Politique française
La gauche ironise sur le courage de Juppé
La décision de Alain Juppé de conserver tous ses mandats jusqu’à l’appel de son procès a soulagé la droite, qui a salué son «courage», tandis que la gauche ironisait. Le président de l’UMP a souhaité que la vérité soit faite sur les éventuelles pressions exercées sur ses juges.
Alain Juppé a, dit-il, évolué entre son premier mouvement, qui le poussait à renoncer à la vie politique, et sa décision de conserver ses fonctions politiques et électives jusqu’au résultat de l’appel de son procès. Cette évolution a pris de court ses amis comme ses adversaires politiques. Les réactions lui sont favorables à droite de l’échiquier où sa dignité, son courage et sa volonté de ne pas abandonner le terrain sont salués avec enthousiasme. Le Premier ministre a téléphoné à Alain Juppé, après son intervention télévisée, pour l’assurer de son soutien et l’a fait savoir. Patrick Devedjian, ministre UMP aux Libertés locales, a établi un parallèle entre le départ brutal de Lionel Jospin, après son échec à l’élection présidentielle de 2002, dont «le PS ne s’est toujours pas remis» et le «sens des responsabilités» de l’ancien Premier ministre. Dans ce concert d’applaudissements le silence de François Bayrou, président de l’UDF, n’en est apparu que plus pesant.
En revanche la gauche ne s’est pas privé d’ironiser sur le décalage entre l’engagement de Alain Juppé de se retirer de la vie politique, si le jugement lui était défavorable, et sa déclaration récente. Le député vert de Gironde Noël Mamère y voit une explication : «empêcher Sarkozy d’accéder à la présidence de l’UMP et continuer de servir de bouclier à un président de la République qui voit la justice se rapprocher dangereusement». Beaucoup plus modéré, le socialiste Henri Emmanuelli, frappé en 1996 de deux ans d’inéligibilité pour des faits approchants, a appelé à retrouver un peu de calme dans cette affaire et à laisser la procédure juridique se poursuivre.
Trois enquêtes simultanées
La Cour d’appel qui aura à reprendre le procès où Alain Juppé est impliqué pour les emplois fictifs de la mairie de Paris ne se prononcera pas avant six mois ou un an. Pendant ce temps police et justice auront à se pencher sur ce qu’on appelle désormais «l’affaire dans l’affaire», c’est-à-dire les pressions dont auraient été victimes les juges de Nanterre qui ont condamné Alain Juppé en première instance. Celui-ci a pour la première fois évoqué cette question dans son interview télévisée, en demandant que les enquêtes en cours «répondent clairement à trois questions : y a-t-il eu oui ou non des pressions, si oui lesquelles qui les a faites et pourquoi, pour le compte de qui ?».
Pour établir la vérité des faits, les bras ne manquent pas. Pas moins de trois enquêtes, judiciaire, administrative et parlementaire, ont été lancées après les déclarations de la présidente du tribunal, Catherine Pierce, évoquant des pressions et une mise sous surveillance des magistrats. Une information judiciaire a été ouverte pour atteinte au secret de correspondance, accès frauduleux à un système informatique, actes d’intimidation, tentative de vol. Les premières informations recueillies ont entraîné la saisine de la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne sous la houlette de deux juges d’instruction. Cette enquête judiciaire ne devrait pas être bouclée avant plusieurs mois.
De plus, une mission d’enquête administrative a été annoncée par le président de la République lui-même, constitutionnellement garant de l’indépendance de la justice. Trois hauts responsables (Conseil d’Etat, Cour des comptes, Cour de Cassation) devront d’ici la fin du mois établir les faits et proposer, éventuellement, des mesures et sanctions. Cette procédure inédite n’a guère plu au Conseil supérieur de la magistrature, normalement compétent dans des affaires de ce genre. Le chef de l’Etat a donc affirmé que le CSM serait complètement informé des résultats de la mission et trois conseillers du gouvernement rencontreront jeudi les membres du CSM pour apaiser leurs craintes.
Enfin, une mission d’information parlementaire va être mise en place à l’Assemblée nationale. Mais cette mission, boudée par la gauche et par l’UDF, n’a pas les pouvoirs d’investigation d’une commission d’enquête parlementaire, rendue impossible par l’ouverture simultanée d’une enquête judiciaire.
A écouter :
Stéphane Rozès, directeur du département opinion de l'institut de sondage CSA (Invité de RFI le 04/02/2004).
En revanche la gauche ne s’est pas privé d’ironiser sur le décalage entre l’engagement de Alain Juppé de se retirer de la vie politique, si le jugement lui était défavorable, et sa déclaration récente. Le député vert de Gironde Noël Mamère y voit une explication : «empêcher Sarkozy d’accéder à la présidence de l’UMP et continuer de servir de bouclier à un président de la République qui voit la justice se rapprocher dangereusement». Beaucoup plus modéré, le socialiste Henri Emmanuelli, frappé en 1996 de deux ans d’inéligibilité pour des faits approchants, a appelé à retrouver un peu de calme dans cette affaire et à laisser la procédure juridique se poursuivre.
Trois enquêtes simultanées
La Cour d’appel qui aura à reprendre le procès où Alain Juppé est impliqué pour les emplois fictifs de la mairie de Paris ne se prononcera pas avant six mois ou un an. Pendant ce temps police et justice auront à se pencher sur ce qu’on appelle désormais «l’affaire dans l’affaire», c’est-à-dire les pressions dont auraient été victimes les juges de Nanterre qui ont condamné Alain Juppé en première instance. Celui-ci a pour la première fois évoqué cette question dans son interview télévisée, en demandant que les enquêtes en cours «répondent clairement à trois questions : y a-t-il eu oui ou non des pressions, si oui lesquelles qui les a faites et pourquoi, pour le compte de qui ?».
Pour établir la vérité des faits, les bras ne manquent pas. Pas moins de trois enquêtes, judiciaire, administrative et parlementaire, ont été lancées après les déclarations de la présidente du tribunal, Catherine Pierce, évoquant des pressions et une mise sous surveillance des magistrats. Une information judiciaire a été ouverte pour atteinte au secret de correspondance, accès frauduleux à un système informatique, actes d’intimidation, tentative de vol. Les premières informations recueillies ont entraîné la saisine de la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne sous la houlette de deux juges d’instruction. Cette enquête judiciaire ne devrait pas être bouclée avant plusieurs mois.
De plus, une mission d’enquête administrative a été annoncée par le président de la République lui-même, constitutionnellement garant de l’indépendance de la justice. Trois hauts responsables (Conseil d’Etat, Cour des comptes, Cour de Cassation) devront d’ici la fin du mois établir les faits et proposer, éventuellement, des mesures et sanctions. Cette procédure inédite n’a guère plu au Conseil supérieur de la magistrature, normalement compétent dans des affaires de ce genre. Le chef de l’Etat a donc affirmé que le CSM serait complètement informé des résultats de la mission et trois conseillers du gouvernement rencontreront jeudi les membres du CSM pour apaiser leurs craintes.
Enfin, une mission d’information parlementaire va être mise en place à l’Assemblée nationale. Mais cette mission, boudée par la gauche et par l’UDF, n’a pas les pouvoirs d’investigation d’une commission d’enquête parlementaire, rendue impossible par l’ouverture simultanée d’une enquête judiciaire.
A écouter :
Stéphane Rozès, directeur du département opinion de l'institut de sondage CSA (Invité de RFI le 04/02/2004).
par Francine Quentin
Article publié le 04/02/2004