Sommet Europe-ACP
L’inquiétude des pays du sud après l’élargissement
(Photo : AFP)
A l'exception de Cuba, tous les pays ACP, dont l’ensemble de l'Afrique subsaharienne, sont liés à l'Union européenne par l'accord de Cotonou qui concerne au total plus d’un milliard de personnes. Mais des incertitudes planent aujourd'hui sur l’évolution de ce partenariat très spécial et unique au monde.
Le sommet de Maputo intervient quelques semaines à peine après l'élargissement de l'Europe vers l’Est. Les ACP craignent que l’adhésion de dix nouveaux États-membres, moins riches, n'entraîne une révision à la baisse de l'aide financière européenne en faveur du Sud.
Par ailleurs, alors que les traités européens successifs avaient jusqu’à présent, toujours fait mention du partenariat avec les ACP, la nouvelle Constitution européenne, fraîchement adoptée le 18 juin dernier à Bruxelles par les 25 chefs d'État et de gouvernement de l'Europe élargie, n’y consacre plus une seule ligne. Cette suppression est-elle le signe avant-coureur d’une volonté de l'Europe de banaliser ses relations avec les ACP, à l’heure où elle s’implique de plus en plus dans d’autres régions du monde comme le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ? La question est posée.
Le smmet de Maputo examinera aussi l'état d’avancement des négociations commerciales en vue d'accords de partenariat économique régionaux euro-ACP.
A l'exception de la zone Pacifique qui a pris du retard, les différentes régions du groupe –Afrique de l'Ouest, centrale, orientale, australe et Caraïbes– ont entamé, à tour de rôle, des négociations devant aboutir, à terme, à l'instauration de zones de libre-échange avec l'UE. Il n’est pas exclu, si l’intégration panafricaine le permet, que les quatre régions africaines soient regroupées un jour au sein d’une seule et vaste zone de libre-échange avec l’Europe. On n’en est pas encore là. Pour l’heure, les négociations par régions avancent trop lentement au gré de la Commission de Bruxelles qui met la pression sur des ACP circonspects et pas toujours rassurés. «Ce sont des négociations très complexes et qui constituent pour nous une nouveauté», explique Jean-Robert Goulongana, secrétaire général du groupe ACP.
Alors qu'ils bénéficiaient jusqu'ici de préférences commerciales non réciproques sur le marché européen, les ACP vont devoir à leur tour, et conformément aux règles de l'OMC, réduire leurs droits de douane et ouvrir peu à peu leurs marchés, à partir de janvier 2008, aux produits européens. Condition sine qua non de leur insertion progressive dans l’économie mondiale. Les systèmes socio-économiques des pays ACP seront-ils prêts à assumer le défi ? Nombre d'organisations non gouvernementales et d'observateurs de la société civile, en Afrique notamment, crient casse-cou.
Une stratégie d’alliancesLes chefs d’État et de gouvernement ACP devront aussi, à Maputo, dégager une position commune concernant la relance des négociations multilatérales du cycle de Doha, actuellement toujours dans l’impasse.
Tout en n’étant pas un acteur important au niveau du commerce mondial, les ACP comptent sur leurs poids numérique –79 États membres répartis à travers trois continents– et sur leur stratégie d’alliances pour faire entendre leur voix à l’OMC. Alliance avec l’Europe face aux États-Unis et avec des pays émergents, comme l'Inde et le Brésil, face aux pays du Nord. Ils jouent aussi un rôle de fer de lance au sein du bloc du G-90. Créé en septembre 2003, lors de la conférence ministérielle de l'OMC à Cancun, le G-90 est une alliance entre des pays de l'UA, les ACP et l'ensemble des pays les moins avancés, en vue de défendre les intérêts des plus vulnérables. Il sera aussi question à Maputo, de paix, de sécurité et de lutte contre le terrorisme.
Le sommet se conclura jeudi par l'adoption d’une déclaration qui définira les grandes orientations géopolitiques du groupe ACP pour les mois à venir.
par Anne-Marie Mouradian
Article publié le 21/06/2004 Dernière mise à jour le 21/06/2004 à 12:03 TU