Ghana
L’impact économique de la crise ivoirienne
En dehors de la contrebande de cacao en provenance de Côte d’Ivoire et de la hausse du trafic du port de Tema, les effets de la crise ivoirienne s’avèrent limités sur le plan économique. Si beaucoup sont venus prospecter, très peu d’investisseurs français établis en Côte d’Ivoire ont choisi de se replier dans ce pays anglophone.
De notre envoyée spéciale à Accra
«Beaucoup sont venus prospecter, mais très peu se sont installés», affirme Jean-Paul Irrmann, conseiller économique de l’ambassade de France au Ghana. Sur la trentaine d’entreprises françaises actives au Ghana, les nouveaux-venus se comptent sur les doigts de la main. Deux nouveaux restaurants français ont ouvert à Accra, et, signe des temps, deux des plus gros investissements étrangers réalisés au Ghana en 2003 l’ont été par des entreprises françaises. Le premier, opéré par la Société Générale, qui a racheté pour 30 millions d’euros la SSB-Bank, n’a aucun rapport avec la situation en Côte d’Ivoire. Le second, en revanche, a vu la Compagnie fruitière de Marseille, filiale de la multinationale américaine Dole bien implantée chez le voisin ivoirien, investir 6 millions d’euros dans une plantation d’ananas au Ghana.
La langue joue en défaveur du Ghana, un pays qui a pourtant le vent en poupe depuis son alternance démocratique réussie, en 2000. «Français et Libanais d’Abidjan préfèrent se replier sur Dakar, Lomé ou Libreville, où ils sont sûrs de ne pas être perdus et de pouvoir s’en tenir à l’univers de l’Afrique francophone», explique un investisseur.
Autre donnée importante : le Ghana ne représente pas un marché de taille comparable à la Côte d’Ivoire, avec un pouvoir d’achat qui a plongé ces dernières années. Avec une inflation à deux chiffres (22 % en 2003), une monnaie en dépréciation permanente et des taux d’intérêts qui vont de 26 % (taux directeur) à 40 % dans les banques d’affaires, le climat peut paraître relativement propice aux affaires. Si l’investissement étranger a repris au Ghana ces deux dernières années, c’est surtout grâce à de grosses transactions minières, telles que le rachat d’Ashanti Goldfields Corporation (AGC) par le groupe sud-africain Anglogold, pour quelque 500 millions de dollars.
«Les effets de la crise ivoirienne se limitent au cacao et à l’engorgement du port de Tema», affirme Jean-Christophe Tranchepain, directeur de SDV, une société de transport affiliée au groupe Bolloré. Les flux de contrebande de cacao se sont inversés l’an dernier. Alors que 60 000 tonnes de cacao ghanéen étaient écoulées en Côte d’Ivoire chaque année, c’est l’inverse qui s’est produit en 2003, les prix payés aux producteurs ghanéens étant de 55 % plus élevés. Avec une récolte record cette année, quelque 510 000 tonnes, le Ghana a retrouvé sa place de second producteur mondial derrière la Côte d’Ivoire, tout en restant premier en termes de qualité. Si la tendance continue et s’amplifie, cet avantage décisif, qui vaut à «l’origine Ghana» d’être payée plus cher sur le marché mondial, pourrait être remis en question.
Report du trafic maritime pour les pays enclavés
L’engorgement du port de Tema, lui, découle directement des aléas de la crise ivoirienne. La multiplication des barrages de police sur les routes ivoiriennes, avec l’inflation des sommes exigées par des agents corrompus, a contribué au report du trafic maritime à destination des pays enclaves, Mali, Burkina Faso et Niger. Des transporteurs affirment avoir à payer désormais 1 500 euros de «frais» entre Abidjan et la frontière malienne. Les ports de Lomé et de Cotonou ont bénéficié en premier de la crise ivoirienne, le plus grand port du Ghana, Tema, ayant surtout servi d’alternative, pour des questions pratiques liées aux formalités douanières, à l’usage du franc CFA et de la langue française. Riz, sucre, farine et huile à destination des pays sahéliens enclavés passent en partie par Tema, qui a vu ce trafic augmenter de 140 % en 2002.
Le volume à l’import est passé de 261 000 à 628 000 tonnes entre 2001 et 2002. Le boum a continué en 2003, avec 724 000 tonnes enregistrées entre janvier et octobre. Les activités d’exportations ont aussi augmenté, avec du coton malien et du beurre de karité burkinabé, notamment. Des travaux d’extension du port de Tema, commencés cette année, verront sa capacité passer de 11 à 13 navires à quai en 2005. Sans réduire, toutefois, le fossé qui existe avec le port d’Abidjan, doté d’une capacité treize fois plus élevée.
