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Irak

Un Américain décapité : l’escalade de la barbarie

Un site internet considéré comme proche d'Al-Qaïda montre l'exécution de l'Américain, Nicholas Berg, 26 ans.
Un site internet considéré comme proche d'Al-Qaïda montre l'exécution de l'Américain, Nicholas Berg, 26 ans.
La diffusion des images de la décapitation d’un jeune homme d’affaires américain, Nicholas Berg, arrive comme une réponse à la publication des photos des sévices infligés aux détenus irakiens de la prison d’Abou Ghraib, qui a provoqué un large scandale ces deniers jours. Cette exécution qui aurait été perpétrée par un responsable d’Al Qaïda, le Jordanien Abou Moussab al-Zarkaoui, est présentée comme un défi aux Américains. Elle participe aussi à une nouvelle forme de guerre, bien loin des frappes chirurgicales, où les images des actes barbares participent à l’affrontement psychologique.

La nouvelle est tombée en pleine séance d’audition devant la commission des Forces armées du Sénat américain, du général Antonio Taguba, auteur d’un rapport sur les tortures dans les prisons irakiennes. Le corps d’un civil américain retrouvé décapité sur le bord d’une route près de Bagdad, le 8 mai, était celui de Nicholas Berg, un jeune homme d’affaires de 26 ans, venu en Irak pour essayer d’obtenir des contrats dans les télécommunications. Les auteurs de l’assassinat du jeune homme ont diffusé sur un site internet, réputé proche du réseau terroriste Al Qaïda, un enregistrement vidéo dans lequel l’intégralité de l’exécution est présentée.

On y voit un groupe de cinq hommes masqués qui se tiennent derrière Nicholas Berg, assis dans un tenue rose orangée, qui rappelle étrangement celle des détenus de la prison de Guantanamo. L’Américain se présente et donne le nom de son père et de ses frères et soeurs. L’un des hommes lit ensuite un message dans lequel il dénonce les sévices infligés aux prisonniers irakiens retenus à Abou Ghraib et exhorte les musulmans à la vengeance. «Comment des musulmans peuvent-ils dormir en paix alors qu’ils voient l’islam assassiné, son honneur ensanglanté, des photographies de la honte et le récit de la dégradation satanique du peuple de l’islam». Nicholas Berg est alors jeté à terre et décapité avec un grand couteau par un des hommes. Les cinq ravisseurs crient «Dieu est le plus grand» pour couvrir les hurlements de la victime dont la tête est ensuite présentée à la caméra. Plusieurs chaînes de télévision ont diffusé certaines de ces images mais aucune n’a montré la séquence jugée «insoutenable» au cours de laquelle la tête de Nicholas Berg est tranchée. Ni aux Etats-Unis, ni dans le monde arabe.

Le communiqué est signé de Zarkaoui

Le communiqué des ravisseurs, daté du 11 mai, est signé du nom d’Abou Moussab al-Zarkaoui, un Jordanien de 37 ans qui est présenté comme un responsable présumé du réseau Al Qaïda. Il aurait, selon les Américains, participé à l’organisation de nombreux attentats perpétrés en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Notamment celui contre les bureaux des Nations unies à Bagdad. Il semblerait même, selon le quotidien Asharq Al-Awsat publié à Londres, que ce soit Zarkaoui lui-même qui ait décapité Nicholas Berg mais cette information est en cours de vérification.

Aux Etats-Unis, l’émotion et l’indignation dominent. Le leader de la majorité républicaine à la Chambre, Tom DeLay, a immédiatement déclaré: «Les meurtriers de Nicholas Berg vont payer». Le candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis, John Kerry, a estimé que «les terroristes qui ont perpétré cette atrocité ne vont pas vaincre et l’Amérique est unie contre eux». Le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, a lui déclaré: «Cela montre la vraie nature des ennemis de la liberté». Le sénateur républicain Wayne Allard a, pour sa part, établi le lien entre la diffusion des photos des sévices infligés aux prisonniers d’Abou Ghraib par les Américains et cette médiatisation de l’exécution de Nicholas Berg: «Ce qui est arrivé est regrettable… Quand on rend les choses publiques, c’est ce qui arrive, on exacerbe l’antagonisme de l’autre bord et on devrait y réfléchir». Cette déclaration pose clairement la question de la guerre des images dans laquelle l’escalade de la barbarie apparaît comme un moyen d’impressionner les opinions publiques et de répondre aux attaques adverses.

La radicalisation des comportements risque de ne pas connaître de répit puisque la chaîne américaine CBS doit diffuser de nouvelles images choc: celles du journal vidéo d’une femme soldat américaine en poste dans deux prisons en Irak qui montrent les conditions de détention des prisonniers. D’autant que les terroristes qui ont exécuté Nicholas Berg ont promis aux Américains qu’ils n’en resteraient pas là: «Vous ne recevrez que linceul après linceul et cercueil après cercueil (de personnes) tuées de cette manière».



par Valérie  Gas

Article publié le 12/05/2004 Dernière mise à jour le 13/05/2004 à 10:44 TU

Audio

Journaliste à RFI

«Les premiers convois mixtes, marines américains et soldats du corps de défense civile irakienne, ont patrouillé dans Falloujah, ville symbole de la résistance sunnite.»

[12/05/2004]

RFI-Soir

«Doit-on diffuser toutes les images ?»

[13/05/2004]

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