Ghana
Risques de contagion de la crise ivoirienne
Vue d’Accra, la situation à Abidjan paraît lointaine. Une contagion de la crise ivoirienne paraît peu probable, mais certains insistent sur la fragilité de la démocratie au Ghana, un pays qui passe pourtant pour un modèle depuis son alternance réussie en 2000.
De notre envoyée spéciale à Accra
«Nous voyons un peu plus d’Ivoiriens à Accra, mais il n’y a pas de risques de débordement chez nous». Jeune ingénieur ghanéen, Nana Osei Mainoo ne croit pas à un scénario catastrophe avec coups, contre-coups et rébellion dans son pays. Son avis est largement partagé par Fatou Thiam, une Ivoirienne dont l’origine sénégalaise remonte à plusieurs générations. Elle n’a pas «fui», et dit ne s’être inscrite dans une grande école de commerce d’Accra que pour perfectionner son anglais. «Ce pays rejette le conflit», dit-elle. Le Ghana n’aime pas seulement se présenter comme épris de paix. Il passe aussi pour un îlot de stabilité politique dans une région tourmentée. John Kufuor, le successeur de Jerry Rawlings à la tête de l’État, fait tout pour trouver une solution à la crise ivoirienne, offrant ses services de médiateur et accueillant dans son pays les pourparlers inter-ivoiriens.
Tout n’est pas rose pour autant. «La culture démocratique n’en est qu’à ses balbutiements», estime Essuman Johnson, un politologue de l’Université du Ghana. Une rivalité sourde oppose constamment les deux principaux partis du pays, qui entretiennent de mauvaises relations. Situé à droite sur l’échiquier politique, le Nouveau parti patriotique (NNP) de John Kufuor représente une tendance conservatrice et libérale, tandis que le Congrès national démocratique (NDC) de John Atta Mills défend l’héritage de l’ancien président Jerry Rawlings. Si ces deux principaux partis ne reposent pas sur une quelconque fracture ethnique, dans un pays à 44 % peuplé par le groupe ashanti, des tensions n’en existent pas moins. Comme dans la plupart des pays du golfe de Guinée, le Sud est chrétien (63 %) et le Nord musulman (16 %).
Un état d’urgence a été décrété en mars 2002 et l’armée envoyée dans quatre districts du nord du pays, peuplé par les Dagombas, qui représentent la principale minorité ethnique (16 %) avant les Ewe (13 %) et les Ga (8 %). Deux ans après le meurtre non élucidé, le 27 mars 2002, de Yan Na Yakubu Andani II, roi des Dagbons, un sous-groupe dagomba, et de 29 autres personnes, l’état d’urgence est toujours en vigueur.
Présence de mercenaires libériens
Une vieille querelle de chefferie entre deux clans de la même ethnie a tourné à de violents affrontements. Le roi a été décapité et son palais entièrement démoli. Ces tensions ont été exploitées par le NDC à des fins électorales, dénoncent les partisans du NNP. A l’approche des prochaines élections générales, prévues pour décembre 2004, l’opposition capitalise sur une rumeur selon laquelle le parti au pouvoir chercherait à protéger les véritables auteurs du crime. Le 22 janvier dernier, le Parlement a voté en faveur de la prolongation de l’état d’urgence dans le district de Yengi et la localité de Tamale.
La situation est si sensible, note l’ONG américaine Committee to Protect Journalists (CPJ), que le gouvernement a imposé des contrôles sur la couverture médiatique de cette affaire. Tous les journalistes qui ne s’en tiennent pas aux communiqués officiels doivent soumettre leur copie au ministre de l’Information avant publication. Paa Kwesi Duom, le ministre de la Planification économique, s’est inquiété en janvier 2003 de voir le problème dagbon dégénérer en conflit «aussi important» que celui de la Côte d’Ivoire. Pour Essuman Johnson, il n’y a pas de doute. «Le potentiel de contagion est là», dit-il. «Les circonstances du meurtre font pointer des doigts accusateurs sur le gouvernement, de l’échec de la police à arrêter les coupables au simple fait que le clan opposé à celui du roi dagbon appartient au parti au pouvoir. En réalité, les autorités ne savent pas comment régler le problème. Il n’y a aucune raison pour que l’instabilité expérimentée au Liberia, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire ne se répande pas facilement au Ghana».
La présence de mercenaires libériens qui auraient été recrutés au Burkina Faso a été invoquée par certains pour expliquer le meurtre du chef tribal. Avec un camp de quelque 42 000 réfugiés libériens à Buduburam, situé à 40 km de la capitale, Accra n’en reste pas moins relativement paisible. Etroitement contrôlée par le Cocoa Board (Cocobod), la culture du cacao, principale ressource naturelle du pays, n’a jamais été le monopole d’un groupe ou d’une ethnie. Au Ghana, contrairement à la Côte d’Ivoire, le prix du cacao est par ailleurs garanti aux producteurs, petits et grands.
