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Terrorisme

La France aurait échappé à un attentat chimique

L’interpellation la semaine dernière de six personnes, dont trois membres d’une même famille, a débouché lundi sur leur inculpation pour «appartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Les six prévenus sont soupçonnés d’avoir apporté leur soutien logistique ou financier à une cellule de terroristes présumés accusée d’avoir envisagé en décembre 2002 de perpétrer un attentat chimique en France.
La famille Benchellali, dont trois membres ont été inculpés et écroués lundi, est bien connue des services de police français. L’un des fils, Mourad, est détenu depuis février 2002 sur la base de Guantanamo après son interpellation en Afghanistan par l’armée américaine. Son frère aîné, Menad, est lui incarcéré en France depuis décembre 2002. Il avait été arrêté puis incarcéré à la suite d’un coup de filet dans la banlieue parisienne qui avait conduit au démantèlement d’une cellule de neuf islamistes radicaux soupçonnés de préparer un attentat chimique contre une cible russe en France. Lors des interpellations, la police aurait découvert une liste de produit chimiques dont certains pouvaient permettre la fabrication d’explosifs et de produits toxiques. Elle aurait également trouvé des systèmes électroniques pouvant permettre la mise à feu d’engins explosifs à distance et des bonbonnes de gaz vides. Une mystérieuse «filière tchétchène» avait alors pour la première fois été évoquée, les enquêteurs soupçonnant des islamistes radicaux français, partis combattre l’armée russe en Tchétchénie, d’être revenus en France pour préparer des attentats chimiques contre des intérêts russes dans l’Hexagone.

Un an après l’interpellation de Menad Benchellali, six membres de son entourage dont trois de sa famille viennent donc d’être inculpés dans le cadre de cette même enquête. Son père Chellali Benchellali, un imam de 59 ans, aurait reconnu lui avoir envoyé de l’argent lorsqu’il était dans un camp d’entraînement en Géorgie. Il a expliqué lui avoir fait parvenir cette somme afin qu’il puisse rentrer en France. Sa mère, Hafsa, âgée de 54 ans, aurait pour sa part révélé avoir eu connaissance des expérimentations que son fils Menad aurait menées au domicile familiale, d’autres personnes interrogées auparavant ayant déclaré que l’homme cherchait à fabriquer des produits «hautement toxiques» comme «la ricine et l’acide botulique». Le dernier membre de la famille écroué est Hafid, le jeune frère âgé de 26 ans, qui aurait transmis plusieurs milliers d’euros à Menad –une partie de la somme proviendrait d’une attaque à main armée– ainsi qu’un passeport et des produits destinés à ses expériences.

Aucun produit toxique découvert

Un préparateur en pharmacie, habitant comme l’ensemble de la famille Benchellali à Vénissieux dans la banlieue de Lyon, a également été incarcéré. Il aurait lui aussi séjourné dans des camps d’entraînement en Géorgie et aurait reconnu avoir effacé le disque dur de Menad après son arrestation en décembre 2002. Un autre homme également écroué aurait fourni au fils Benchellali des passeports qui lui aurait permis d’envoyer des hommes au Pakistan et en Afghanistan. Un dernier mis en examen, seul à être reparti libre mais sous contrôle judiciaire, est accusé d’avoir donné son propre passeport, titre de voyage qui a été retrouvé sur un des détenus français de Guantanamo.

A en croire le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, les risques d'attentat chimique que faisait courir la cellule démantelée en décembre 2002 étaient bien «réels». Selon, lui, «les services ont découvert que dans la mosquée –où Chellali Benchellali était imam– on trafiquait des faux papiers, qu'on recrutait pour le djihad et qu'un certain nombre des personnes écrouées avaient commis des vols avec violence et des escroqueries», a également assuré. Le ministre de la Justice, Dominique Perben, s’est pour sa part félicité du travail effectué par la Direction de la surveillance du territoire. «La DST a réalisé une enquête qui, je crois, a permis de mettre hors d'état de nuire des gens très dangereux et encore une fois bravo à ce grand service de la République», a-t-il déclaré.

Mais à ce stade des investigations, les enquêteurs n’ont découvert aucun produit toxique. Un spécialiste des armes chimiques et biologiques, Olivier Lepick, fait en outre valoir que si la fabrication de produits chimiques est relativement simple, leur dissémination est beaucoup plus compliquée. Selon lui, la ricine peut être facilement extraite des graines de ricin. «Mais pour en faire une arme de destruction massive, il faut la militariser, c’est-à-dire coupler l’agent avec un système de dissémination en l’aérosolisant, ce qui est très compliqué», a-t-il expliqué. Le chercheur estime par ailleurs, qu’au regard des éléments communiqués, les personnes arrêtées étaient sans doute loin de pouvoir perpétrer une attaque chimique. «Il aurait fallu trouver chez eux un aérosolisateur ou un dispositif explosif susceptible de disséminer la ricine», a-t-il insisté.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 14/01/2004