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Proche-Orient

Offensive israélienne à Rafah

Rafah a été totalement bouclé par des chars, appuyés par des survols d'hélicoptères, de manière à laisser le champ libre aux bulldozers chargés de raser les maisons. 

		Photo : AFP
Rafah a été totalement bouclé par des chars, appuyés par des survols d'hélicoptères, de manière à laisser le champ libre aux bulldozers chargés de raser les maisons.
Photo : AFP
L’armée israélienne mène depuis plusieurs jours une grande offensive dans la bande de Gaza. Cette opération a été décidée en représailles à des embuscades menées par des activistes palestiniens qui ont coûté la vie à 13 soldats israéliens la semaine dernière. Elle est destinée à stopper les trafics d’armes en provenance de l’Egypte voisine en détruisant les habitations qui abritent l’entrée de souterrains par lesquels elles sont acheminées. Mais cette justification ne paraît pas suffisante à la communauté internationale. L’Union européenne, l’Organisation des Nations unies, Amnesty International notamment, ont dénoncé des démolitions qui ont jeté à la rue environ un millier de Palestiniens en quelques jours.

Le bilan de l’intervention menée par Tsahal dans la bande de Gaza est déjà lourd. Treize Palestiniens ont été tués depuis dimanche. La plupart des ces personnes ont été touchées soit lors des raids menés par des hélicoptères israéliens, soit par des échanges de tirs avec les soldats. Mais l’un d’entre eux a, en revanche, été victime de l’explosion d’une bombe qu’il s’apprêtait à poser pour atteindre les militaires israéliens. Il semble que la majorité des personnes tuées lors de ces affrontements soient des activistes palestiniens membres de groupes armés, notamment du Hamas, du Jihad islamique et des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa. Depuis l’attaque palestinienne contre un véhicule blindé israélien qui a coûté la vie à plusieurs soldats, mercredi dernier, 27 Palestiniens ont été tués à Rafah.

Et l’opération ne semble pas sur le point de s’interrompre. L’armée israélienne a, en effet, annoncé très clairement ses objectifs. Il s’agit d’empêcher les terroristes d’acheminer des armes, par exemple des roquettes à longue portée susceptibles d’atteindre les villes israéliennes, en provenance de l’Egypte voisine. Tsahal a affirmé, en effet, avoir découvert dans cette zone depuis le début de l’Intifada en septembre 2000, au moins 80 tunnels destinés à permettre la contrebande d’armement. C’est pour cette raison que plusieurs dizaines d’habitations, soupçonnées d’abriter l’entrée de ces conduits souterrains, ont été détruites ces derniers jours par l’armée israélienne, qui justifie cette intervention musclée par la nécessité d’assurer la sécurité de ses soldats en neutralisant les activités des extrémistes palestiniens. Un responsable a ainsi indiqué: «Nous ne détruisons que les maisons où se trouvent des entrées de tunnels ou à partir desquelles des terroristes tirent sur nos soldats». La Cour suprême israélienne a d’ailleurs entendu cet argument en autorisant, le 16 mai, la poursuite des démolitions lorsqu’elles sont justifiées par des impératifs sécuritaires ou des nécessités opérationnelles.

Un canal le long du couloir de «Philadelphie»

La ville de Rafah dans la bande de Gaza, qui est à cheval sur la frontière entre l’Egypte et Israël, est donc au coeur de cette offensive. Le camp a été totalement bouclé par des chars, appuyés par des survols d’hélicoptères, de manière à laisser le champ libre aux bulldozers chargés de raser les maisons. L’Agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (Unrwa) a tiré la sonnette d’alarme dès dimanche en affirmant que cette opération avait déjà eu pour conséquence de jeter environ 1 000 Palestiniens à la rue. L’organisation Amnesty International a, quant à elle, publié un rapport dans lequel elle dénonce la destruction de quelque 3 000 habitations en trois ans et appelle à faire cesser des actes qui sont «des crimes de guerre».

Cette situation a d’ailleurs été unanimement dénoncée par la communauté internationale. L’Union européenne a appelé le gouvernement israélien à cesser «immédiatement» les démolitions de maisons palestiniennes et a estimé qu’elles étaient «disproportionnées et contraire au droit international». Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, a lui affirmé que son gouvernement était «totalement opposé à cette politique». Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, a demandé à Israël de «cesser immédiatement de tels actes de rétorsion collective». Même les Etats-Unis ont marqué leur perplexité face à la politique israélienne en demandant à Tel Aviv «des informations complémentaires» sur ses plans de destruction. Colin Powell, le secrétaire d’Etat américain, a même affirmé: «Nous sommes opposés à la destruction de maisons. Nous ne pensons pas que cela soit productif».

Malgré ces appels à la modération et l’annonce du Premier ministre israélien d’un éventuel retrait de la bande de Gaza, l’heure est plutôt au durcissement. Au-delà de l’offensive menée actuellement, Israël envisagerait, en effet, selon le quotidien Haaretz, d’engager de gigantesques travaux dans cette zone pour creuser une tranchée de 20 mètres de profondeur, 60 à 80 mètres de largeur, sur une distance d’environ 15 kilomètres, afin d’empêcher définitivement les passage d’armement par voie souterraine. Ce fossé longerait le couloir dit de «Philadelphie», contrôlé par Israël à la frontière entre l’Egypte et Gaza. En le remplissant d’eau de mer, les israéliens espéreraient rendre impossible la construction de nouveaux tunnels.

Mais pour réaliser ce plan préparé par les militaires israéliens, de nombreuses autres démolitions et expulsions de familles palestiniennes seraient nécessaires. Après le mur dont la construction a débuté en Cisjordanie, l’annonce de ce nouveau projet de canal de sécurité provoque, alors même qu’il n’a pas été officiellement confirmé, de vives protestations. L’Autorité palestinienne a d’ores et déjà qualifié l’intervention israélienne à Gaza de «crime de guerre» et appelé la communauté internationale à intervenir auprès du gouvernement d’Ariel Sharon pour qu’il «y mette fin».

par Valérie  Gas

Article publié le 18/05/2004 Dernière mise à jour le 18/05/2004 à 13:57 TU

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Addalah Benraad

Journaliste à RFI

«Les moyens utilisés par l'armée israélienne montrent l'ampleur de l'opération. »

[18/05/2004]

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