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Algérie

«L’émir national» du GSPC abattu

Le terroriste Nabil Sahraoui a été abattu par l'armée algérienne. 

		(Photo : AFP)
Le terroriste Nabil Sahraoui a été abattu par l'armée algérienne.
(Photo : AFP)
Les autorités algériennes viennent de remporter un incontestable succès militaire et politique en décapitant le groupe islamiste armé GSPC. Nabil Sahraoui avait déclara l’allégeance du groupe à al-Qaïda. Il n’aura dirigé ce groupe que neuf mois. Cette opération redore le blason de l’Algérie et conforte sa position de partenaire dans le dispositif de lutte régional contre le terrorisme.

Selon le communiqué publié dimanche par le ministère de la Défense, les dirigeants du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) ont été éliminés au cours d’une opération de grande envergure dans la région d’Ifénaiène, sur la commune d’El Kseur, située sur le territoire de la wilaya de Béjaia, en Kabylie.

L’identité des victimes de l’assaut des soldats algériens confirme que le groupe islamiste rebelle vient d’enregistrer la perte de sa direction politico-militaire. Outre son chef, Nabil Sahraoui désigné à la tête de l’organisation au mois de septembre, et son bras droit, Abi Abdelaziz (surnommé Okacha le Para) l’organisation perd également Mourad Kettab, responsable du renseignement et de la communication au sein du GSPC, ainsi qu’un spécialiste des attentats à la bombe identifié sous le nom de Abdelmalek Droukdal.

Les cadavres des terroristes ont été transportés à la morgue de l’hôpital Frantz Fanon de la capitale provinciale, Bejaia, où le corps de Nabil Sahraoui a été identifié avec certitude par sa famille.

L’opération a démarré voici une quinzaine de jours, après l’embuscade meurtrière tendue le 2 juin au cours de laquelle 12 militaires furent tués et 26 autres blessés. Suite à ce revers, l’armée algérienne a monté une vaste opération de ratissage mettant en œuvre des moyens terrestres d’infanterie et d’artillerie, ainsi qu’aéroportés. L’opération s’est déroulée dans une zone boisée qui avait été l’un des bastions du FLN, lors de la guerre de décolonisation. Cette région de Kabylie, réputée pour son relief accidenté, était devenue au cours de ces dernières années l’un des principaux foyers d’un terrorisme islamique dont les activités s’étendaient également au grand banditisme.

Cette opération est incontestablement un succès pour l’armée algérienne, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Si la décapitation du GSPC ne porte vraisemblablement pas un coup fatal à la violence dans laquelle le pays a basculé au lendemain de l’interruption du processus démocratique en 1992, elle porte un coup extrêmement sévère à la fraction la plus radicale et la plus virulente du terrorisme algérien. Certes elle rappelle aussi l’échec du projet d’amnistie de 1999, dit de « concorde civile », dont le chef de l’Etat était porteur. Mais ce succès devrait néanmoins renforcer le prestige d’une armée dont la hiérarchie, issue de la guerre de libération, est soupçonnée de détenir le pouvoir réelle du pays et de s’en partager les bénéfices (pétroliers).

Sahara sanctuarisé

La soumission du GSPC à al-Qaïda, l’année dernière, donne également un retentissement international à cette affaire, au bénéfice de l’Algérie qui se comporte en bon partenaire de la guerre contre le terrorisme, tout en confortant vis à vis de l’étranger son principe de fermeté à l’égard de l’islamisme politique. La volonté d’éradication des autorités algériennes dans la lutte contre les intégristes leur avaient valu la méfiance des capitales occidentales. Or, depuis l’élargissement au Sahel tout entier du champ d’action d’un GSPC relais d’al-Qaïda, la gestion algérienne de cette crise ne provoque plus aucun état d’âme dans les chancelleries.

Le GSPC passe aujourd’hui pour être le mieux structuré des mouvements islamistes algériens. Outre son allégeance à l’organisation d’Oussama Ben Laden, il se distingue par son recrutement qui intègre des combattants étrangers, formés notamment dans les camps d’entraînement afghans. L’une des victimes de l’assaut lancé la semaine dernières par les soldats algériens est d’ailleurs un Tunisien.

Le rayon d’action du GSPC a en effet débordé le strict cadre des frontières de l’Algérie. D’une part, le mouvement a annoncé au début du mois le lancement d’une djihad contre les ressortissants et sociétés étrangères présents sur le territoire algérien. D’autre part, l’année dernière, le GSPC avait revendiqué l’enlèvement de 32 touristes dans le Sahara, Allemands pour la plupart. A cette occasion on avait pu constater que toute la région était concernée. Et l’annonce de la capture d’un commando régional du GSPC par les rebelles tchadiens du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT) confirme bien cette hypothèse d’un Sahara sanctuarisé.

L’attaque perpétrée contre l’Amérique le 11 septembre 2001 a, par ailleurs, fait sortir Alger de son isolement et le pays constitue désormais un chaînon indispensable dans le dispositif régional, méditerranéen et euro-africain, de containment de la menace. La mort de Nabil Sarhaoui intervient dans la foulée de celle du chef d’Al-Qaïda en Arabie Saoudite. Ces convergences sont contenues dans la message adressé par l’ambassadeur américain à Alger qui a déclaré que «les Etats-Unis d’Amérique et l’Algérie partagent le même intérêt dans la lutte contre le terrorisme ». C’est d’autant plus vrai que Washington considère le Sahara comme un sanctuaire potentiel des groupes militants islamistes : un Afghanistan délocalisé.

Légitimité retrouvée

Si les sources de l’apparition et du développement d’un mouvement armé radical en Algérie ne sont pas taries, les événements qui viennent d’avoir lieu affaiblissent considérablement le champ d’action des mouvements clandestins et le reste du prestige qu’ils pouvaient encore entretenir. A l’inverse, le renforcement matériel de l’appareil répressif et sécuritaire, et sa légitimité internationale retrouvée restituent à l’Etat algérien la part de souveraineté, territoriale et symbolique, qui lui était disputée par son terrorisme anciennement domestique, aujourd’hui international. Pour autant, la neutralisation de l’équipe dirigeante ne signifie pas la disparition des causes, ni des candidats à la succession. Le GSPC, né en 1998 d’un éloignement du Front islamique du salut (FIS) et de ses Groupes islamiques armés (GIA)

Bien qu’affaiblis, ces groupes restent néanmoins actifs, donc dangereux. De sources officielles, ils ont tué plus de 250 personnes depuis le début de l’année. Selon l’état-major, les opérations se poursuivaient lundi dans la région d’El Kseur. L’armée annonce avoir enregistré un tué dans ses rangs lors de l’opération.



par Georges  Abou

Article publié le 21/06/2004 Dernière mise à jour le 21/06/2004 à 14:42 TU