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Elections européennes

Scrutin international, enjeux nationaux

Les Tchèques ont voté vendredi, avec les Irlandais. 

		(Photo : AFP)
Les Tchèques ont voté vendredi, avec les Irlandais.
(Photo : AFP)
L’élection des députés au Parlement européen s’accompagne de débats et de prises de position sur des thèmes internes, éloignés du sujet. Pour qualifier le scrutin en cours au sein des 25 pays de l’Union, on hésite entre plusieurs formules : « à la recherche de l’électeur perdu », « sortir les sortants », ou bien « vous avez dit ‘élections européennes’ ? ».

A en croire les commentateurs avisés de la vie politique communautaire, le scrutin sera marqué par un fort taux d’abstention. A l’appui de leur démonstration, ils évoquent l’absence d’enjeux en raison de la faiblesse institutionnelle du Parlement européen face à une Commission omnipotente. Bien que, de scrutins en traités, les pouvoir des élus du peuple ait pris de la consistance au cours des vingt-cinq années d’existence du Parlement, la participation à l’élection des députés n’a cessé de s’éroder, passant d’une participation moyenne de 63% (en 1979) à 49,8% (en 1999).

Il est vrai qu’en dépit de l’âge devenu respectable de l’institution, la notion de « parti européen » est une idée neuve, encore peu exploitée, et dont la nécessité n’apparaît qu’au fur et à mesure que l’Union s’impose comme une réalité incontournable. Aujourd’hui, pour une formation, produire de politique communautaire ressemble donc beaucoup à un bricolage confus de programmes nationaux européanisés pour la circonstance. Cette façon de procéder manquent souvent singulièrement de hauteur de vue en raison de l’usage domestique auquel est destiné le programme, qui ne doit ni choquer l’électorat, ni prêter le flanc au soupçon de trahison des priorités nationales au profit de l’étranger, souveraineté oblige.

Cette schizophrénie dans laquelle se débat le personnel politique, entre fédéralisme et nationalisme, n’est évidemment pas de nature à engager l’électeur sur la voie des urnes. D’aucuns prêtent même à certains responsables une vraie volonté d’en écarter le citoyen afin de poursuivre tranquillement une construction européenne menée honteusement en raison du sentiment de trahison qui l’accompagne.

C’est faire bien peu cas de la sagacité de l’électeur, de sa mémoire et de son talent à déchiffrer les intentions politiques derrière le discours en circulation. C’est également négliger sa part de liberté à démentir les calculs les plus rigoureux des spécialistes de la statistique électorale, comme l’a montré l’élection des présidents de régions, en France au mois de mars. Enfin, cette fois, la partie se joue à 25, et non plus à 15. D’ores et déjà, aux Pays-Bas, où l’on a voté jeudi, la participation a enregistré une progression de plus de 9 points par rapport au précédent scrutin d’il y a 5 ans.

Face à ces dilemmes, on surveillera, dimanche soir, les scores enregistrés par les listes atypiques, souverainistes et radicalement contestatrices.

L’absence de thèmes européens

A l’appui de cette thèse pronostiquant un désintérêt des électeurs à l’égard de ce scrutin, on relève donc la pauvreté du débat européen. Il est vrai que les principaux thèmes de préoccupation de la construction ont été singulièrement absents. Rares sont ceux qui ont engagé une campagne véritablement européenne. Certes, de grandes idées ont été largement brassées et, à l’issue, du débat, chacun pourrait se retrouver dans les programmes de tous, à savoir que les Européens veulent vivre dans un espace ouvert, prospère, respectueux du contrat social, à l’environnement préservé et contribuant à la paix dans le monde. En revanche, on reste sur sa faim quant aux moyens et aux contraintes imposés par un exercice à 25. Quelle constitution le Conseil européen adoptera-t-il peut-être la semaine prochaine, au lendemain du scrutin ? Le problème de l’examen de l’adhésion de la Turquie ayant déjà été tranché positivement, y a-t-il une autre finalité que démagogique à attiser la querelle sur cette question ?

Symétriquement, c’est la richesse des polémiques nationales, qui aura occupé la scène politique au cours de ces dernières semaines. Les partis, en effet, n’ont pas dissimulé leur volonté de faire de l’élection européenne un test de popularité ou un bilan d’étape de la politique conduite par l’équipe en place.

Vote de protestation

Dans ce contexte la tentation est forte pour les électeurs qui, malgré tout, accomplissent vaille que vaille leur devoir électoral d’aller sanctionner leur personnel politique sortant. C’est en tout cas le rêve caressé par les partis d’opposition qui appellent à sanctionner les équipes au pouvoir, au mépris de toute considération européenne. Les sondeurs abondent dans ce sens et annoncent un repli des partis au pouvoir bien que, selon eux, les conservateurs aujourd’hui majoritaire le resteront dans la future assemblée.

D’ores et déjà, l’histoire est en marche et les tendances lourdes se dessinent. Les Britanniques et les Néerlandais ont voté jeudi. En France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel interdit la publication des résultats sur les médias publics avant la clôture du scrutin, dimanche soir, mais les lecteurs de la presse indépendante et les internautes peuvent dés à présent aller constater sur les médias non-officiels les évolutions en cours. Sans trahir de secret, on sait que selon des résultats encore partiels aux élections locales qui accompagnaient le scrutin européen, les électeurs britanniques ont sanctionné le parti de Tony Blair. Les Irlandais et les Tchèques votaient vendredi. Les Italiens, les Maltais et les Lettons votent samedi.



par Georges  Abou

Article publié le 11/06/2004 Dernière mise à jour le 13/06/2004 à 15:26 TU