de Tel Aviv et Beyrouth, avec à leur bord d’un côté des détenus arabes et de l’autre un prisonnier israélien ainsi que les dépouilles de trois soldats, lorsqu’une violente explosion a secoué un quartier ouest de Jérusalem. Un kamikaze palestinien a actionné sa charge en pleine heure de pointe dans un autobus bondé provoquant la mort d’au moins dix personnes. Le souffle de la déflagration était tel qu’il a arraché le toit du véhicule qui a été retrouvé au-dessus d’un bâtiment de deux étages. Un témoin a même rapporté que des morceaux de corps humains avaient été projeté à l’intérieur des maisons de ce quartier résidentiel. Cet attentat sanglant, le premier depuis le début de l’année, a été revendiqué par les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, un groupe radical lié au Fatah de Yasser Arafat.

Très vite, un responsable israélien a assuré que l’attaque suicide de Jérusalem n’allait pas remettre en question l’échange de prisonniers convenu avec le Hezbollah. «Israël respectera les accords conclus et l’échange de prisonniers va suivre son cours», a ainsi affirmé un porte-parole d’Ariel Sharon, Raanan Gissin. Et de fait les étapes se sont déroulés comme prévu initialement. Une fois identifiés les corps des trois soldats dont les dépouilles étaient arrivées tôt dans la matinée en Allemagne en provenance de Beyrouth, l’armée israélienne a donné son feu vert pour l’échange. Trois généraux israéliens sont allés personnellement informer les familles des résultats formels de l’identification, dont certaines gardaient encore l’espoir de retrouver leur proche vivant. «Ils ont demandé à connaître les détails. Je leur ai dit que les corps étaient entiers, qu’ils n’avaient pas subi de mauvais traitements et que très vraisemblablement ils étaient morts à une date très proche» de leur enlèvement le 7 octobre 2002, a confié l’un des généraux.

Une fois le feu vert donné, Israël a commencé à libérer 400 prisonniers palestiniens qui ont été acheminés par autocar vers cinq points de contrôle donnant accès à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Des dizaines d’entre eux se sont aussitôt rendus au quartier général de Yasser Arafat à Ramallah. Au même moment en Allemagne une trentaine de détenus arabes, dont 23 Libanais, et un Allemand converti à l’islam ont été libérés. Dernier terme de l’accord conclu enfin, les dépouilles d’une soixantaine de combattants du Hezbollah ont été remises à la Croix-Rouge internationale qui devait ensuite les remettre aux autorités libanaises.

Reprise du cycle de violences

L’accord conclu par Israël et le Hezbollah n’a pas été favorablement accueilli par l’opinion publique israélienne qui y a vu une victoire pour la milice chiite libanaise placé de fait au rang de négociateur de l’Etat hébreu. Il a en outre été observé d’un très mauvais œil par l’administration américaine pour qui le mouvement radical demeure une organisation terroriste à combattre. De nombreux Israéliens craignent en outre que l’échange conclu n’incite le Hezbollah à commettre de nouveaux enlèvements et ne montre la voie à suivre aux groupes radicaux palestiniens comme le Hamas ou le Jihad islamique.

La libération de 400 Palestiniens au terme de cet accord, pour lequel l’Autorité palestinienne n’a officiellement jamais été consulté, aurait pu laisser croire à une trêve dans les violences israélo-palestiniennes. L’attentat kamikaze de jeudi matin, revendiqué par les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, a prouvé le contraire. Il a coïncidé en outre avec une visite dans la région de l’émissaire américain John Wolf chargé de veiller à l’application de la Feuille de route, ce plan de paix du Quartette, enlisé depuis des mois. Cette visite du responsable américain, qui était accompagné d’un haut fonctionnaire du département d’Etat, est la première du genre depuis le mois de septembre, date à laquelle l’administration Bush s’est clairement désengagé du processus de paix israélo-palestinien.

Comme à l’accoutumée, les deux parties se sont rejetées mutuellement la paternité de la reprise des violences. Le ministre palestinien de l'Intérieur Hakam Balaawi a ainsi accusé le gouvernement israélien d’avoir «relancé le cycle de la violence» avec l'incursion meurtrière à Gaza mercredi tout en condamnant l'attentat de Jérusalem. Mais David Baker, un responsable du cabinet de Sharon, a de son côté déclaré que «l'Autorité palestinienne continuait à ne rien faire, absolument rien, pour empêcher le terrorisme émanant de son territoire». Le ministre palestinien en charge des négociations, Saëb Erakat, a une nouvelle fois appelé à une reprises des pourparlers israélo-palestiniens. «Ce qui s'est passé hier à Gaza et aujourd'hui à Jérusalem confirme la nécessité d'une intensification des efforts internationaux pour faire avancer le processus de paix», a-t-il en effet déclaré.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/01/2004