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Intolérance : Chirac appelle à la mobilisation

Le Président Jacques Chirac et Simone Veil à la gare de Chambon-sur-Lignon le 8 juillet 2004. 

		(Photo : AFP)
Le Président Jacques Chirac et Simone Veil à la gare de Chambon-sur-Lignon le 8 juillet 2004.
(Photo : AFP)
Face à la montée de l’intolérance, le président de la république a lancé jeudi un appel à un « sursaut républicain ». Jacques Chirac a réclamé des pouvoirs publics une « détermination sans faille » et des citoyens leur « extrême vigilance » face à la recrudescence des « actes de haine (qui) salissent notre pays ».

Cette nouvelle intervention du chef de l’Etat sur cette question souligne que le racisme, l’intolérance, le communautarisme sont désormais au cœur des préoccupations françaises, au plus haut niveau. La multiplication des incidents à caractère raciste et antisémite est aujourd’hui considérée avec gravité, comme une menace insupportable à la cohésion nationale. Les insultes, profanations, attaques ciblées, agressions physiques font les gros titres des journaux qui relaient les réactions indignées d’un personnel politique stupéfait de constater la rapidité avec laquelle la situation peut se détériorer. Mais c’est aux citoyens, en tout premier lieu, que s’adressait l’appel présidentiel. « Pour absolue qu’elle soit, et je m’y engage, la détermination des pouvoirs publics, la volonté, l’action de l’Etat et des autorités locales ne sauraient, à elles seules, suffire », a indiqué M. Chirac qui avait choisi d’être accompagné, à cette occasion, de l’ancienne ministre, rescapée des camps de la mort nazis, Simone Veil.

« Les discriminations, l’antisémitisme, les racismes, tous les racismes se déploient à nouveau insidieusement (…) Tous ces actes reflètent la part la plus sombre de l’âme humaine. Ils sont indignes de la France. Je ferai tout, naturellement, pour que cela cesse », a lancé le président français devant quelques centaines d’habitants rassemblés dans la cour d’école du village du Chambon-sur-Lignon, dans le département de la Haute-Loire. « Face au risque de l’indifférence et de la passivité du quotidien, j’appelle solennellement chaque Française et chaque Français à la vigilance. Devant le danger, je les appelle au sursaut », a insisté le chef de l’Etat qui réclame des parquets qu’ils fassent appel de toute décision trop clémente contre les auteurs de « ces gestes de haine ». En matière de racisme, d’antisémitisme, de xénophobie ou d’homophobie, « le classement sans suite est inacceptable », a-t-il dit.

A quelques jours de la fête nationale, le président de la république n’a pas choisi n’importe quel village de France pour appeler ses concitoyens à la vigilance et la mobilisation. Chambon-sur-Lignon est un petit village perché du massif des Cévennes, dans le centre de la France. Il possède la caractéristique d’avoir donné l’asile à de nombreux persécutés tout au long de l’histoire de France. A commencer par les huguenots qui, au XVIIème siècle, s’y réfugient pour échapper aux persécutions d’un pouvoir trop catholique. Mais c’est au XXème siècle que ses habitants consacreront sa réputation d’hospitalité en accueillant de jeunes Alsaciens, lors du conflit mondial, puis des enfants de républicains espagnols en déroute à la fin des années 30.

« On commence à nous regarder de l’extérieur… »

Enfin, lors de la seconde guerre mondiale, dans un contexte de collaboration avec l’ennemi, Chambon-sur-Lignon se distingue en recueillant les enfants juifs acheminés sur place grâce aux réseaux tissés par la résistance et les organisations humanitaires. Cet épisode élèvera sa population au rang de « Juste parmi les nations », distinction rare décernée par Israël, pour sa contribution au sauvetage de nombreux juifs promis à une mort certaine. Dans le jardin des Justes, qui jouxte le mémorial Yad Vashem de Jérusalem, Chambon-sur-Lignon et les communes environnantes comptent parmi les héros d’Israël, bien que leurs habitants estiment n’avoir fait que leur devoir.

L’intervention du chef de l’Etat s’inscrit dans une offensive institutionnelle globale contre l’intolérance. Jeudi matin, invité de la radio publique France Inter, le ministre de l’Education nationale déclarait sa préoccupation. « La France fait face aujourd’hui à une situation (…) qui est une honte pour notre pays ». « On commence à nous regarder de l’extérieur, parfois en exagérant, avec un jugement qui n’est pas acceptable pour le pays des droit de l’Homme », a déclaré François Fillon. Le ministre a néanmoins réaffirmé que « la République sera intraitable » sur la question du respect de la loi sur la laïcité et l’interdiction du port du voile islamique dans les établissements d’enseignement public.

La déclaration présidentielle intervient aussi dans un contexte particulièrement fécond en initiatives. Les propos du président de la république surviennent à la veille de la réunion du comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. C’est l’un des « grands chantiers » lancés par le ministre de l’Intérieur, le 24 juin.

Le Premier ministre devait également annoncer jeudi le lancement du projet de musée de l’Immigration. La vocation pédagogique de l’établissement est proclamée. Il ouvrira ses portes en 2007 et s’installera dans les locaux du palais de la Porte Dorée, lorsque les collections de l’ex-musée des Colonies devenu musée des Arts africains et océaniens auront été transférées vers le nouveau musée des Arts premiers du quai Branly, au cœur de Paris.



par Georges  Abou

Article publié le 08/07/2004 Dernière mise à jour le 08/07/2004 à 14:49 TU

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Journaliste

«Tous les rapports montrent la banalisation des agressions antisémites et la montée des communautarismes.»

[08/07/2004]

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