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Etats-Unis - Afrique

L’odeur du pétrole

Le président américain George Bush recoit à Washington son homologue angolais, José Eduardo dos Santos à la Maison Blanche. L’Angola est le deuxième producteur de brut de l’Afrique subsaharienne. 

		(Photo : AFP)
Le président américain George Bush recoit à Washington son homologue angolais, José Eduardo dos Santos à la Maison Blanche. L’Angola est le deuxième producteur de brut de l’Afrique subsaharienne.
(Photo : AFP)
Le président américain George Bush, empêtré dans la crise irakienne et la lutte contre le terrorisme, vient de recevoir à Washington le chef d’Etat angolais José Eduardo dos Santos, marquant une fois de plus l’intérêt des Etats-Unis pour les réserves, jugées « stratégiques », de pétrole africain.

L’Angola est le deuxième producteur de brut de l’Afrique subsaharienne après le Nigeria. Il fournit déjà près de la moitié des importations américaines de cette région, soit au total 15% des achats pétroliers de l’étranger. Les Etats-Unis souhaitent réduire leur dépendance du brut du Moyen-Orient, politiquement instable, à un moment où le cours du baril léger américain a dépassé le 17 mai les 41 dollars, nouveau niveau record depuis 14 ans. Le prix a été poussé vers le haut par une demande accrue, notamment de la Chine, à la faveur de la reprise économique mondiale. Mais aussi par la spéculation suscitée par l’insécurité en Irak et les récentes attaques terroristes contre les installations pétrolières de l’Arabie saoudite. Ce qui explique que, selon les officiels américains, Washington prévoit d’augmenter les importations de brut africain à 25% du total d’ici une dizaine d’années. L’Angola qui produit à présent environ un million de barils/jour devrait doubler sa production d’ici à 2008.

José Eduardo Dos Santos, dont le régime, sorti d’une guerre civile de plus de 27 ans, fait toujours l’objet d’accusations de corruption et de gestion opaque des revenus de ses richesses - pétrole d’abord et diamants - attendait ce voyage depuis plus d’un an. Il voulait en effet être en mesure de se prévaloir du soutien de George Bush avant de lancer la campagne pour les élections en Angola en 2005 ou 2006 ainsi que des négociations avec le Fonds monétaire international et la Banque Mondiale afin d’obtenir un soutien à la reconstruction de son pays. Il a d’ailleurs choisi Washington pour la signature en grande pompe du renouvellement de la concession du «bloc zéro» au large du Cabinda avec Cabinda Gulf Company, la filiale de ChevronTexaco, le grand groupe pétrolier américain. La production de ce bloc est de l’ordre de 400.000 barils /jour. Cet accord, déjà négocié à Luanda, prolonge la concession de 2010 jusqu’à 2030.

Protéger les champs off-shore

Pour contrer les critiques étrangères de manque de transparence, les Angolais ont annoncé à cette occasion que ChevronTexaco a versé un «bonus de signature» de 210 millions de dollars et un «bonus social» de 80 millions dont une partie reviendra à la province de Cabinda, enclavée entre le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville. Le groupe américain est le premier partenaire de Luanda dans ce secteur avant le français Total. Malgré les critiques, l’administration américaine a fait des gestes envers l’Angola en étendant notamment en janvier 2004 à ce pays, qui a fini par soutenir, du moins en paroles, la coalition engagée en Irak, les préférences commerciales accordées aux exportations africaines vers les Etats-Unis sous le régime de la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA). Cette loi, adoptée en 2000, exige, en principe, que les pays bénéficiaires continuent à progresser vers une économie de marché, l’état de droit et le libre-échange et qu’ils mettent en œuvre des politiques économiques susceptibles de réduire la pauvreté tout en assurant la protection des droits des travailleurs. Selon les derniers chiffres disponibles, la pauvreté frappe plus de 70% de la population de l’Angola, malgré ses richesses en pétrole et en diamants.

Des experts de Jane’s Intelligence Review, qui appartient au groupe de presse spécialisé dans les questions militaires basé à Londres, précisent que l’Angola entre dans le cadre de la politique américaine de sécurité mise en place déjà en Afrique de l’est, y compris la Corne de l’Afrique, et dans le Sahel. Ainsi, un nouvel élément du «Programme africain de sécurité côtière» (ACSP) serait mis en place prochainement pour protéger les champs off-shore de pétrole du Golfe de Guinée et la Côte jusqu’en Mauritanie. Ces experts notent que la plupart des pays côtiers vont produire du pétrole d’ici à 2014 mais ne possèdent pas en général des flottes de guerre opérationnelles pour assurer cette protection. L’Angola, par exemple, doté de l’armée la plus importante de la région et de la plus longue côte n’a pas un seul patrouilleur. Le programme ACSP permettrait aux Etats-Unis de fournir à la région des navires, des systèmes radars et de l’équipement de communications ainsi que l’entraînement de gardes-côtes et, fait important, une coordination des opérations.

Réserves «fabuleuses»

Les Américains ont déjà une base «contre-terroriste» à Djibouti et pourraient chercher à obtenir un point d’appui similaire pour des opérations dans le Golfe de Guinée. Le choix de Sao Tomé a d’ailleurs déjà été évoqué dans ce contexte. Les compagnies américaines et tous les autres groupes pétroliers sont de plus en plus présents en Afrique, nouvel eldorado pétrolier avec le Caucase. Mais les pays du Golfe de Guinée – Nigéria, Angola, Guinée Equatoriale, Gabon, Congo Brazzaville, Sao Tome et Principe notamment – ne sont pas seuls à avoir du pétrole en Afrique sub-saharienne. Le Soudan et le Tchad font déjà partie du club et les experts évoquent déjà la possibilité de découvertes considérables de gaz au large des côtes orientale de l’Afrique.

L’exploration est en cours au large de la Tanzanie, du Mozambique et de Madagascar et les premiers puits d’exploration sont en cours de forage sur la plateforme continentale du Kenya. Selon certains experts, des ressources importantes pourraient être découvertes au large de la Somalie si les compagnies ont le courage de s’y atteler malgré l’insécurité qui prévaut dans ce pays. La compagnie canadienne Heritage Oil a même commencé l’exploration sur les bords du Lac Albert, à la frontière entre l’Ouganda et la RDC, ce qui expliquerait l’intérêt américain pour la région frontalière de l’Ituri, dans le nord-est de la République Démocratique du Congo. Les milieux diplomatiques de Kinshasa évoquent déjà les réserves «fabuleuses» qu’on pourrait y trouver et la possibilité de construire un oléoduc jusqu’au port kenyan de Mombasa afin d’exporter l’or noir.



par Marie  Joannidis

Article publié le 18/05/2004 Dernière mise à jour le 18/05/2004 à 06:13 TU