Ouganda
La CPI pourrait enquêter sur l'Armée de résistance du Seigneur
A la suite d’une entrevue à Londres ce jeudi avec le président ougandais Yoweri Museveni, le procureur général de la Cour pénale internationale a annoncé son intention d’ouvrir une enquête sur les activités de l’Armée de résistance du Seigneur, une rébellion active depuis 18 ans dans le nord de l’Ouganda.
De notre correspondant à Kampala
Yoweri Museveni avait annoncé en décembre dernier son intention d’obtenir un mandat d’arrêt international à l’encontre de Joseph Kony, le chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Cette décision de la Cour Pénale internationale (CPI) est donc une victoire politique pour le président ougandais.
Dans un communiqué rédigé à la suite d’une rencontre jeudi dernier à Londres avec le président Ougandais, le procureur général de la CPI, l’argentin Luis Moreno Ocampo, a souligné «qu’il existait une base suffisante pour commencer à préparer la première enquête de la Cour». «La décision d’ouvrir une enquête sera prise dans les mois à venir», précise-t-il. Conformément au traité de Rome de 1998, qui instaure la CPI, le procureur doit auparavant informer tous les membres de la Cour.
Les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur bénéficient actuellement en Ouganda d’une loi d’amnistie, récemment prorogée par le Parlement. Cependant, le président Museveni a informé le procureur de son intention d’amender cette loi «afin d’exclure les dirigeants de la LRA de son champ d’application», révèle le communiqué de la CPI. Si l’enquête est lancée, «le principal problème», souligne Luis Moreno Ocampo «sera de localiser et d’arrêter les dirigeants» de cette rébellion.
Aussi oppressante que l’oppresseur
En effet, ces rebelles ne contrôlent aucun territoire. Ils évoluent dans les immenses régions semi-arides du nord de l’Ouganda et du sud-Soudan où ils ont leurs bases arrière. En 2002, l’armée ougandaise avait obtenu le feu vert du gouvernement islamique de Khartoum pour défaire les bases arrière de la LRA. En vain: les rebelles étaient rentrés en Ouganda où leur contre-offensive se poursuit jusqu’à présent.
Ces rebelles sont «nés» avec Museveni. Leur apparition remonte en effet à sa prise de pouvoir par les armes. C’était en 1986. Depuis cette date, le nord de l’Ouganda, furieux de voir un homme du sud diriger le pays, est en insurrection. Mais toute rébellion devient à la longue aussi oppressante que l’oppresseur.
Pour briser les reins de la LRA, L’armée ougandaise a forcé, dans les années 1990, la majeure partie de la population du nord du pays à trouver refuge dans des camps de déplacés où ils sont nourris par la communauté internationale.
Isolé, Joseph Kony, le chef de la LRA a alors installé sa base arrière au Soudan voisin, avec le soutien du régime islamique de Khartoum. Le général Bashir espérait ainsi affaiblir le soutien massif apporté par l’Ouganda à la SPLA de John Garang, dans le Sud Soudan, mais les rebelles de la LRA se sont vite révélés incontrôlables.
Joseph Kony, qui se présente comme un prophète, a élaboré une tactique d’enlèvements: Quand ses troupes pillent un village, ils en enlèvent aussi les enfants. Dans un premier temps, ces otages servent à transporter le butin, puis ensuite à attaquer d’autres villages. Pour ce faire, ces enfants sont conditionnés à devenir des criminels.
Comme en témoigne le dos zébré de cicatrice de Peter Okwallo, un jeune rebelle de 15 ans, le «dressage» de ces enfants est d’une cruauté systématique. Ils sont attachés les uns aux autres et amenés au sud-Soudan. En chemin, ceux qui tentent de s’échapper sont battus à morts par les autres enfants qui viennent d’avoir été enlevés. Si deux frères ou soeurs ont été enlevés, l’un doit tuer l’autre. Il s’agit d’un exercice d’«initiation» visant à faire naître en eux la peur et la honte. Les rebelles tente ainsi de les séparer psychologiquement leur communauté d’origine.
Depuis le mois de juin, ces bandes d’enfants désespérés sont descendues jusqu’à Soroti, dans le sud-est du pays, où ils ont attaqué de nombreux village. La campagne s’est vidée. Des centaines de milliers de paysans ont trouvé refuge en ville, où ils meurent de paludisme et de malnutrition. Des blessés ont eu le crâne défoncé à coups de houe. D’autres ont les lèvres, les oreilles et les yeux arrachés. Le même scénario s’est produit dans les région de Lira, Kitgum, Pader et Gulu, plus au nord. Les déplacés de guerre sont désormais près de deux millions selon le Programme alimentaire des Nations unies.
Forte de son absolue supériorité aérienne, l’armée ougandaise poursuit les rebelles à bord d’hélicoptères de combat conduits par des mercenaires et tuent indistinctement les enfants et les rebelles. Ceux qui survivent à ces opérations aériennes sont parfois enrôlés dans les milices gouvernementales.
