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XVème Conférence internationale sur le sida

Les Etats-Unis mis en cause

Randall Tobias, le coordinateur américain de la lutte contre le sida, a été conspué lors de son discours à la conférence de Bangkok.  

		(Photo: AFP)
Randall Tobias, le coordinateur américain de la lutte contre le sida, a été conspué lors de son discours à la conférence de Bangkok.
(Photo: AFP)
Les attaques contre les Etats-Unis ont fusé de toutes parts lors de la Conférence internationale sur le sida de Bangkok. Le président français Jacques Chirac, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies Kofi Annan, l’Union européenne, les organisations non gouvernementales ont dénoncé la politique de Washington en faveur de la défense des intérêts des laboratoires pharmaceutiques, qui est perçue comme une entrave à la diffusion des génériques au Sud. Des critiques injustifiées du point de vue américain.

Mauvaise journée pour Randall Tobias, le coordinateur américain de la lutte contre le sida, qui participe à la conférence de Bangkok. Son intervention dans le cadre de cette réunion internationale a été perturbée par des militants de la lutte contre le sida (des membres d’Act up notamment) qui ont profité de l'occasion pour dénoncer la politique américaine dans ce domaine en brandissant devant le podium des pancartes où il était inscrit : « Il ment » ou encore « L’argent de Bush : conditions mortelles ».

Depuis l’ouverture de la conférence, la pression sur les Etats-Unis ne cesse de monter. Les mises en cause concernant les accords bilatéraux négociés avec certains pays en développement qui aboutissent à priver ces derniers du recours aux médicaments génériques contre le VIH et mettent en cause les accords conclus dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, se succèdent. Et elles ne viennent pas uniquement des ONG. De nombreux représentants de la communauté internationale ont aussi porté la charge contre Washington.

C’est Jacques Chirac, le président français, qui a lancé le premier pavé dans la mare. Dans son message, lu devant les participants à la conférence par le ministre délégué à la Coopération Xavier Darcos, il a qualifié les « négociations commerciales bilatérales » qui obligent les pays en développement à renoncer à des médicaments génériques bon marché, de « chantage immoral ». Un discours que les partenaires européens de la France ont repris à leur compte immédiatement. Lieve Fransen, responsable du développement humain et social à la Commission européenne, s’est ainsi empressée de préciser que le message du président français était celui « de l’Europe en général », et de compléter l’argumentaire de Jacques Chirac en expliquant : « Le danger est que les Etats-Unis signent des accords bilatéraux importants qui ne suivraient pas les accords que nous avons tous faits à Doha ».

Le sida est « la plus grande menace de destruction massive »

Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, n’a pas hésité lui non plus à mettre en cause les Etats-Unis en les accusant de se tromper de priorité dans l’attribution de leurs budgets. Il les a ainsi appelé, dans une interview accordée à la BBC, à s’engager dans la lutte contre le sida aussi fortement qu’ils le font dans « la guerre contre le terrorisme ». Car si les attentats tuent des milliers de gens, le VIH en tue « des millions ».

Face à ces attaques, les Etats-Unis ont fait valoir que leurs efforts financiers en faveur de la lutte contre le sida « dépassaient largement ceux de tout autre membre de la communauté internationale ». Il est vrai que leur contribution au Fonds global de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose représente 36 % du total et que le président Bush a engagé un plan de 15 milliards de dollars sur cinq ans en faveur de la lutte contre le VIH dans une quinzaine de pays. D’autre part, Richard Boucher, le porte-parole du département d’Etat, a récusé toute accusation concernant l’absence de prise de conscience des Etats-Unis sur l’importance de l’épidémie : « Nous estimons qu’il s’agit de la plus grande menace de destruction massive à laquelle est confrontée la planète à l’époque actuelle ».

Les Américains justifient, en outre, le fait de ne pas favoriser l’utilisation des génériques dans leurs programmes de lutte contre le sida par une exigence de qualité et non pas par une volonté de protéger les intérêts des laboratoires. Ils entendent ainsi avant tout, expliquent-ils, préserver le droit des malades du Sud à bénéficier de traitements aussi efficaces que ceux des pays du Nord. Randall Tobias a d’ailleurs de nouveau défendu ce point de vue à Bangkok face aux militants qui l’ont interpellé. Il a déclaré que les Etats-Unis n’étaient pas hostiles à l’utilisation des médicaments à bas prix « quels que soient leur origine et ceux qui les produisent ». Pour autant, il n’est pas question, selon lui, que l’Amérique ait « une norme pour ses propres citoyens et une moins élevée pour les malades à l’étranger ».

Tout en continuant à développer des arguments qui ne cessent d’être mis en cause, le représentant des Etats-Unis à Bangkok a néanmoins préféré, au bout du compte, éviter de pousser plus loin l’affrontement. Randall Tobias a choisi de répondre à l’appel renouvelé de privilégier l’approche multilatérale via le Fonds global, plutôt que les négociations bilatérales, en jouant la carte de la conciliation. Il a ainsi affirmé que l’unité de la communauté internationale était indispensable pour lutter contre le sida : « L’erreur la plus grave que nous pourrions faire est de laisser la pandémie nous diviser ».

par Valérie  Gas

Article publié le 14/07/2004 Dernière mise à jour le 15/07/2004 à 06:38 TU