Patrimoine
Le Grand Rex, fils de la Belle époque
(Photo : Le Grand Rex)
(Photo : Le Grand Rex)
Riche producteur de cinéma et distributeur de films, Jacques Haïk confie alors la surveillance des travaux à l’architecte Auguste Bluysens: on doit à ce dernier la façade Art déco, décriée à l’époque, car son côté rectiligne venait heurter les façades du ‘Paris haussmannien’, et faisait penser à un fort militaire pour les contemporains. Les décorations intérieures, quant à elles, sont dues à Maurice Dufrêne, un décorateur qui contribua largement à la popularisation de l’Art déco, notamment par le biais des Galeries Lafayette dont il dirigea la maîtrise d’oeuvre, célèbre aussi pour ses nombreuses décorations de paquebot dans les années 20. Il habille alors le Grand Rex de vasques gigantesques, d’appliques à pampilles (aujourd’hui, hélas, guère rutilantes, tristement abandonnées sous la poussière !), d’un bar en miroiterie taillée, et il tend sur les murs de grandes fresques de peinture.
(Photo : Le Grand Rex)
(Photo : Le Grand Rex)
«Un éclat d’Hollywood est tombé sur Paris»
Outre l’histoire relative à la construction du bâtiment, on apprend également comment il a traversé l’histoire, car le Grand Rex est un lieu de mémoire. Il est le témoin d’une époque qui, dans les années 30, découvre la modernité et le confort. L’air y est renouvelé 50 fois par jour, c’est la première climatisation d’une salle fermée. Parmi les prestations de service mises en place, on peut citer: un ascenseur avec liftier, un chenil, une infirmerie, une nursery, un salon de coiffure, et même un poste de police permanent pour maîtriser les trouble-fêtes qui, en ces périodes d’après-guerre, pouvaient avoir l’idée de visiter un lieu fréquenté par une population aisée.
(Photo : Le Grand Rex)
Dans les années 50, la salle retrouve les fastes et les délires de ses premières heures. Les programmes sont conçus en deux parties. Dans un premier temps, ouverture musicale avec un orchestre philharmonique qui compte quelque 60 musiciens, puis 36 danseuses, les Rexgirls, occupent la scène. Après l’entracte, les effets de scène se déchaînent: cascades d’eau, volcans en éruption, éléphanteau sur le plateau, 2 500 jets d’eau de 20 mètres de haut propulsant 3 000 litres d’eau offrent 500 effets combinables au rythme de la musique, nageuses et hommes grenouilles évoluent dans le «miroir de Neptune». Bref, tout est gigantesque et spectaculaire au Grand Rex. Chaque année aux moments des fêtes de Noël, on peut d’ailleurs encore assister à ces Féeries des eaux. En 1953, le Grand Rex est la première salle en France à projeter en cinémascope. On tourne les pages, et l’on reste dans la démesure: au Grand Rex, le plus grand écran d’Europe propose, en 1988, sur un écran de 300 mètres carrés, le film le Grand Bleu (de Luc Besson), qui remplit les salles pendant 3 ans !
Côté coulisses, on n’en finit pas d’être surpris: autant d’effets spéciaux abritent une machinerie qui dépasse l’entendement du spectateur happé par la rêverie. En visitant les coulisses, on a soudain le privilège d’être initié à la magie. Ni cassé, ni défloré, le rêve est enrichi par les anecdotes dont fourmille le conférencier; la curiosité est assouvie par le programme couplé des Etoiles du Rex, qui outre son aspect ludique et interactif, sensibilise aux techniques du cinéma, et permet de découvrir ce qui se passe derrière l’écran, au-dessus de la voûte étoilée, sous les combles, et dans la salle du projectionniste. Tout n’est pas dit pour autant, et ce bâtiment né dans l’euphorie des années trente, qui a traversé sans encombres les heures les plus sombres de l’histoire, continue de réjouir aujourd’hui les cinéphiles: aux 3 300 places existantes dans la grande salle s’ajoutent les 900 places des salles aménagées dans les sous-sols, là où se trouvaient les loges et les salles de répétition.
par Dominique Raizon
Article publié le 21/07/2004 Dernière mise à jour le 21/07/2004 à 10:09 TU