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Golfe

Guerre froide entre la Russie et le Qatar

L’arrestation de deux agents russes après l’attentat qui a coûté la vie à l’ancien président tchétchène Ianderbiev a déclenché une crise ouverte entre Moscou et Doha.
Rien ne va plus entre la puissante Russie et l’ émirat pétrolier entre lesquels le ton monte jour après jour. Pour l’instant, le petit (le Qatar) ne semble pas impressionné par les menaces du grand (la Russie).

Tout est parti de l’assassinat le 13 février dernier de l’ancien président indépendantiste de Tchétchénie, Zelimkhan Ianderbiev, réfugié au Qatar. Depuis novembre 2002, Moscou a demandé son extradition à plusieurs reprises pour «préparatifs en vue d’une révolte armée» et «complicité de création de formations paramilitaires illégales». Mais en dépit de l’insistance russe, le Qatar avait refusé. C’est que dans l’émirat, comme d’ailleurs dans l’ensemble de la Péninsule arabique, la cause tchétchène est presque aussi populaire que naguère celle des Bosniaques ou des Afghans.

Quoi qu’il en soit, lorsque le vendredi 13 février, Ianderbiev est assassiné dans l’explosion de sa voiture, dans laquelle son fils de 13 ans est également grièvement blessé, chacun se pose la question de savoir à qui le crime profite. Le jour même de l’attentat, sans attendre d’être mis en cause publiquement, le SVR (service de renseignement extérieur de la Russie) dément aussitôt être en quoi que ce soit mêlée à l’attentat. Pourtant, quelques jours plus tard, on apprend que la police du Qatar a arrêté deux ressortissants russes, qui s’avèrent être des employés de l’ambassade russe à Doha.

Des menaces, on est passé aux actes.

Qui plus est, selon le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov qui demande leur libération immédiate, ces deux Russes sont des agents des services secrets, mais ne sont aucunement impliqués dans l’assassinat de l’ancien président tchétchène. Selon le chef de la diplomatie russe, «ils étaient légalement au Qatar et travaillaient sur des informations et des analyses dans le cadre de la campagne internationale contre le terrorisme». Mais quelques jours plus tard, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Saltanov, fait porter au Qatar la «responsabilité» de la tension actuelle, rappelant que Doha avait refusé d’extrader celui que Moscou continue de qualifier de «terroriste». En outre, diverses indications publiées à Moscou semblent confirmer que les agents arrêtés en compagnie d’un troisième, relâché car il était titulaire d’un passeport diplomatique, s’intéressaient de très prêts aux faits et gestes de Selimkhan Ianderbiev. Une semaine durant, après l’arrestation des deux hommes, le ministère russe des Affaires étrangères a tenté d’obtenir leur libération par un «marchandage» avec les autorités de Doha. Là encore, ce sont les Russes qui donnent l’information le plus officiellement du monde.

Ce n’est pas un aveu, mais cela n’aide pas non plus à se persuader que la Russie est étrangère au sort de l’ancien président tchétchène. En tout cas, vendredi dernier, par la voix d’Alexandre Saltanov, Moscou est passé au registre des menaces en déclarant que la libération des agents russes «était dans l’intérêt du Qatar, de la Russie et de leurs relations bilatérales». Des menaces, on est passé aux actes avec l’arrestation jeudi à Moscou de deux athlètes qatariens qui transitaient par la Russie pour se rendre à un tournoi de qualification aux Jeux olympiques qui avait lieu en Serbie. Pour la presse du Qatar, la Russie les a pris en otages pour les troquer contre ses agents.

Dans ce bras de fer, le petit Qatar ne donne aucun signe de vouloir céder pour le moment : ce dimanche à Ryad, les six pays du Conseil de coopération du Golfe ont apporté leur solidarité au Qatar et leur «soutien à toutes les mesures qu’il a entreprises ou entreprendra pour élucider les circonstances de cet acte criminel et assurer la sécurité et la stabilité dans le pays».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 01/03/2004