Sahara occidental
Fin de mission pour James Baker
(Photo: AFP)
James Baker a tiré le bilan de l’un des plus cinglants échecs de la communauté internationale au cours de ces dernières années. Kofi Annan l’avait nommé pour conduire cette mission spéciale de médiation en mars 1997. Il doit donc renoncer au terme de 7 années d’efforts infructueux visant à résoudre un conflit vieux de trente ans, dernier héritage régional du colonialisme espagnol.
Initiateur de plusieurs plans, qui portent son nom, M. Baker démissionne après le rejet de sa dernière initiative par Rabat. Son dernier compromis proposait de constituer le Sahara occidental en région semi-autonome du Maroc, pour une durée de cinq ans. Au terme de cette période, les habitants du territoire aurait eu à se prononcer par voie de référendum entre l’accession à l’indépendance, la poursuite du statut de semi-autonomie ou l’intégration au royaume du Maroc. Le plan avait été adopté par le Conseil de sécurité le 29 avril. La résolution (1541) donnait mandat à M. Baker d’organiser le référendum et reconduisait la mission des casques bleus de la Mission des Nations unies au Sahara occidental (Minurso) pour six mois. Il avait été favorablement accueilli par les indépendantistes front Polisario et leurs alliés algériens. En revanche, le Maroc avait rejeté ce nouveau plan Baker annonçant qu’il ne pourrait accepter l’autonomie du Sahara occidental « que dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
Face à l’opposition de Rabat, le secrétaire général ne cachait pas son scepticisme quant au succès de la médiation onusienne, après 13 ans d’effort et 600 millions de dollars dépensés. Dans son rapport, Kofi Annan envisageait même le retrait de la Minurso et le renvoi de la question devant l’Assemblée générale.
Tension régionale
C’est donc un dossier qui va continuer d’empoisonner les relations régionales car c’est toujours un foyer de tension entre le Maroc, qui n’a jamais renoncé à sa souveraineté sur ce territoire, et l’Algérie, soutien historique des indépendantistes du front Polisario, où sont établis les bases arrières et le gouvernement en exil du mouvement. La permanence de cette crise est notamment un obstacle à la construction de la communauté régionale de l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui, outre le Maroc et l’Algérie, prévoit aussi l’intégration de la Mauritanie, de la Tunisie et de la Libye et dont l’édification est gelée depuis 1995.
Cette affaire est une source de préoccupation qui dépasse le strict cadre des relations régionales. Elle est régulièrement évoquée lors des rencontres diplomatiques entre les membres de l’Union européenne et les autorités des pays du Maghreb, comme ce fut le cas lors de la récente visite à Rabat du ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, qui avait réaffirmé à cette occasion le soutien de Paris au plan Baker. Cette affaire constitue également le prétexte à une course régionale aux armements, notamment entre Alger et Rabat, qui s’inscrit dans une perspective de conquête du leadership régional.
Pétrole ?
L’ancien Sahara espagnol est un vaste territoire côtier désertique, fait face aux îles Canaries et qui compte 260 000 habitants. Il est riche en phosphates et peut-être doté de réserves pétrolières offshores.
Né en 1930, juriste de formation, avocat spécialiste des dossiers pétroliers, James Baker est aussi un diplomate chevronné qui a accompli sa carrière politique dans le sillage des présidents républicains. Sous-secrétaire au Commerce dans l’administration de Gerald Ford (1975), il devient chef de cabinet du président Reagan (81-84), puis directeur de campagne pour sa réélection, avant de devenir son secrétaire d’Etat, lors de son second mandat. Il sera directeur de campagne du candidat Bush (père), puis occupera à nouveau le poste de chef de cabinet sous sa présidence.
Au cours de ces derniers mois, l’ancien secrétaire d’Etat avait diversifié ses activités. En raison de ses compétences particulières dans les affaires pétrolières, en décembre 2003, le président Bush le charge par l’administration américaine d’une mission visant à convaincre les créanciers de l’Irak de renégocier à la baisse la dette de ce pays. Selon les capitales, le niveau de la dette et le degré d’implication dans la coalition conduite par les Américains, la proposition de la Maison Blanche avait reçu un accueil plus ou moins favorable, comme en témoigne le bilan de l’examen du dossier lors du G8 qui vient de s’achever aux Etats-Unis.
par Georges Abou
Article publié le 12/06/2004 Dernière mise à jour le 13/06/2004 à 10:37 TU