«Beaucoup sont venus prospecter, mais très peu se sont installés», affirme Jean-Paul Irrmann, conseiller économique de l’ambassade de France au Ghana. Sur la trentaine d’entreprises françaises actives au Ghana, les nouveaux-venus se comptent sur les doigts de la main. Deux nouveaux restaurants français ont ouvert à Accra, et, signe des temps, deux des plus gros investissements étrangers réalisés au Ghana en 2003 l’ont été par des entreprises françaises. Le premier, opéré par la Société Générale, qui a racheté pour 30 millions d’euros la SSB-Bank, n’a aucun rapport avec la situation en Côte d’Ivoire. Le second, en revanche, a vu la Compagnie fruitière de Marseille, filiale de la multinationale américaine Dole bien implantée chez le voisin ivoirien, investir 6 millions d’euros dans une plantation d’ananas au Ghana.
La langue joue en défaveur du Ghana, un pays qui a pourtant le vent en poupe depuis son alternance démocratique réussie, en 2000. «Français et Libanais d’Abidjan préfèrent se replier sur Dakar, Lomé ou Libreville, où ils sont sûrs de ne pas être perdus et de pouvoir s’en tenir à l’univers de l’Afrique francophone», explique un investisseur.
Autre donnée importante : le Ghana ne représente pas un marché de taille comparable à la Côte d’Ivoire, avec un pouvoir d’achat qui a plongé ces dernières années. Avec une inflation à deux chiffres (22 % en 2003), une monnaie en dépréciation permanente et des taux d’intérêts qui vont de 26 % (taux directeur) à 40 % dans les banques d’affaires, le climat peut paraître relativement propice aux affaires. Si l’investissement étranger a repris au Ghana ces deux dernières années, c’est surtout grâce à de grosses transactions minières, telles que le rachat d’Ashanti Goldfields Corporation (AGC) par le groupe sud-africain Anglogold, pour quelque 500 millions de dollars.
«Les effets de la crise ivoirienne se limitent au cacao et à l’engorgement du port de Tema», affirme Jean-Christophe Tranchepain, directeur de SDV, une société de transport affiliée au groupe Bolloré. Les flux de contrebande de cacao se sont inversés l’an dernier. Alors que 60 000 tonnes de cacao ghanéen étaient écoulées en Côte d’Ivoire chaque année, c’est l’inverse qui s’est produit en 2003, les prix payés aux producteurs ghanéens étant de 55 % plus élevés. Avec une récolte record cette année, quelque 510 000 tonnes, le Ghana a retrouvé sa place de second producteur mondial derrière la Côte d’Ivoire, tout en restant premier en termes de qualité. Si la tendance continue et s’amplifie, cet avantage décisif, qui vaut à «l’origine Ghana» d’être payée plus cher sur le marché mondial, pourrait être remis en question.
Report du trafic maritime pour les pays enclavés
L’engorgement du port de Tema, lui, découle directement des aléas de la crise ivoirienne. La multiplication des barrages de police sur les routes ivoiriennes, avec l’inflation des sommes exigées par des agents corrompus, a contribué au report du trafic maritime à destination des pays enclaves, Mali, Burkina Faso et Niger. Des transporteurs affirment avoir à payer désormais 1 500 euros de «frais» entre Abidjan et la frontière malienne. Les ports de Lomé et de Cotonou ont bénéficié en premier de la crise ivoirienne, le plus grand port du Ghana, Tema, ayant surtout servi d’alternative, pour des questions pratiques liées aux formalités douanières, à l’usage du franc CFA et de la langue française. Riz, sucre, farine et huile à destination des pays sahéliens enclavés passent en partie par Tema, qui a vu ce trafic augmenter de 140 % en 2002.
Le volume à l’import est passé de 261 000 à 628 000 tonnes entre 2001 et 2002. Le boum a continué en 2003, avec 724 000 tonnes enregistrées entre janvier et octobre. Les activités d’exportations ont aussi augmenté, avec du coton malien et du beurre de karité burkinabé, notamment. Des travaux d’extension du port de Tema, commencés cette année, verront sa capacité passer de 11 à 13 navires à quai en 2005. Sans réduire, toutefois, le fossé qui existe avec le port d’Abidjan, doté d’une capacité treize fois plus élevée.
par Sabine Cessou
Article publié le 08/02/2004