Commerce mondial
Les États-Unis perdent une nouvelle bataille
(Photo : AFP)
Les États-Unis ont d’ores et déjà indiqué qu’ils feraient appel de la décision de l’Organisation mondiale du commerce condamnant les subventions à leurs producteurs de coton comme portant préjudice aux agriculteurs brésiliens. Le Brésil a, en 2002, porté plainte pour distorsion de concurrence contre ces aides agricoles jugées illégales. Cette décision de l’organe de règlement des différends de l’OMC confirme une première décision intervenue en avril et, en août prochain, l’OMC devrait faire connaître le montant des rétorsions financières que Brasilia pourra prendre à l’égard de Washington.
Le Brésil a plaidé que les aides de 1,5 à 4 milliards de dollars aux 25 000 producteurs américains augmentaient de 40% les exportations de coton des États-Unis et pesaient sur la chute des prix mondiaux ces dernières années.
Cette décision va cependant bien au-delà du simple règlement d’un conflit commercial entre les Etats-Unis et le Brésil. Pour les États-Unis c’est la deuxième bataille importante qui se conclut par un échec devant l’OMC. Déjà en novembre 2003 les États-Unis étaient contraints, sur injonction de l’OMC, de supprimer les surtaxes aux importations d’acier appliquées depuis mars 2002. Les plaignants sur ce dossier étaient les pays concurrents des États-Unis sur le marché de l’acier dont l’Union européenne, le Japon et la Corée du sud. En mars 2002 le président Bush décidait, pour faciliter la restructuration de la sidérurgie américaine face à la surproduction mondiale d’appliquer des droits supplémentaires de 8% à 30% sur les aciers importés, et ce pour une durée de trois ans. En donnant raison aux plaignants, l’OMC apportait un premier démenti à ceux qui, notamment dans les rangs des altermondialistes, affirment que cette institution internationale est, de manière systématique, en faveur des intérêts américains et que, pour un pays en développement faire valoir ses droits dans un e organisations multilatérale comme l’OMC relève de l’exploit.
Une victoire par procurationDans ce contexte, le verdict de l’OMC sur le coton revêt une importance tout aussi grande, car elle donne cette fois raison à un pays en développement, le Brésil, qui, depuis le sommet de l’OMC à Doha, en 2001, et plus encore celui de Cancun, en 2003, se présente comme le porte-parole de l’ensemble des pays du sud face au Nord. Ce leadership est également assuré, au sein du G-20 constitué depuis Cancun, par l’Inde, la Chine ou l’Afrique du sud.
Les subventions agricoles, en général et pas seulement celles portant sur le coton, sont le cheval de bataille des pays en développement contre le protectionnisme du Nord qui entrave la libre circulation de leurs exportations. C’est d’ailleurs ce qui a causé l’échec du dernier sommet de l’OMC à Cancun et rend si difficile la reprise des négociations de libéralisation du « cycle de Doha ». Les dirigeants du G8 début juin à Sea Island ont réaffirmé leur souhait de voir la mise au point d’un accord-cadre avant la fin juillet et l’Union européenne a fait un pas en avant en acceptant de remettre en cause ses subventions agricoles à l’exportation, à condition que les autres pays industrialisés fassent de même. La condamnation des États-Unis par l’OMC ouvre donc une brèche juridique dans laquelle d’autres pays ne devraient pas manquer de s’engouffrer.
Déjà, à Cancun, quatre pays africains parmi les plus pauvres de la planète, le Bénin, le Burkina-Faso, le Mali et le Tchad, avaient présenté l’ « initiative coton » en faveur d’une concurrence loyale et d’un commerce équitable. Pour ces pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale les revenus d’exportation du coton ne cessent de baisser au fur et à mesure qu’ils augmentent leurs efforts de production. Et, ayant découvert que dans les organisations internationales l’union fait la force, y compris pour faire reculer les grandes puiissances, les pays en développement ne sont pas prêts d’oublier la leçon. Jusqu’au jour, probablement pas si lointain, où les intérêts des grands pays émergents ne coïncideront plus totalement avec ceux des pays pauvres et moins pourvus de ressources naturelles.
par Francine Quentin
Article publié le 22/06/2004 Dernière mise à jour le 22/06/2004 à 13:12 TU