«Nous voyons un peu plus d’Ivoiriens à Accra, mais il n’y a pas de risques de débordement chez nous». Jeune ingénieur ghanéen, Nana Osei Mainoo ne croit pas à un scénario catastrophe avec coups, contre-coups et rébellion dans son pays. Son avis est largement partagé par Fatou Thiam, une Ivoirienne dont l’origine sénégalaise remonte à plusieurs générations. Elle n’a pas «fui», et dit ne s’être inscrite dans une grande école de commerce d’Accra que pour perfectionner son anglais. «Ce pays rejette le conflit», dit-elle. Le Ghana n’aime pas seulement se présenter comme épris de paix. Il passe aussi pour un îlot de stabilité politique dans une région tourmentée. John Kufuor, le successeur de Jerry Rawlings à la tête de l’État, fait tout pour trouver une solution à la crise ivoirienne, offrant ses services de médiateur et accueillant dans son pays les pourparlers inter-ivoiriens.
Tout n’est pas rose pour autant. «La culture démocratique n’en est qu’à ses balbutiements», estime Essuman Johnson, un politologue de l’Université du Ghana. Une rivalité sourde oppose constamment les deux principaux partis du pays, qui entretiennent de mauvaises relations. Situé à droite sur l’échiquier politique, le Nouveau parti patriotique (NNP) de John Kufuor représente une tendance conservatrice et libérale, tandis que le Congrès national démocratique (NDC) de John Atta Mills défend l’héritage de l’ancien président Jerry Rawlings. Si ces deux principaux partis ne reposent pas sur une quelconque fracture ethnique, dans un pays à 44 % peuplé par le groupe ashanti, des tensions n’en existent pas moins. Comme dans la plupart des pays du golfe de Guinée, le Sud est chrétien (63 %) et le Nord musulman (16 %).
Un état d’urgence a été décrété en mars 2002 et l’armée envoyée dans quatre districts du nord du pays, peuplé par les Dagombas, qui représentent la principale minorité ethnique (16 %) avant les Ewe (13 %) et les Ga (8 %). Deux ans après le meurtre non élucidé, le 27 mars 2002, de Yan Na Yakubu Andani II, roi des Dagbons, un sous-groupe dagomba, et de 29 autres personnes, l’état d’urgence est toujours en vigueur.
Présence de mercenaires libériens
Une vieille querelle de chefferie entre deux clans de la même ethnie a tourné à de violents affrontements. Le roi a été décapité et son palais entièrement démoli. Ces tensions ont été exploitées par le NDC à des fins électorales, dénoncent les partisans du NNP. A l’approche des prochaines élections générales, prévues pour décembre 2004, l’opposition capitalise sur une rumeur selon laquelle le parti au pouvoir chercherait à protéger les véritables auteurs du crime. Le 22 janvier dernier, le Parlement a voté en faveur de la prolongation de l’état d’urgence dans le district de Yengi et la localité de Tamale.
La situation est si sensible, note l’ONG américaine Committee to Protect Journalists (CPJ), que le gouvernement a imposé des contrôles sur la couverture médiatique de cette affaire. Tous les journalistes qui ne s’en tiennent pas aux communiqués officiels doivent soumettre leur copie au ministre de l’Information avant publication. Paa Kwesi Duom, le ministre de la Planification économique, s’est inquiété en janvier 2003 de voir le problème dagbon dégénérer en conflit «aussi important» que celui de la Côte d’Ivoire. Pour Essuman Johnson, il n’y a pas de doute. «Le potentiel de contagion est là», dit-il. «Les circonstances du meurtre font pointer des doigts accusateurs sur le gouvernement, de l’échec de la police à arrêter les coupables au simple fait que le clan opposé à celui du roi dagbon appartient au parti au pouvoir. En réalité, les autorités ne savent pas comment régler le problème. Il n’y a aucune raison pour que l’instabilité expérimentée au Liberia, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire ne se répande pas facilement au Ghana».
La présence de mercenaires libériens qui auraient été recrutés au Burkina Faso a été invoquée par certains pour expliquer le meurtre du chef tribal. Avec un camp de quelque 42 000 réfugiés libériens à Buduburam, situé à 40 km de la capitale, Accra n’en reste pas moins relativement paisible. Etroitement contrôlée par le Cocoa Board (Cocobod), la culture du cacao, principale ressource naturelle du pays, n’a jamais été le monopole d’un groupe ou d’une ethnie. Au Ghana, contrairement à la Côte d’Ivoire, le prix du cacao est par ailleurs garanti aux producteurs, petits et grands.
par Sabine Cessou
Article publié le 09/02/2004