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France

Les chercheurs passent à l’acte

Réunis en assemblée générale à l’Hôtel de Ville de Paris, la plupart des directeurs de laboratoires signataires de la pétition «Sauvons la recherche !» ont décidé de démissionner de leurs tâches administratives. Les dernières propositions du gouvernement concernant le dégel des crédits bloqués ces dernières années et une rallonge budgétaire de 3 milliards d’euros d’ici 2007, ont été jugées insuffisantes. Les chercheurs veulent plus : ils attendent que les pouvoirs publics leur offrent des garanties à long terme et revalorisent une filière en déshérence par des mesures concrètes et pérennes.
Les chefs de laboratoires avaient dit qu’ils démissionneraient le 9 mars s’ils n’étaient pas entendus. Ils l’ont fait. Environ 2 000 directeurs d’unités de recherche et chefs d’équipes, dont près de 1 400 étaient présents à l’assemblée générale organisée à l’Hôtel de Ville de Paris, ont décidé de passer de la menace aux actes pour accentuer un peu plus la pression sur le gouvernement. Certes, cette démission ne concerne que les tâches administratives qui incombent aux directeurs de laboratoires, ce qui signifie qu’ils continuent à exercer leurs activités scientifiques auprès de leurs équipes et touchent toujours leurs salaires. Il n’empêche que le fait qu’une telle décision soit suivie aussi massivement révèle que les chercheurs ont largement dépassé le stade de la grogne et qu’ils sont prêts à continuer le combat pour obtenir la satisfaction de leurs revendications concernant l’érosion des budgets et les créations de postes pour les jeunes diplômés.

Le collectif «Sauvons la recherche !» a d’ailleurs annoncé à l’issue de l’assemblée générale, qu’il proposait une nouvelle date butoir au gouvernement pour trouver une issue au conflit. Si le 19 mars, les chercheurs n’ont toujours pas obtenu des «réponses satisfaisantes» à leurs revendications, ils organiseront une manifestation de grande ampleur à laquelle «tous les citoyens» seront conviés. Dans le contexte de ramdam social ininterrompu auquel le gouvernement est confronté depuis quelques mois, l’idée même d’un défilé de chercheurs qui bénéficierait d’un fort soutien populaire, à deux jours du premier tour des régionales, a de quoi rendre grognon Jean-Pierre Raffarin. D’autant que si l’on en croit de récents sondages, le mouvement des scientifiques est soutenu par quatre Français sur cinq.

Les chercheurs en appellent au chef de l’Etat

Les chercheurs ont aussi annoncé que dans l’intervalle, ils demandaient l’intervention dans ce débat du président de la République, Jacques Chirac, auquel ils ont envoyé une lettre ouverte. Cette démarche montre une fois de plus la défiance manifestée par les scientifiques à l’égard du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, auprès duquel ils estiment ne pas avoir obtenu une écoute suffisante. D’ailleurs, ils ont décidé de court-circuiter, en quelque sorte, une initiative gouvernementale en annonçant qu’ils lançaient leurs propres états généraux de la recherche. Alors que les professeurs Etienne-Emile Baulieu, président de l’Académie des Sciences et Edouard Brézin, le vice-président de cette même académie, ont été mandatés par Jean-Pierre Raffarin pour composer un Conseil national pour l’avenir de la recherche scientifique, chargé d’organiser un telle assemblée dans la perspective de l’élaboration de la loi d’orientation et de programmation sur la recherche.

Face à ces bravades, le chef du gouvernement qui avait annoncé une rallonge budgétaire de 3 milliards d’euros sur trois ans, il y a quelques jours, a choisi d’afficher dorénavant une plus grande fermeté. Il a ainsi déclaré dans une interview au quotidien Libération qu’il refusait «des marchandages à la petite semaine» avec les chercheurs et qu’il n’entendait pas limiter le débat sur la recherche en France «à une question de moyens». La porte de la négociation n’en est pour autant pas fermée puisque le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a confirmé que l’équipe du Premier ministre était plus que jamais «mobilisée» sur ce dossier et que Claudie Haigneré, la ministre déléguée à la Recherche, a convié les différents syndicats de chercheurs à venir discuter de nouveau avec elle dès le 10 mars.



par Valérie  Gas

Article publié le 09/03/2004