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Irak

Le pétrole, une richesse encore sous-exploitée

Les nouvelles autorités irakiennes sont en passe d´atteindre leur objectif de production de pétrole fixé au lendemain de la guerre, même si la réhabilitation des infrastructures est encore loin d´être achevée. Comment stabiliser la production et l´exportation de brut dans un contexte d´insécurité généralisée et de financements insuffisants ? C´est tout l´enjeu de la reconstruction du secteur pétrolier.
De notre envoyé spécial à Bagdad

Les responsables irakiens se veulent rassurants et optimistes. La production de brut s´élève aujourd´hui 2,3 millions de barils/jour, et pourrait atteindre 3 millions d´ici la fin de l´année. «Nous devons relever une combinaison de défis, explique Thamer Ghadban, conseiller du ministre du Pétrole. Il nous faut réhabiliter la plupart de nos infrastructures. Après un an d´effort, nous sommes déjà parvenus à un bon niveau de production et d’exportation. Mais nous avons besoin d´un plus grand soutien financier. Je pense qu’en 2005, nous disposerons plus de capital à investir».

Sur le terrain, la sécurité demeure le talon d´achille du secteur, même si selon Thamer Ghadban, «le nombre d´attaques contre les oléoducs a nettement diminué». Pour autant, la situation n´est pas encore totalement sous contrôle. Ainsi, l´oléoduc du nord qui relie Kirkouk à Ceyhan en Turquie, fermé depuis juin 2003, reste toujours inutilisable en raison d´actes de sabotage récurrents. Avant la guerre, cette conduite permettait l’exportation de 800 000 barils par jour.

En attendant une restauration de la sécurité dans le nord, les responsables irakiens misent sur les champs pétrolifères autour de Bassorah dans le sud, une région plus sûre. Sur les 2,3 millions de barils/jour de brut produits actuellement, 1,6 million est exporté via les ports d´Al-Amiq et d´al-Baqr de Bassorah. Avant la dernière guerre, l’Irak exportait 2,2 millions de barils/jour, objectif que s’est fixé à court terme le ministère du Pétrole.

Les projets de développement ne manquent pas, car du pompage au raffinage, les infrastuctrures souffrent de vétusté. A Baiji, situé à mi-chemin entre Bagdad et Mossoul, la plus grande raffinerie du pays tourne à 50% de ses capacités d´avant-guerre. «Depuis un an, nous n’avons pas reçu de nouveaux équipements, explique un cadre de la raffinerie. Nous attendons l’exécution des derniers contrats passés dans le cadre du MOU (Memorandum of understanding, signé entre l’Irak et l’ONU et qui régissait les flux commerciaux de l’Irak pendant l´embargo, ndlr) qui n´ont pas encore été honorés. A part cela, nous n’avons rien de prévu et nous devons compter sur nous mêmes pour faire tourner les installations».

Budget d’investissement limité

Au niveau national, le ministère du Pétrole ne dispose que d´un budget d´investissement très limité qui ne permet pas de rénover en profondeur les infrastructures, voir d´en créer de nouvelles. «Nous voulons construire deux nouvelles raffineries à Mossoul et à Misayib. Nous préparons les appels d´offres même si nous ne disposons pas encore des financements nécessaires», précise Thamer Ghadban.

L´Irak possède les deuxièmes réserves pétrolières prouvées au monde (114 milliards de barils), mais les guerres et l´embargo n´ont pas permis de les mettre en valeur. «Notre activité d’exploration a cessé depuis de nombreuses années, poursuit le conseiller du ministre. L’ouest de l’Irak par exemple reste encore inexploré, et nous savons qu’il existe un potentiel». Pour ces développements prometteurs, il faudra patienter.

Malgré les aléas politiques, l’Irak reste membre de l’Opep. Pour le moment, l’organisation ne lui a fixé aucun quota de production qui, avant l´invasion du Koweït le 2 août 1990, s´établissait à 3,14 millions de barils/jour. Mais tôt ou tard, Bagdad devra négocier son niveau de production avec ses partenaires du cartel pétrolier. Les responsables irakiens envisagent à moyen et long terme de produire 5 à 6 millions de barils/jour. Certains pays, comme l´Arabie Saoudite, ne verront pas forcément d´un bon œil le retour de l´Irak sur le marché pétrolier mondial, car ils devront réduire leur propre production pour ne pas faire chuter les prix de l´or noir.



par Christian  Chesnot

Article publié le 26/03/2004