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Côte d''Ivoire

Des dizaines de morts à Abidjan

La marche dite «pacifique» du 25 mars à l’appel du PDCI, du RDR et des Forces nouvelles (ex-rebelles) a tourné à un affrontement sanglant avec les forces de l’ordre.
Depuis le 24 mars le dispositif anti-manifestation était visible dans les quartiers d’Abidjan. Des blindés ont pris position et bouclé le plateau, quartier sensible qui abrite le palais présidentiel. Un important périmètre autour de la présidence de la République est d’ailleurs décrétée «zone rouge». Tout manifestant qui s’y retrouverait «sera considéré comme un combattant ennemi et traité comme tel» précisait-il y a quelques jours un communiqué des autorités militaires d’Abidjan.

Tôt ce matin, le bouclage de la quasi totalité des quartiers d’Abidjan était effectif. Les forces de l’ordre «visiblement très nerveuses» selon des observateurs auraient apparemment reçu des instructions très précises. Mais malgré l’interdiction de toute manifestation de rue par un décret présidentiel, un message radio-télévisé du président de la République, la réquisition de l’armée, le bouclage des quartiers et la tension visible dans la ville les partis politiques à l’origine de la manifestation ont maintenu leur mot d’ordre de «marche pacifique».

A différents points de la capitale, les manifestants ont tenté de converger vers la place de la république mais ils en ont été empêchés par les militaires et forces de l’ordre qui n’ont pas hésité à faire usage de leurs armes. La répression a été à balles réelles faisant en quelques heures près d’une trentaine de morts et plusieurs dizaines de blessés. De la même source on annonce la mort de trois policiers. Le dispositif policier et militaire en place avait la mission d’empêcher les manifestants d’avancer sur les principales artères de la ville en étouffant la manifestation à sa source. A Koumassi, au sud d’Abidjan, à Anyama à l’est, à Yopougon et à Abobo à l’ouest les forces de l’ordre ont abattu des manifestants. Selon certaines sources des hélicoptères de combats auraient survolé certains quartiers et auraient même ouvert le feu par endroit.

Appel à l'arrêt des manifestations


Le déséquilibre des forces, des manifestants scandant des slogans hostiles au régime d’une part et des soldats armés d’autre part a poussé les leaders politiques à renoncer à la poursuite de la manifestation. «Nous appelons nos militants à garder leur calme et à rentrer chez eux. Nous leur demandons d’éviter les balles, nous n’avons pas organisé une manifestation sanglante. Il ne sert à rien qu’ils reçoivent des balles tirées par leur armée», a déclaré Alphonse Djédjé Mady, secrétaire général du PDCI.

Au bouclage militaire d’Abidjan s’ajoute aussi l’isolement de la ville. La compagnie Air France qui assure une liaison quotidienne avec Paris a suspendu jusqu’à nouvel ordre la desserte de la capitale ivoirienne. Les chaînes de radio RFI, BBC et Africa N°1 ont disparu de la bande FM sans aucune explication technique.

Dans un communiqué à l’AFP, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Abdou Diouf, regrette l’échec des nombreuses médiations conduites notamment par Lansana Kouyaté, représentant spécial du secrétaire général de l’OIF «n’aient pas pu permettre un apaisement de la situation». Il rappelle à l’intention des acteurs politiques ivoiriens «la nécessité impérative de respecter les droits de l’homme et les valeurs de la démocratie, conditions indispensables à une solution politique satisfaisante à la crise», insiste-t-il. Le ministère français des Affaires étrangères exprime aussi «son inquiétude devant les violences qui se sont produites ce matin en Côte d’Ivoire et nous lançons un appel à la retenue à toutes les parties», a déclaré Hervé Ladsous, porte-parole du ministère.

De Bouaké, fief des Forces nouvelles, Guillaume Soro, ministre d’Etat chargé de la Communication a annoncé au nom de son mouvement que les ministres des Forces nouvelles, ex-rebelles, suspendent à nouveau leur participation au gouvernement. Le RDR publie également un communiqué dans le même sens rejoignent ainsi le PDCI dans ce boycott des activités gouvernementales. Le parti du président, le FPI reste seul au gouvernement avec d’autres petites formations. Cette situation remet en cause l’existence du gouvernement de réconciliation nationale, dans lequel figuraient la plupart des formations politiques et signataires de l’accord de Marcoussis.



par Didier  Samson

Article publié le 25/03/2004