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Commerce mondial

Retard de l’Afrique : tous responsables !

Les échanges de l’Afrique avec le reste du monde progressent, mais beaucoup moins vite que d’autres régions. Face à l’écart qui se creuse, la Cnuced affirme que toute la responsabilité n’incombe pas aux politiques économiques menées par les pays africains, loin s’en faut.
Depuis plus de dix ans, importations et exportations entre les pays progressent plus rapidement que la production mondiale elle-même. C’est le résultat de la libéralisation du commerce à l’échelle de la planète. Dans ce cadre, la place relative du commerce a augmenté dans l’économie du continent africain, passant de 45% à 50% du PIB entre 1980 et 2000. Mais la part de l’Afrique dans le total des exportations mondiales n’est plus que de 2% contre 6% en 1980 et sa part dans les importations a diminué de 4,6% à 2%. En effet, les échanges ont progressé bien plus vite dans les pays en développement d’Asie qui représentent désormais près de 24% des exportations mondiales et plus de 20% des importations. Les pays en développement d’Amérique n’ont pas fait mieux que stabiliser leur position à environ 6% du commerce mondial.

L’Asie a connu une croissance annuelle de 7% de la valeur de ses exportations depuis vingt ans contre seulement 1% pour l’Afrique. La différence tient pour beaucoup à la progression des exportations d’articles manufacturés, intégrant davantage de valeur ajoutée, de 6,3% par an en Afrique contre 14% en Asie. Les pays en développement, dans leur ensemble, exportent désormais des produits manufacturés à hauteur de 70% du total de leurs exportations alors qu’il y a vingt ans, les trois quarts des exportations étaient composées de matières premières. En Afrique les produits manufacturés ne représentent que 40% de l’ensemble des exportations.

Echec de l’OMC : une occasion de réfléchir

Le rapport 2003 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) sur la situation économique en Afrique souligne la très grande dépendance des pays africains à l’égard des produits de base traditionnels comme le café, le cacao, le coton et le sucre. Ces produits dont les prix fluctuent beaucoup en fonction des aléas climatiques et des cours mondiaux sont, par ailleurs, un marché moins dynamique et rémunérateur que les fruits, légumes, poissons et fruits de mer. Ces produits ont un autre avantage : les pays industrialisés protègent moins leurs propres productions et ils accèdent dans de meilleures conditions tarifaires aux clients du Nord.

Produits moins élaborés, productions en perte de vitesse dans les échanges mondiaux et manque de diversification : les pays africains seraient donc, en raison de leur manque de dynamisme commercial et des politiques de développement suivies, responsables du retard qu’ils accumulent et de leur place en queue du peloton ? Pour Detlef Kotte, économiste à la Cnuced, l’Afrique n’a pas profité autant qu’elle l’aurait pu de la mondialisation et du développement potentiel de la libéralisation des échanges. Une part de la faute revient aux gouvernements des pays africains qui, ayant pris conscience du problème tentent maintenant de le surmonter par des initiatives comme le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique). Mais, le rapport de la Cnuced est formel, la communauté internationale ne peut s’exonérer de ses responsabilités.

Pendant des décennies les consommateurs des pays industrialisés ont bénéficié des prix très bas des produits de base. De nos jours les tentatives des pays en développement d’accéder aux marchés des pays du Nord se heurtent à des obstacles douaniers et à des normes de plus en plus difficiles à atteindre. Dans le même temps, les agricultures des pays riches reçoivent des subventions qui sont autant de ruptures des conditions d’une concurrence loyale entre le Nord et le sud. La Banque mondiale estime que les subventions, versées en 2002 par les Etats-Unis et l’Union européenne à leurs producteurs de coton, ont entraîné un manque à gagner de 300 millions de dollars pour l’Afrique, soit davantage que l’allègement de la dette de neuf pays exportateurs de coton d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.

Les experts de la Cnuced ne sont pas tendres pour les entreprises et négociants qui se situent en aval des producteurs dans la chaîne de valeur : tandis que les producteurs africains voyaient leurs revenus diminuer ceux-là engrangeaient d’appréciables bénéfices. La vente au détail du café rapporte aujourd’hui 70 milliards de dollars par an. Sur ce montant 5,5 milliards de dollars reviennent aux producteurs.

La communauté internationale devrait donc compenser les distorsions orchestrées au cours des décennies écoulées en favorisant, y compris en le finançant en partie, un développement équilibré et diversifié en Afrique. La Cnuced qui se distingue volontiers de l’OMC par ses critiques de la mondialisation ultra-libérale voit dans l’échec de la conférence de l’OMC à Cancun et les difficultés à relancer les négociations, l’occasion de réfléchir à un «cycle du développement» qui serait plus à l’avantage aux pays pauvres. En juin à Sao Paulo, au Brésil la 11ème réunion au sommet de la Cnuced entend bien apporter sa contribution à ce débat.



par Francine  Quentin

Article publié le 26/02/2004