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Haïti

Les rebelles déposent les armes

L’épreuve de force aura duré moins de quarante-huit heures. Après avoir clamé mardi haut et fort que les rebelles ne désarmeraient pas tant que les Chimères, les milices pro-Aristide toujours actives, n’auraient pas déposé leurs armes, le chef des insurgés, Guy Philippe, est revenu mercredi sur sa position. L’ancien commissaire de police a annoncé sa décision après sa rencontre avec un colonel des marines américains qui lui a clairement fait comprendre que Washington souhaitait le voir abandonner toute ambition de contrôler Haïti.
Les certitudes de Guy Philippe n’auront guère résisté aux pressions américaines. «Je ne vais pas déposer les armes, malgré les pressions internationales», clamait encore mardi le chef des rebelles se prévalant du succès remporté par ces hommes en grande partie à l’origine du départ, dans des conditions non encore élucidées, du président élu Jean-Bertrand Aristide. «Seul le peuple peut nous demander ce qu’il veut», insistait-il revenant sans état d’âme sur ses promesses de «retourner à Pestel, sa ville natale», une fois le chef de l’Etat renversé. Mais il aura suffi d’une rencontre avec un gradé américain pour que l’ancien commissaire de police, grisé par sa parade triomphale dans les rues de Port-au-Prince, revienne à de meilleures dispositions.

A l’issue de son entretien avec le colonel des marines Mark Gurganus, Guy Philippe a donc annoncé que les rebelles allaient déposer les armes. Justifiant sa rapide volte-face, le chef des insurgés a affirmé avoir eu l’assurance que la sécurité serait très bientôt rétablie en Haïti. «Maintenant que Jean-Bertrand Aristide, qui était le principal obstacle à la démocratie, est parti, et étant donné la présence de troupes étrangères garantissant la sécurité de la population et le désarmement des chimères, nous avons décidé, pour le bien du peuple haïtien, de déposer les armes et de ne plus patrouiller dans les rues», a ainsi déclaré celui qui n’avait pas hésité à s’autoproclamer «commandant en chef des rebelles». Les armes seront «mises à la disposition du président de la république», a-t-il également précisé.

La rencontre qui a réuni mercredi Guy Philippe et Mark Gurganus était la première du genre depuis le début de l’insurrection armée le 5 février dernier, l’administration américaine n’ayant jamais caché sa méfiance vis-à-vis d’un mouvement armé qu’elle soupçonne d’être lié aux narcotrafiquants. Selon un diplomate, le colonel américain aurait délivré «un message extrêmement franc» au chef des insurgés. Il lui aurait très clairement dit qu’«il serait tenu pour responsable de son engagement à déposer les armes comme il a dit qu’il le ferait et que s’il avait un quelconque honneur militaire il devait le faire». «Maintenant que leur ennemi est parti, les rebelles doivent tenir parole», lui a-t-il été aussi dit. Le revirement de Guy Philippe s’explique sans doute également par la présence de plus en plus visible dans les rues de Port-au-Prince du millier de soldats américains dépêchés sur place pour rétablir la sécurité. Bien qu’armés, les insurgés du Front de résistance nationale ne sont visiblement pas de taille à affronter le contingent américain.

Nomination d’un nouveau chef de la police

Cet engagement au désarmement arraché aux insurgés constitue un succès indéniable pour l’administration américaine qui semble désormais mener les choses en Haïti. Le président par intérim Boniface Alexandre vivrait en effet dans la maison d’un diplomate américain sous bonne garde. Il ne s’est toujours pas installé dans le Palais présidentiel désormais sous la protection des blindés américains. Le nouveau chef de l’Etat s’est posé mercredi dans un message radiodiffusé en «président de tous les Haïtiens», affirmant qu’il serait «un rassembleur sans étiquette politique». Son premier acte politique a été de nommer un nouveau chef de la police haïtienne. Léonce Charles est un proche des Américains. Commandant des garde-côtes haïtiens, il collaborait depuis des années avec les Etats-Unis contre le trafic de drogue international.

Parallèlement, le Premier ministre Yvon Neptune, un proche d’Aristide toujours en poste, a décrété mercredi l’état d’urgence sur le pays. Il a justifié sa décision par la nécessité de «rétablir le calme et éviter les débordements». «De nombreux groupes illégaux sèment la terreur dans la capitale sous le fallacieux prétexte de porter secours à la police nationale qu'ils veulent en fait humilier et démobiliser», a-t-il notamment dénoncé. Selon Yvon Neptune, les actes de vandalisme et de pillage ont fait depuis le départ du président Aristide «plus de 300 millions de dollars» de dégâts. L’homme, qui continue à avoir de l’influence sur les chimères, arrivera peut-être à les convaincre de déposer à leur tour les armes.

Sur le plan politique, plusieurs entités de la société civile et de l’opposition légale ont désigné leurs représentants à un futur Conseil d'une dizaine de sages, dont la création est prévue par le plan international de règlement de la crise. Ce Conseil, censé représenter la diversité de la société haïtienne, devrait désigner un nouveau Premier ministre et ouvrir la voie à des élections parlementaires.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/03/2004