Italie
Le César du troisième millénaire
Après un mois d’absence de la scène publique durant lequel il aurait subit une longue et délicate intervention de chirurgie esthétique dans une clinique suisse, Silvio Berlusconi est d’abord réapparu, très brièvement, jeudi soir, dans une rue du centre de Rome. Le temps de montrer aux caméras les effets de sa cure de jouvence et de déclarer à la presse qu’il avait procédé à une «révision générale» de son physique. Mais c’est au Palais des Congrès de Rome qu’il a véritablement effectué sa première réapparition en public, à l’occasion de la célébration des dix ans de son entrée en politique.
De notre correspondante à Rome
Silhouettes quinquagénaires cachées par de grands manteaux en vison ou costumes taillés à l’image de ceux que porte leur «guru», jeunes arborant au poignet de vraies ou... fausses Rolex, quelque 5 000 supporters de Forza Italia se sont rassemblés samedi 24 janvier au Palais des Congrès de Rome pour assister à la célébration des dix ans de l’entrée en politique de Silvio Berlusconi et de la fondation de son parti-entreprise.
Dans la salle principale, en toile de fond, un slogan géant «Dix ans de batailles pour défendre la liberté» et des centaines de drapeaux blanc-vert-rouge, agités au rythme de l’hymne de Forza Italia. Au fur et à mesure que le temps s’écoule les cris de «Silvio, Silvio, Silvio !» se multiplient; il devait arriver à onze heures du matin, il s’est présenté avec une heure de retard. Telle une star.
Applaudissements frénétiques d’un public conquis à l’avance, longs sourires de remerciement de la part du chef du gouvernement italien. Visiblement ravi de pouvoir se présenter avec dix kilos en moins, une peau toujours aussi bronzée(artificiellement) mais bien plus lisse et ferme qu’avant la fin de l’an 2003. Pourtant derrière le nouveau masque du «héros» plusieurs observateurs estiment que la cure de jouvence, le fameux lifting, les trois heures de gymnastique quotidiennes durant ces trente derniers jours, accompagnées d’une diète ad hoc, n’éliminent pas les doutes et suspicions qui ont entouré la longue absence de Silvio Berlusconi. Comme le confie, en coulisses, un des ministres de son gouvernement, «un lifting n’interdit pas d’autres cures».
Quoi qu’il en soit, Silvio Berlusconi n’a pas perdu son art de la communication qui le rend capable de sensibiliser les couches les plus diverses de la société italienne avec des phrases comme celles-ci: «Je vous aime. Je suis entré en politique pour sauver l’Italie. Nous avons révolutionné la politique dans le monde entier. Ceux qui nient le rôle historique de Forza Italia n’ont ni le sens de l’histoire ni celui de la démocratie». «Forza Italia ! En avant l’Italie ! Allez, Allez !»
Violente diatribe anti-gauche
Mais bien que moins ridé et sans poches sous les yeux, Silvio Berlusconi fait franchement figure de vieux «crooner» tout au long de son discours fleuve –plus de 100 minutes– au cours duquel, il se lancera, à nouveau dans une interminable diatribe contre les communistes et les juges. «Ces juges de Milan qui, aux débuts des années quatre vingt dix –l’époque des enquêtes «mains propres» sur la corruption politico-économique– ont transformé l’Italie en Etat policier». Et de citer les propos du théologien de Forza Italia, Don Gianni Baget Bozzo : «le fascisme me sembla moins odieux que cette bureaucratie de toges» avant de déclarer, sous un flot d’applaudissements, «nous, nous sommes en train de transformer la justice en un instrument de lutte, d’un côté, et en un instrument de garantie et de liberté, de l’autre».
Ses propos sur la gauche ne seront pas moins violents : «l’opposition de gauche n’a pas perdu ses vices, qui sont dans son ADN, et qui consistent à essayer d’éliminer ses adversaires par voie judiciaire». «Avant mon entrée en politique, l’Italie était un pays empoisonné et ensanglanté par une guerre civile permanente; un pays paralysé par la présence excessive de l’Etat, par le trop grand poids des syndicats, par l’infiltration d’hommes communistes dans tous les organes institutionnels et je ne parle pas seulement du passé: ils sont encore là et trop nombreux ceux qui, à gauche, estiment que pour certains peuples il vaut mieux un régime autoritaire».
Heureusement Forza Italia est arrivé pour sauver l’Italie... «Un pays métamorphosé en l’espace de dix ans», selon le président du Conseil. Pourtant si l’on en croit un tout récent sondage de l’institut Eurispes, deux tiers des Italiens estiment que la politique économique du Gouvernement a échoué. Mais, on le sait, Silvio Berlusconi a l’art de modifier les réalités. Ainsi, alors que la coalition de centre droit qu’il dirige traverse une crise profonde et que l’Italie est fortement secouée par l’affaire du détournement de fonds opéré au sein du groupe agroalimentaire Parmalat –37 milliards d’euros ont été engloutis dans ces scandales, soit l’équivalent de trois manœuvres budgétaires en Italie!–, il assure que son parti «le premier dans le pays depuis dix ans» et ceux qui lui sont alliés «sont l’unique chance pour l’Italie!»
En conclusion de son monologue, ses fidèles ont eu le droit à une sorte de Karaoké Berlusconien. «Ma descente dans l’arène était-elle indispensable? cela vaut-il le coup de poursuivre l’expérience ?» Réponse en chœur : «Ouiiiiii !». «Moi aussi je referai tout ce que j’ai fait malgré les souffrances, je suis convaincu qu’il n’y a rien de plus beau et de plus noble que de se battre pour son propre pays et pour la liberté», assure-t-il.