Cependant, les discussions de paix en cours au Kenya entre la SPLA de John Garang et le régime de Khartoum permettent d’espérer un retour à la paix au Soudan, qui, par ricochet devrait obliger l’Ouganda à trouver, à son tour, une porte de sortie à cette longue guerre civile. La Cour pénale internationale aurait alors peut-être un rôle à jouer.
Yoweri Museveni avait annoncé en décembre dernier son intention d’obtenir un mandat d’arrêt international à l’encontre de Joseph Kony, le chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Cette décision de la Cour Pénale internationale (CPI) est donc une victoire politique pour le président ougandais.
Dans un communiqué rédigé à la suite d’une rencontre jeudi dernier à Londres avec le président Ougandais, le procureur général de la CPI, l’argentin Luis Moreno Ocampo, a souligné «qu’il existait une base suffisante pour commencer à préparer la première enquête de la Cour». «La décision d’ouvrir une enquête sera prise dans les mois à venir», précise-t-il. Conformément au traité de Rome de 1998, qui instaure la CPI, le procureur doit auparavant informer tous les membres de la Cour.
Les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur bénéficient actuellement en Ouganda d’une loi d’amnistie, récemment prorogée par le Parlement. Cependant, le président Museveni a informé le procureur de son intention d’amender cette loi «afin d’exclure les dirigeants de la LRA de son champ d’application», révèle le communiqué de la CPI. Si l’enquête est lancée, «le principal problème», souligne Luis Moreno Ocampo «sera de localiser et d’arrêter les dirigeants» de cette rébellion.
Aussi oppressante que l’oppresseur
En effet, ces rebelles ne contrôlent aucun territoire. Ils évoluent dans les immenses régions semi-arides du nord de l’Ouganda et du sud-Soudan où ils ont leurs bases arrière. En 2002, l’armée ougandaise avait obtenu le feu vert du gouvernement islamique de Khartoum pour défaire les bases arrière de la LRA. En vain: les rebelles étaient rentrés en Ouganda où leur contre-offensive se poursuit jusqu’à présent.
Ces rebelles sont «nés» avec Museveni. Leur apparition remonte en effet à sa prise de pouvoir par les armes. C’était en 1986. Depuis cette date, le nord de l’Ouganda, furieux de voir un homme du sud diriger le pays, est en insurrection. Mais toute rébellion devient à la longue aussi oppressante que l’oppresseur.
Pour briser les reins de la LRA, L’armée ougandaise a forcé, dans les années 1990, la majeure partie de la population du nord du pays à trouver refuge dans des camps de déplacés où ils sont nourris par la communauté internationale.
Isolé, Joseph Kony, le chef de la LRA a alors installé sa base arrière au Soudan voisin, avec le soutien du régime islamique de Khartoum. Le général Bashir espérait ainsi affaiblir le soutien massif apporté par l’Ouganda à la SPLA de John Garang, dans le Sud Soudan, mais les rebelles de la LRA se sont vite révélés incontrôlables.
Joseph Kony, qui se présente comme un prophète, a élaboré une tactique d’enlèvements: Quand ses troupes pillent un village, ils en enlèvent aussi les enfants. Dans un premier temps, ces otages servent à transporter le butin, puis ensuite à attaquer d’autres villages. Pour ce faire, ces enfants sont conditionnés à devenir des criminels.
Comme en témoigne le dos zébré de cicatrice de Peter Okwallo, un jeune rebelle de 15 ans, le «dressage» de ces enfants est d’une cruauté systématique. Ils sont attachés les uns aux autres et amenés au sud-Soudan. En chemin, ceux qui tentent de s’échapper sont battus à morts par les autres enfants qui viennent d’avoir été enlevés. Si deux frères ou soeurs ont été enlevés, l’un doit tuer l’autre. Il s’agit d’un exercice d’«initiation» visant à faire naître en eux la peur et la honte. Les rebelles tente ainsi de les séparer psychologiquement leur communauté d’origine.
Depuis le mois de juin, ces bandes d’enfants désespérés sont descendues jusqu’à Soroti, dans le sud-est du pays, où ils ont attaqué de nombreux village. La campagne s’est vidée. Des centaines de milliers de paysans ont trouvé refuge en ville, où ils meurent de paludisme et de malnutrition. Des blessés ont eu le crâne défoncé à coups de houe. D’autres ont les lèvres, les oreilles et les yeux arrachés. Le même scénario s’est produit dans les région de Lira, Kitgum, Pader et Gulu, plus au nord. Les déplacés de guerre sont désormais près de deux millions selon le Programme alimentaire des Nations unies.
Forte de son absolue supériorité aérienne, l’armée ougandaise poursuit les rebelles à bord d’hélicoptères de combat conduits par des mercenaires et tuent indistinctement les enfants et les rebelles. Ceux qui survivent à ces opérations aériennes sont parfois enrôlés dans les milices gouvernementales.
Cependant, les discussions de paix en cours au Kenya entre la SPLA de John Garang et le régime de Khartoum permettent d’espérer un retour à la paix au Soudan, qui, par ricochet devrait obliger l’Ouganda à trouver, à son tour, une porte de sortie à cette longue guerre civile. La Cour pénale internationale aurait alors peut-être un rôle à jouer.
par Gabriel Kahn
Article publié le 30/01/2004