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Burkina Faso

Le dossier «Norbert Zongo» relancé ?

Cinq ans exactement après l'assassinat du directeur de l'Indépendant, le dossier qui traîne depuis entre les mains de la justice burkinabé pourrait être relancé. Le 26 décembre, le juge d'instruction Wenceslas Ilboudo a entendu trois anciens soldats de la garde présidentielle, et parmi eux le sergent Babou Naon qui dit avoir «des révélations à faire» sur cette affaire.
De notre correspondant au Burkina Faso

Qu'est-ce que le juge a pu tirer du sergent Naon et de ses deux camarades ? Difficile de le savoir puisque rien n'a filtré pour le moment de cette audition. Ce que l'on sait, c'est que ce rendez-vous était sans doute l'un des plus importants pour Wenceslas Ilboudo qui instruit depuis cinq ans ce dossier sans succès. D'autant plus que l'ancien garde du corps du président Blaise Compaoré s'était dit prêt à faire des révélations.
Il avait fait ces déclarations devant un juge militaire qui l'entendait pour une autre affaire: celle de la tentative présumée de coup d'Etat révélée en octobre dernier et pour laquelle il est inculpé avec 15 autres personnes. «Cabri mort n'a pas peur de couteau», aurait lancé Babou Naon pour expliquer qu'il n'avait plus rien à perdre en parlant. Pour les organisations de défense des droits de l'homme, Reporters sans frontières (RSF) en tête, il existe désormais un espoir de relancer le dossier Norbert Zongo qui était au point mort.

Ecarter l'avocat du dossier

En fait, le sergent Naon n'est pas n'importe qui. Membre de la sécurité rapprochée du président burkinabé à l'époque des faits, il appartenait à la même unité que les six «suspects sérieux» désignés en mai 1999 par une commission d'enquête indépendante à laquelle avait pris part RSF. Son témoignage pourrait être capital dans le dossier qui était jusque-là bloqué. Le seul élément concret en cinq ans d'investigation a été l'inculpation en février 2001 de l'adjudant Marcel Kafando, ancien chef de la sécurité rapprochée du président Compaoré. Depuis lors, plus rien. Très malade, l'adjudant Kafando ne peut plus répondre aux convocations du juge, ce qui a fait dire à des observateurs que le dossier était enterré.
Maintenant qu'il est relancé, peut-on espérer que la lumière sera faite sur cet assassinat qui avait plongé pendant trois ans le Burkina dans une crise sans précédent ? Ce n’est pas certain en raison de la grande complexité de ce que l'on peut appeler la nouvelle affaire Naon. Elle a provoqué un séisme dans le camp du pouvoir dont la première réaction a été de refuser une audition du sergent rebelle par le juge civil. Et l'avocat Prosper Farama, chargé de défendre l'un des 16 inculpés dans l'affaire de la tentative du coup d'Etat, n’a ensuite pas pu s'entretenir avec le sergent Naon qu'il voulait également défendre.

Dernier acte, sans doute le plus important, ce même avocat a été inculpé par le juge militaire pour «violation du secret d'instruction». La justice militaire accuse en effet ce jeune avocat d'avoir livré à RSF les éléments de la déposition du sergent Naon, reproduits mot pour mot dans la presse burkinabé. Les responsables des journaux qui ont publié ces déclarations ont même été convoqués par le juge militaire. «Il n'y a pas de doute que c'est maître Farama qui a donné les procès-verbaux à RSF puisque c'est le seul qui détenait une copie de la déposition reprise mot pour mot dans la presse», affirme le commissaire du gouvernement.
L'avocat, lui, rejette tout en bloc. «Je ne connais personne de RSF, si ce n'est Robert Ménard que j'ai seulement vu à la télé», clame-t-il. Parmi ses huit confrères qui ont choisi d’assurer sa défense, l’un d’entre eux soutient une version contraire de celle des autorités judiciaires. «Maître Farama n'est pas le seul à détenir une copie. Moi-même j'en ai une, tout comme le juge d'instruction, le greffe et le parquet», explique maître Julien Lallogo. De son côté, l’organisation RSF a aussi rejeté les accusations du juge militaire et s'est déclarée prête à venir témoigner. Une proposition qui a peu de chance d'être retenue, d'autant plus que, selon un haut responsable proche du dossier, «l'essentiel est d'écarter Farama du dossier».

En fait, le pouvoir craint que cet avocat qui défend les intérêts de la famille de Norbert Zongo ne profite de l'affaire du coup d'Etat pour remuer le dossier de notre confrère. «La mise hors-jeu de maître Farama dans cette affaire de putsch était vraisemblablement programmée et la divulgation du secret de l'instruction est plutôt un bon prétexte», écrit le bi mensuel burkinabé l'Evénement. Autant de faits qui prouvent que le chemin de la vérité sur cet assassinat perpétré le 13 décembre 1998 reste long.



par Alpha  Barry

Article publié le 03/01/2004