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Politique française

Juppé inéligible : coup dur pour la droite

La condamnation du président de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), Alain Juppé, à 18 mois de prison avec sursis et 10 ans d’inéligibilité hypothèque son avenir politique mais fragilise aussi son camp à quelques mois seulement des élections régionales. Alain Juppé devrait s’exprimer en début de semaine pour annoncer s’il entend ou non conserver ses mandats à la tête de l’UMP et à la mairie de Bordeaux, jusqu’à la fin de la procédure d’appel qu’il a décidé d’engager.
Partir ou rester : c’est la question à laquelle Alain Juppé, qui avait annoncé qu’il se retirerait de la vie politique s’il devenait inéligible, doit répondre rapidement. Car depuis l’annonce de sa condamnation par le tribunal de Nanterre dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, c’est la pagaille à droite. Même si l’appel interjeté par Alain Juppé est suspensif et lui permet donc, en théorie, de rester à la tête de son parti mais aussi de la mairie de Bordeaux jusqu’à la fin de la procédure, sa condamnation le place dans une position délicate. D’autant que 2004 est une année électorale importante. Les élections régionales doivent avoir lieu en mars, et les européennes en juin. Il ne sera donc pas facile à un Alain Juppé décrédibilisé par une décision de justice sévère, même si elle n’est que «provisoire» comme l’a dit le Premier ministre, de mener une campagne électorale dans laquelle il lui faudra non seulement rassembler les courants, mobiliser les électeurs mais aussi répondre aux attaques de ses adversaires politiques qui ne manqueront d’utiliser ses faiblesses.

Certes, pour le moment, le maire de Bordeaux a reçu de nombreux témoignages de sympathie et des encouragements à rester aux commandes de l’UMP coûte que coûte de la part de ses alliés politiques. Jean-François Coppé, le porte-parole du gouvernement, a estimé que l’UMP «a besoin d’Alain Juppé». Dominique de Villepin, le ministre de Affaires étrangères a souhaité «qu’il poursuive sa mission… car c’est un homme d’Etat». Le président de la République, qui est lui aussi éclaboussé dans cette affaire, comme l’ont fait remarquer plusieurs membres de l’opposition et notamment le Vert Noël Mamère qui a qualifié Alain Juppé de «fusible» de Jacques Chirac, ne s’est pas exprimé directement. Mais sa femme, Bernadette, a quant à elle déclaré que le président de l’UMP était un «honnête homme» et «un homme d’Etat de grande envergure».

L’UMP convoitée

Il est clair que pour le parti présidentiel, et pour le président lui-même, qui considère le maire de Bordeaux comme son «dauphin», un éventuel retrait de la vie politique d’Alain Juppé à la suite de sa condamnation bouleverseraient la donne. Au-delà même de son remplacement à la tête de la mairie de Bordeaux, c’est sa succession à la présidence de l’UMP qui poserait le plus de problèmes et présenterait les enjeux les plus importants. Car l’UMP, c’est la machine de guerre indispensable pour celui qui sera le candidat de la droite lors de la prochaine présidentielle de 2007. Le parti risque donc d’être très convoité. Notamment par Nicolas Sarkozy qui n’a pas fait mystère de ses ambitions et dont les rivalités avec Jacques Chirac ont alimenté les chroniques politiques ces derniers mois. Le ministre de l’Intérieur pourrait donc être tenté d’essayer de prendre la tête de l’UMP. Pourquoi pas en novembre lorsque le mandat d’Alain Juppé arrivera officiellement à échéance. Dans l’intervalle, s’il devait y avoir intérim à la tête du parti, Jean-Claude Gaudin, actuel numéro deux, a déjà fait savoir qu’il était là pour assumer les responsabilités. L’hypothèse de voir le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui a rappelé récemment qu’il avait bel et bien vocation à être le numéro un de la majorité, reprendre lui-même les rênes, n’est pas exclue non plus.

Même si selon l’un de ses proches, son premier adjoint à la mairie de Bordeaux, le député européen Hugues Martin, Alain Juppé, qui est parti se mettre au vert en Normandie, est «serein», sa réflexion sur son avenir politique risque d’être perturbée par les déclarations de Catherine Pierce, la présidente du tribunal de Nanterre. Celle-ci a affirmé dans une interview au journal Le Parisien, qu’elle avait fait l’objet de pressions, que son bureau et celui de ses assesseurs avaient été «visités» et qu’elle pensait avoir été placée sur écoutes téléphoniques. C’est même par crainte des fuites que les juges ont décidé de ne pas utiliser l’outil informatique du tribunal pour rédiger leur jugement. Dominique Perben a tout de suite annoncé qu’il demandait au procureur de la République de Nanterre «d’ouvrir une information afin qu’un juge soit saisi de l’affaire».



par Valérie  Gas

Article publié le 31/01/2004