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Madagascar

Le prix d’un cyclone

C’est comme une fatalité: chaque année, Madagascar est touché par un ou plusieurs cyclones. Fin janvier, c’était Elita. Bilan: 29 morts, près de
50 000 sans-abris. Ce type de catastrophe naturelle coûte cher à la collectivité. Combien ?
De notre correspondant à Madagascar

Victor est pêcheur. Le cyclone a détruit sa case en bambou. Mais surtout, son fils est mort, écrasé par la chute d’un arbre. Nirina fait de la broderie dans sa maison. Le vent a emporté les tôles du toit, la pluie a endommagé sa machine à coudre. Augustin est agriculteur. Les inondations causées par le cyclone ont dévasté ses rizières. Sa production est perdue. Trois exemples pour dire qu’un cyclone engendre d’abord une multitude de drames humains individuels.

En l’espace de quelques heures, des milliers de personnes se retrouvent dans des situations de difficultés alimentaires, de menace pour leur santé. Ils faut donc dans un premier temps évaluer l’ampleur des dégâts. Et ensuite, mobiliser en conséquence, les sacs de riz, les tentes, les cartons de médicaments. Pour chaque sinistré, il faut compter une dépense de plusieurs euros. Imaginez donc la somme à débourser quand il faut, par exemple, prendre en charge 50 000 sinistrés. Ensuite, il faut acheminer cette aide d’urgence quand les stocks pré-positionnés sur place ne suffisent pas. Affréter, donc, des hélicoptères ou des avions. Pour un Boeing 737, c’est plus de 6000 euros pour une heure de vol. Imaginez donc, quand il faut faire plusieurs rotations. Et puis, il faut mobiliser des véhicules 4x4 ou des camions, sur place… Rien qu’en moyens logistiques, pour l’aide d’urgence, la facture est déjà élevée.

Alors, qui paie ? L’Etat, en premier lieu. Pour le cyclone Elita, les autorités malgaches ont débloqué, dans le budget, un crédit de 200 000 euros. Le général Soja, ministre de l’Intérieur explique: «L’aide financière sert d’abord aux évaluations, aux déplacements sur place. C’est avec ces évaluations qu’on peut déterminer véritablement les actions que chacun doit apporter suivant ses possibilités, suivant ses spécificité».

Sont donc sollicitées, également, les partenaires, selon leurs domaines d’intervention: les ONG nationales et internationales, et les agences des Nations unies. Parmi elles, le Programme alimentaire mondial (Pam). Bodo Henze en est le représentant à Madagascar: «Notre intervention se fait d’abord au travers de l’assistance alimentaire directe, autrement dit, les vivres qu’on achemine vers les endroits où il y a besoin. A cela, il faut ajouter ce que ça coûte pour acheminer».

Des années pour amortir le choc

Parfois, l’appui est donc aussi financier: dons de particuliers, ou bien des chancelleries. Exemple : après le passage du cyclone Elita, la République fédérale d’Allemagne a octroyé une aide humanitaire de 70 000 euros, attribuée à deux ONG installées à Madagascar. Autre exemple: la France qui met à disposition 25 000 euros, ainsi qu’un avion militaire Transall des Forces armées de la zone sud de l’Océan Indien (FASZOI), basées sur l’île de la Réunion.

Bouri Sanhouidi est le représentant du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) à Madagascar. Chargé de coordonner les actions des différentes agences onusiennes (Pam, Unicef, OMS…), il est habitué à gérer ce type de situation d’urgence. M.Sanhouidi explique que «généralement quand il y a des cyclones de ce genre ou des catastrophes naturelles, nous essayons de mobiliser tout de suite les moyens de bord, dans le cadre des programmes existants. Et ensuite, quand cela ne suffit pas, nous contactons les sièges de nos agences respectives. Nous pouvons contacter aussi le bureau des Nations unies pour les Affaires humanitaires, appelé OCHA, qui dispose également de ressources pour nous appuyer dans ce genre d’opérations». Et là, justement, ce bureau OCHA a mis à disposition près de 30 000 euros quelques jours après le passage d’Elita.

Après l’aide d’urgence, le coût financier d’un cyclone doit aussi intégrer tous les frais pour la reconstruction: rétablir l’électricité, le téléphone, réparer les routes et les ponts, des frais qui incombent généralement aux différents ministères concernés. Pour les particuliers et les entreprises sinistrées, l’indemnisation se fait en fonction des polices d’assurance. Certaines compagnies d’assurance couvrent les risques liés aux cyclones. Les dédommagements se chiffrent en centaines de milliers d’euros.

Mais au-delà des dommages directs dus au cyclone, il y a aussi les pertes d’exploitation pour les entreprises comme, par exemple, les usines qui mettent plusieurs jours pour redémarrer leurs activités. A cela s’ajoute aussi l’impact négatif sur la production agricole. Autant d’effets induits qui sont finalement bien difficile à chiffrer. Une chose est sûre en tout cas, le passage d’un cyclone coûte cher à la collectivité. Il faut plusieurs mois, parfois plusieurs années, pour en amortir le choc.



par Olivier  Péguy

Article publié le 23/02/2004