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Congo démocratique

Radio Okapi, la voix des Nations unies en RDC

Le 25 février 2002, alors que s’ouvrait le dialogue intercongolais à Sun City (Afrique du Sud), Radio Okapi émettait pour la première fois sur les ondes congolaises. Mise en place par la Monuc (Mission des Nations unies au Congo) et la fondation Hirondelle, cette station a pour vocation d’informer les auditeurs sur l’état du pays et du processus de transition qui doit aboutir en 2005 à des élections libres.
Il est 8 heures à Kinshasa, au siège de la Monuc. Comme chaque matin, Yves Renard, rédacteur en chef, débute la journée par une séance d’appel aux stations locales d’Okapi. A Bunia, Mbandaka, Kalemie, Bukavu…les journalistes décrochent et annoncent les informations glanées sur le terrain qui pourraient intéresser la rédaction nationale. Okapi-Bunia propose un sujet sur la reprise des activités du systême judiciaire en Ituri, programmé pour l’édition du soir.

Avec un réseau de 9 stations locales réparties dans les grands centres urbains du pays, et un effectif de 80 journalistes congolais, Okapi dispose d’un excellent maillage pour recueillir des informations sur toute l’étendue du territoire. Les grandes éditions du soir sont diffusées en français mais aussi dans les quatres langues nationales: lingala, swahili, tshiluba et kikongo. Grâce aux moyens techniques de l’ONU, la radio est diffusée en FM dans les principales villes du pays. Ce faisant, conformément à ses missions, elle participe à la réunification de ce pays grand comme quatre fois et demi la France, en permettant aux congolais de recevoir des nouvelles de toute la RDC.

Cette station, inédite dans le paysage audio-visuel congolais, doit son existence aux efforts conjugués de la fondation Hirondelle (ONG suisse rompue à l’installation de radios dans les situations de conflit ou post-conflit) et de la Monuc. Les deux organisations s’étaient déjà illustrées dans des projets similaires au Timor, au Kosovo, au Cambodge, en Centrafrique... mais jamais projet n’avait eu une telle ampleur, un tel coût (4.5 millions de dollars pour l’installation et env. 1 million USD par an), ni peut-être une telle complexité. Okapi ne s’est pas installée en un jour. Elle a du attendre que la Mission des Nations unies pacifie des zones du pays où les conflits se perpétuaient malgré les discussions en cours à Sun City. Dans ces régions, des journalistes ont été séquestrés, d’autres battus. Il a fallu parfois négocier avec des groupes armés pour les faire libérer, puis éventuellement les faire travailler dans une autre région. Malgré les pressions, rappelle Yves Renard, «jamais nous n’avons retiré un journaliste de l’antenne».

la radio de la transition

En recrutant les journalistes les plus expérimentés de la place ou en assurant elle-même la formation de débutants, la fondation Hirondelle a contribué au développement d’une indéniable liberté d’expression, associée à une grande rigueur dans la recherche et la divulgation des informations. Cette indépendance a évidemment un prix: les journalistes d’Okapi sont bien mieux payés qu’ailleurs, et n’ont ainsi pas vraiment de raison d’être tentés par les petits services rédactionnels que des hommes politiques ou d’affaire pourraient leur proposer. Par ailleurs, en cas de houle avec les politiques, ils peuvent s’abriter derrière le bouclier que constitue la Monuc, acteur incontournable du processus de transition. Des conditions de travail dont rêveraient sans doute nombre de confrères africains.

La politique occupe une place importante dans les informations que délivre Okapi. La période de transition l’exige, et les élections générales qui doivent se tenir en 2005 constituent un enjeu majeur sur l’antenne, comme dans l’esprit des congolais. A ce titre, l’émission Dialogue entre congolais, dirigée par Jérôme Ngongo est emblématique. Elle permet chaque jour aux citoyens d’entendre les responsables politiques (notamment ceux des institutions congolaises), et de prendre le pouls de la transition. La création d’une haute autorité des médias ou d’un observatoire des droits de l’homme, la question de la démobilisation des combattants... sont autant de sujets abordés et mis en perspective.

De la guerre vers la paix, de la réunification en cours à la préparation des élections à venir, la radio a su adapter ses contenus et sa grille des programmes à l’évolution de la situation politique du pays. Le mandat de la Monuc prenant fin au terme des élections, Okapi devra à nouveau muer, pour n’être plus la radio de la transition. Mais les enjeux du moments sont tels que personne ne semble avoir une idée précise de ce que la radio deviendra demain, quand la République du Congo sera effectivement démocratique, et volera de ses propres ailes.



par Vladimir  Cagnolari

Article publié le 29/02/2004