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Soudan

Une paix une et indivisible

Lors de sa visite à  N’Djaména,  le président soudanais Omar el-Bechir avait promis d'aider les 670 000 déplacés à regagner leurs villages mais les habitants du Darfour, réfugiés au Tchad, hésitent à rentrer chez eux, parce qu'il craignent toujours les attaques des Janjawid. 

		(Photo AFP)
Lors de sa visite à N’Djaména, le président soudanais Omar el-Bechir avait promis d'aider les 670 000 déplacés à regagner leurs villages mais les habitants du Darfour, réfugiés au Tchad, hésitent à rentrer chez eux, parce qu'il craignent toujours les attaques des Janjawid.
(Photo AFP)
Les négociations de paix entre le Nord et le Sud du Soudan ne peuvent faire l’économie des conflits du Darfour et du Haut-Nil. L’un et l’autre menacent la stabilité de tout accord qui émergerait des discussions entamées il y a plus de deux ans, sous l’égide de l’IGAD.

«Entre le génocide du Rwanda et les massacres du Darfour, il n’y a qu’une différence: celle du nombre de victimes». C’est ainsi que le coordinateur des actions humanitaires des Nations unies, résumait son point de vue aux journalistes le 19 mars dernier, au grand dam des autorités de Khartoum, qui, dès le lendemain, s’empressèrent de réclamer sa démission au secrétaire général de l’ONU.

Comment qualifier autrement les opérations menées par les miliciens, les Janjaweed («Ceux qui attaquent à cheval») contre les populations Fur de cette province soudanaise, aussi vaste que la Côte d’Ivoire ? Depuis février 2003, ils attaquent et brûlent les villages, violent et massacrent en clamant leur volonté de débarrasser le territoire de ses peuples non arabes. L’armée est venu en renfort, et a bombardé les camps de déplacés –700 000 selon les Nations unies– sous prétexte qu’ils servaient de base aux rebelles de l’armée de libération du Soudan (SLA) et du Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM). Dix mille personnes ont déjà été tuées et près de 100 000 ont franchi la frontière tchadienne pour se mettre à l’abri. Cela n’a pas suffi et le Haut-commissariat aux réfugiés a été contraint d’éloigner les Soudanais de leur pays, les attaques se poursuivant dans cette zone peu contrôlée par N’Djamena.

Jusque là, le gouvernement de Omar El Bechir a refusé l’aide de la communauté internationale pour régler un conflit qu’il définit toujours comme une querelle entre éleveurs et agriculteurs. C’est «à l’arraché» que des pourparlers sur un cessez-le-feu (aussitôt violé) ont pu avoir lieu début avril dans la capitale tchadienne, et qu’une mission d’experts a obtenu le droit de se rendre dans la région, cette semaine. Mais maintenant que l’échéance du Sudan Peace Act, le rapport au Congrès du président George W. Bush sur l’état des négociations entre le principal mouvement de rebelles sudistes et Khartoum qui se déroulent au Kenya, est dépassé, et que les congressistes américains ont donné quitus de la bonne foi des négociateurs, le pouvoir peut laisser les miliciens des forces de défense populaire (PDF) accomplir le sale travail à sa place au Darfour.

Guerre de territoires

Le sale travail ? Ils l’ont repris également dans le Haut-Nil, l’une des provinces pétrolières du Sud du Soudan. Là, ils se sont associés aux commandants de l’ethnie Nuer, issus du Mouvement pour l’indépendance du Sud-Soudan (SSIM) et du Mouvement unifié du Sud-Soudan (SSUM), contre les chefs Shilluk du Mouvement de libération du Sud-Soudan unifié (SPLM-United). Ces groupes, dont on n’avait plus parlé depuis longtemps, sont entrés en dissidence avec leurs représentants qui ont rallié le Mouvement pour la libération du Sud Soudan (SPLM) de John Garang, il y a quelques mois. Loin de s’unir dans leurs désaccords respectifs, les commandants ont opté pour une guerre de territoires qui les placerait dans une meilleure position politique alors qu’ils continuent d’être tenus à l’écart du processus de paix de Naïvasha (Kenya). Les Nordistes n’ont pas laissé filer l’occasion d’exploiter ces nouveaux déchirements, permettant au passage de gagner quelques arpents supplémentaires, hautement stratégiques.

D’autres conflits inter-tribaux ont éclaté ces derniers mois dans le Sud, relevant des pures et simples razzia, mais aussi mettant en concurrence des forces militaires et politiques locales. Signe des temps: au Kordofan (Ouest) dans le Nord, des bataillons de l’armée ont refusé de se joindre aux troupes du Darfour.

Ces violences et tensions minimisent les résultats possibles des discussions entre délégués du SPLM et du gouvernement, que supervise l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Certes, des progrès ont été réalisés dans le rapprochement des deux parties, qui s’affrontent sur le terrain depuis 21 ans: des protocoles ont été signés. Khartoum a réussi à faire un peu oublier son passé d’État-ami du terrorisme international. John Garang a été reçu officiellement par nombre de pays occidentaux et ses représentants ont été accueillis dans la capitale soudanaise. Selon les observateurs, un accord de paix reste du domaine du «possible» dans les mois à venir, même si de sérieux obstacles restent à surmonter, notamment sur le partage du pouvoir et des richesses dans la zone de Abyei, (champs pétroliers) ainsi que sur le statut musulman ou non de la capitale. Mais les fractures qui se sont ouvertes ailleurs dans le pays, laissent mal augurer de la période intérimaire qu’ouvrirait un accord exclusif. D’autant que celle-ci doit servir de test avant l’organisation d’un référendum sur la sécession du Sud.



par Marion  Urban

Article publié le 28/04/2004 Dernière mise à jour le 28/04/2004 à 15:43 TU