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Haïti

Aristide s’accroche au pouvoir

Plus rien ne semble arrêter l’avancée des insurgés haïtiens dirigés par Guy Philippe qui contrôlent désormais la quasi-totalité du nord du pays. Dans la nuit de jeudi à vendredi, les rebelles ont fait tomber l’un des deux verrous stratégiques conduisant à Port-au-Prince en prenant la ville de Mirebalais située à 57 km de la capitale. Cette progression sans résistance de l’opposition armée accentue davantage la pression sur le président Jean-Bertrand Aristide aujourd’hui plus que jamais isolé sur la scène internationale, Paris et Washington souhaitant désormais ouvertement sa démission. La France, ancienne puissance coloniale, a accueilli vendredi des représentants du gouvernement haïtien. Le chef de la diplomatie, Dominique de Villepin a saisi l’occasion pour appeler les Haïtiens à «la mise en place du gouvernement d’union nationale».
Ni l’avancée sur le terrain des rebelles, ni son isolement au sein de la communauté internationale n’ont semblé atteindre le président Aristide. «Je quitterai le palais le 7 février 2006», a-t-il ainsi déclaré à la chaîne américaine CNN faisait référence au terme officiel de son mandat. Ignorant le refus de l’opposition légale, il a réaffirmé être prêt à partager avec elle le pouvoir et surtout réclamé l’envoi de policiers internationaux pour contrer les insurgés désignés comme des «terroristes». S’accrochant à son titre de président élu, le chef de l’Etat semble vouloir ignorer les appels de la communauté internationale réclamant son départ. Après la France mercredi, le Canada et les Etats-Unis ont eux aussi demandé à Jean-Bertrand Aristide de «tirer les conséquences» de l’impasse dans laquelle se trouve plongé le pays. Sortant de la réserve qu’il s’était imposé ces dernières semaines, le secrétaire d’Etat américain a ainsi déclaré espérer que le président haïtien aller «examiner la situation avec soin». «Je pense qu’il s’agit d’une période très difficile pour le peuple haïtien et je sais que le président Aristide a les intérêts du peuple haïtien à cœur», a notamment déclaré Colin Powell.

Pour tenter de faire face à la menace d’une aggravation de la violence, la France a proposé mercredi un plan en cinq points qui prévoit le déploiement rapide d’une force civile de paix ayant l’aval des Nations unies, une assistance internationale pour préparer un scrutin présidentiel, une aide humanitaire, une mission d’observateurs des droits de l’homme et un engagement à long terme pour une aide internationale à la reconstruction du pays. Réticente dans un premier temps, l’administration Bush, qui a dû faire face aux nombreuses critiques sur son incapacité à gérer une crise dans une région où les Etats-Unis ont pourtant toujours eu un rôle historique, semble s’être finalement rangée à l’avis de Paris qui de fait a pris en main la gestion du dossier.

Un gouvernement d’union sans Aristide

Le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a ainsi reçu vendredi son homologue haïtien Joseph Philippe Antonio. Au cours de l’entretien qui a duré une heure, le ministre français a réaffirmé que «c’était au président Aristide, qui porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle, qu’il appartenait de tirer les conséquences de l’impasse». Il a d’ailleurs souligné «la totale convergence de vue qui existe à cet égard entre les Etats-Unis, le Canada et la France», insistant sur l’isolement dans lequel se trouvait désormais le chef de l’Etat.

Dominique de Villepin, qui a souligné que «dorénavant chaque heure comptait si on voulait éviter une spirale de violence qui serait incontrôlable», a par ailleurs appelé les Haïtiens à «la mise en place d’un gouvernement d’union nationale de transition» sans le président Aristide. La communauté internationale, qui table sur un départ inévitable du chef de l’Etat haïtien, tente ainsi par le biais de la France de prévenir une vacance du pouvoir en Haïti qui conduirait fatalement à un bain de sang. C’est d’ailleurs dans cette optique que le ministre français devait également recevoir vendredi des membres de l’opposition légale. Mais la rencontre a été reportée à la semaine prochaine, la délégation n’ayant pu quitter Port-au-Prince pour se rendre à Paris.

La mise en place d’un gouvernement d’union nationale ouvrirait la voie à l’envoi d’une force civile de paix sous mandat des Nations unies. La Communauté des pays de la Caraïbe et l’organisation des Etats américains ont d’ailleurs appelé jeudi l’organisation internationale à permettre «le déploiement urgent» de 250 policiers pour restaurer l’ordre. Mais dans une déclaration, le Conseil de sécurité a indiqué qu'il n'était pas prêt à donner son feu vert à l'envoi d'une telle force. Les Nations unies craignent en effet qu’une telle décision n’apparaisse comme destinée à défendre ou à sauver Jean-Bertrand Aristide.

Sur le terrain, la situation est de plus en plus tendue. Et si dans les villes tombées aux mains des rebelles le calme semble prévaloir, le climat dans la capitale Port-au-Prince se détériore en revanche d’heure en heure. Vendredi en fin de matinée des heurts ont éclaté dans la ville, théâtre également de nombreux pillages. Plusieurs personnes auraient été tuées au cours de ces affrontements.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/02/2004