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Irak

Le retour des baassistes

 La «débaassification» entreprise par Paul Bremer (photo) a conduit à la mise à pied de quelque 400 000 personnes travaillant dans l’ancienne armée de Saddam Hussein. 

		(Photo: AFP)
La «débaassification» entreprise par Paul Bremer (photo) a conduit à la mise à pied de quelque 400 000 personnes travaillant dans l’ancienne armée de Saddam Hussein.
(Photo: AFP)
Opérant un revirement radical, l’administration américaine qui avait pourtant fait de la «débaassification» du pays le nerf de sa politique en Irak, a annoncé que certains membres du parti Baas qui avaient été limogés après la chute du régime de Saddam Hussein seraient très bientôt rétablis dans leur fonction. Ce changement de cap provoque d’ores et déjà la colère de certains alliés de Washington au sein du gouvernement provisoire irakien qui dénoncent une politique qui «créera des problèmes majeurs dans la transition vers la démocratie».
Anciens soldats de l'armée de Saddam Husssein. 

		(Photo: AFP)
Anciens soldats de l'armée de Saddam Husssein.
(Photo: AFP)
A peine nommé à la tête de l’Autorité provisoire de la coalition en mai 2003, l’Américain Paul Bremer prenait la décision, jugée à l’époque historique, de «débaassifier la société irakienne». A l’image de la politique de dénazification menée par les alliés en 1945 dans l’Allemagne de l’après-guerre, il s’agissait de gommer en Irak toute trace ou influence des idées du parti Baas qui a pourtant présidé aux destinées du pays pendant plus d’un demi-siècle, contrôlant l’ensemble des rouages de l’Etat et de la société. La pression d’Ahmed Chalabi, le chef du Congrès national irakien, réputé très proche du Pentagone, n’était sans doute pas étrangère à cette décision qui s’est soldée par la mise à l’écart d’environ 30 000 fonctionnaires privant du même coup l’Irak de cadres compétents. La «débaassification» entreprise par Paul Bremer a également conduit à la mise à pied de quelque 400 000 personnes travaillant dans l’ancienne armée de Saddam Hussein, dans les services de sécurité ou encore aux ministères de la Défense et de l’Information de l’ancien régime.

Pour les besoins de cette politique, une Commission nationale suprême de «débaassification» a même été mise en place. «Notre but n’est pas de persécuter des militants de base mais de découvrir les tueurs» du régime de Saddam Hussein, assure Mithal al-Alusi, à la tête decette nouvelle instance créée en janvier dernier. «Nous savons bien que la majorité des membres du parti ne s’étaient inscrits que parce qu’ils étaient obligés de le faire», reconnaît-il. Et de fait, des milliers de fonctionnaires ont souvent été obligés d’occuper un rang moyen au sein du Baas pour accéder à un poste ou juste garder leur emploi. Leur expulsion de la fonction publique a donc eu pour conséquence de vider l’administration irakienne de ses cadres les plus compétents. La Commission de «débaassification» a certes donné à une partie d’entre eux -les fonctionnaires de rang moyen- la possibilité de faire appel. Mais le choix qui consiste soit à faire appel et renoncer à sa retraite, soit à accepter cette dernière et de renoncer à l’appel a découragé nombre d’entre eux. A ce jour, seules 7000 demandes ont été déposées et moins de 800 ont été traitées.

Revirement radical

Conscient des lenteurs du système mis en place, l’Autorité de la coalition veut aujourd’hui le réformer. «Nous cherchons un moyen d’accélérer le processus d’investigation» de la Commission a ainsi expliqué Dan Senor. Pour le porte-parole de Paul Bremer, «la débaassification est la bonne politique pour l’Irak mais son application peut être toutefois réformée». «Elle exclutparfois du processus de reconstruction du pays des innocents, des gens capables qui n’étaient baasistes que de nom», a-t-il tenté de justifier. Mais cette volonté de réduire les effets de la «débaassification» n’en constitue pas moins un revirement radical de la politique menée jusqu’alors par l’administration américaine en Irak.

Il est vrai que les critiques se sont multipliées ces derniers temps. La dernière en date a émané de l’envoyé spécial des Nations unies en Irak. «Il est difficile de comprendre que des milliers et des milliers d’enseignants, de professeurs d’université, de personnels hospitaliers, d’ingénieurs et d’autres professionnels dont on a grandement besoin aient été licenciés», s’est en effet ému Lakhdar Brahimi. Le message semble être passé puisque, à en croire le Washington Post, quelque 11 000 maîtres et des centaines de professeurs, tous licenciés il y a un an, devraient très bientôt réintégrer leur poste. Le quotidien, qui cite des sources proches de la coalition, affirme que ce changement de politique vise à encourager le retour de la minorité sunnite -majoritaire au sein du parti Baas- dans la vie politique et du même coup affaiblir le soutien aux insurgés dans le triangle sunnite. L’Autorité de la coalition aurait d’ailleurs d’ores et déjà réintégré six généraux de Saddam Hussein pour encadrer les nouvelles forces irakiennes.

A en croire certaines sources à Washington, ce revirement dans la politique américaine pourrait même permettre à d’anciens hauts cadres du parti Baas de siéger au gouvernement intérimaire à qui l’Autorité de la coalition doit transférer la souveraineté dès le 30 juin prochain. Une perspective qui provoque d’ores et déjà la colère de certains alliés irakiens de l’administration Bush. Le chef du Conseil national irakien, Ahmed Chalabi, a ainsi mis en garde contre les problèmes majeurs que pourrait provoquer la réintégration d’anciens baassistes. «C’est comme autoriser la présence de nazis au sein du gouvernement allemand immédiatement après la Seconde guerre mondiale», s’est-il insurgé.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/04/2004 Dernière mise à jour le 23/04/2004 à 15:35 TU