Quatre-vingt-troisième flot d’applaudissements en 103 minutes, suivi d’un bain de foule du président de Forza Italia durant lequel on entendra une femme hurler «Je l’ai touché !, je l’ai touché!». Il est vrai que ce 24 janvier 2004 Silvio Berlusconi n’a pas hésité à se comparer au «Saint-Esprit».
Silhouettes quinquagénaires cachées par de grands manteaux en vison ou costumes taillés à l’image de ceux que porte leur «guru», jeunes arborant au poignet de vraies ou... fausses Rolex, quelque 5 000 supporters de Forza Italia se sont rassemblés samedi 24 janvier au Palais des Congrès de Rome pour assister à la célébration des dix ans de l’entrée en politique de Silvio Berlusconi et de la fondation de son parti-entreprise.
Dans la salle principale, en toile de fond, un slogan géant «Dix ans de batailles pour défendre la liberté» et des centaines de drapeaux blanc-vert-rouge, agités au rythme de l’hymne de Forza Italia. Au fur et à mesure que le temps s’écoule les cris de «Silvio, Silvio, Silvio !» se multiplient; il devait arriver à onze heures du matin, il s’est présenté avec une heure de retard. Telle une star.
Applaudissements frénétiques d’un public conquis à l’avance, longs sourires de remerciement de la part du chef du gouvernement italien. Visiblement ravi de pouvoir se présenter avec dix kilos en moins, une peau toujours aussi bronzée(artificiellement) mais bien plus lisse et ferme qu’avant la fin de l’an 2003. Pourtant derrière le nouveau masque du «héros» plusieurs observateurs estiment que la cure de jouvence, le fameux lifting, les trois heures de gymnastique quotidiennes durant ces trente derniers jours, accompagnées d’une diète ad hoc, n’éliminent pas les doutes et suspicions qui ont entouré la longue absence de Silvio Berlusconi. Comme le confie, en coulisses, un des ministres de son gouvernement, «un lifting n’interdit pas d’autres cures».
Quoi qu’il en soit, Silvio Berlusconi n’a pas perdu son art de la communication qui le rend capable de sensibiliser les couches les plus diverses de la société italienne avec des phrases comme celles-ci: «Je vous aime. Je suis entré en politique pour sauver l’Italie. Nous avons révolutionné la politique dans le monde entier. Ceux qui nient le rôle historique de Forza Italia n’ont ni le sens de l’histoire ni celui de la démocratie». «Forza Italia ! En avant l’Italie ! Allez, Allez !»
Violente diatribe anti-gauche
Mais bien que moins ridé et sans poches sous les yeux, Silvio Berlusconi fait franchement figure de vieux «crooner» tout au long de son discours fleuve –plus de 100 minutes– au cours duquel, il se lancera, à nouveau dans une interminable diatribe contre les communistes et les juges. «Ces juges de Milan qui, aux débuts des années quatre vingt dix –l’époque des enquêtes «mains propres» sur la corruption politico-économique– ont transformé l’Italie en Etat policier». Et de citer les propos du théologien de Forza Italia, Don Gianni Baget Bozzo : «le fascisme me sembla moins odieux que cette bureaucratie de toges» avant de déclarer, sous un flot d’applaudissements, «nous, nous sommes en train de transformer la justice en un instrument de lutte, d’un côté, et en un instrument de garantie et de liberté, de l’autre».
Ses propos sur la gauche ne seront pas moins violents : «l’opposition de gauche n’a pas perdu ses vices, qui sont dans son ADN, et qui consistent à essayer d’éliminer ses adversaires par voie judiciaire». «Avant mon entrée en politique, l’Italie était un pays empoisonné et ensanglanté par une guerre civile permanente; un pays paralysé par la présence excessive de l’Etat, par le trop grand poids des syndicats, par l’infiltration d’hommes communistes dans tous les organes institutionnels et je ne parle pas seulement du passé: ils sont encore là et trop nombreux ceux qui, à gauche, estiment que pour certains peuples il vaut mieux un régime autoritaire».
Heureusement Forza Italia est arrivé pour sauver l’Italie... «Un pays métamorphosé en l’espace de dix ans», selon le président du Conseil. Pourtant si l’on en croit un tout récent sondage de l’institut Eurispes, deux tiers des Italiens estiment que la politique économique du Gouvernement a échoué. Mais, on le sait, Silvio Berlusconi a l’art de modifier les réalités. Ainsi, alors que la coalition de centre droit qu’il dirige traverse une crise profonde et que l’Italie est fortement secouée par l’affaire du détournement de fonds opéré au sein du groupe agroalimentaire Parmalat –37 milliards d’euros ont été engloutis dans ces scandales, soit l’équivalent de trois manœuvres budgétaires en Italie!–, il assure que son parti «le premier dans le pays depuis dix ans» et ceux qui lui sont alliés «sont l’unique chance pour l’Italie!»
En conclusion de son monologue, ses fidèles ont eu le droit à une sorte de Karaoké Berlusconien. «Ma descente dans l’arène était-elle indispensable? cela vaut-il le coup de poursuivre l’expérience ?» Réponse en chœur : «Ouiiiiii !». «Moi aussi je referai tout ce que j’ai fait malgré les souffrances, je suis convaincu qu’il n’y a rien de plus beau et de plus noble que de se battre pour son propre pays et pour la liberté», assure-t-il.
Quatre-vingt-troisième flot d’applaudissements en 103 minutes, suivi d’un bain de foule du président de Forza Italia durant lequel on entendra une femme hurler «Je l’ai touché !, je l’ai touché!». Il est vrai que ce 24 janvier 2004 Silvio Berlusconi n’a pas hésité à se comparer au «Saint-Esprit».
par Anne Le Nir
Article publié le 25/01/2004