Politique française
Pas de « vacance » pour le gouvernement Raffarin
(Photo : AFP)
Eté 2003, la canicule règne en France et déclenche une catastrophe sanitaire dont les personnes âgées ou isolées sont les victimes. Pendant ce temps le président de la République est au Canada, le Premier ministre en vacances et le ministre de la Santé aux abonnés absents. Bref, le gouvernement tarde à réagir et, le désastre connu, l’opinion publique lui en tiendra rigueur.
C’est pourquoi, jurant mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus, le gouvernement a mis en place un dispositif destiné à rassurer les Français sur la présence des autorités à la tête de l’Etat. Lors du dernier conseil des ministres avant la pause estivale, fin juillet, le président de la République a souhaité à ses ministres des vacances « courtes et studieuses ». Courtes, elles le seront en effet car le 19 août marque la rentrée pour les membres du gouvernement, et studieuses, aussi, pour un certain nombre d’entre eux.
Consigne supplémentaire pour les ministres : rester en France et choisir un lieu de villégiature leur permettant, en cas d’urgence, de regagner Paris en deux heures. Sur ce point, le sens des distances et l’évaluation de la rapidité des transports semble variable d’un membre du gouvernement à l’autre.
L’exemple venant de haut Jacques Chirac, auquel il avait été reproché de se trouver « à l’étranger » en août 2003, a décidé cette année de rester sur le territoire national. Mais comme président de la République, il ne s’estime pas tenu par la consigne de proximité et à choisi le département français d’outre-mer de La Réunion pour passer ses vacances. Arrivé le 27 juillet dans l’île, Jacques Chirac reprend le collier dès le 14 août, date à laquelle il accueille le Pape Jean-Paul II qui se rend à Lourdes pour la fête de l’Assomption. Le lendemain Jacques Chirac sera à Toulon pour les cérémonies commémorant le débarquement allié en Provence du 15 août 1944. La ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie et le ministre délégué aux Anciens combattants Hamlaoui Mekachera y seront aussi.
Ministre 24 heures sur 24Jean-Pierre Raffarin est à Combloux en Haute-Savoie pour profiter du bon air des Alpes tout en gardant un œil sur l’actualité. Le 5 août il s’est rendu toutes affaires cessantes sur le lieu d’un incendie dans un centre équestre de Savoie où sept adolescents ont trouvé la mort. De plus, le Premier ministre multiplie les dîners de travail au cours desquels les ministres viennent avec lui faire le point de leur activité. Au ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin devait succéder, le 10 août, le ministre de l’Economie et des Finances Nicolas Sarkozy.
Celui-ci applique à la lettre les directives car, a-t-il déclaré de sa résidence d’été à Arcachon au bord de l’Atlantique, « un ministre est ministre 24 heures sur 24, sept jours sur sept et toute l’année ». Joignant les actes à la parole, il passe d’une visite au centre des impôts de la ville balnéaire à une délégation de chasseurs en colère ou un déjeuner avec les représentants des métiers de l’hôtellerie. Partagé entre la politique et le vélo Nicolas Sarkozy se concentre plus encore sur la politique depuis qu’une chute de vélo, il y a quelques jours, lui interdit momentanément ce sport. Il peut se consoler en comptant les 10 000 parrainages reçus pour son éventuelle candidature à la tête de l’UMP alors que 3 400 seulement étaient nécessaires.
Plus que tout autre le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy reste aux manettes. L’absence de son prédécesseur François Mattéi lors de la canicule lui a causé son poste au premier remaniement ministériel. Dès que la température a monté sur la France Philippe Douste-Blazy a tenu conférence de presse pour assurer que « la situation est totalement sous contrôle », notamment dans les services d’urgence des hôpitaux. Le ministre ne s’accorde que quelques allers-retours dans son Pays basque.
Quelques fraudeursAssouplissant la discipline qu’il s’était lui-même fixé, le Premier ministre s’est, semble-t-il, autorisé une escapade de trois jours au Portugal dont le service de presse de Matignon aurait souhaité garder le secret.
D’autant que tous les ministres n’ont pas compris les directives de la même façon. Le ministre de l’Education François Fillon partage ses vacances entre la Sarthe et la Toscane avec, probablement, l’alibi culturel de cette destination italienne. Le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Renaud Muselier, arguant de l’existence d’ambassades de France partout dans le monde, se rend aux Etats-Unis. Le ministre des Sports Jean-François Lamour a le prétexte tout trouvé des Jeux Olympiques pour partir en Grèce.
Rusant avec les consignes d’éloignement limité, le ministre de l’Ecologie Serge Lepeltier a opté pour le Var, mais à 30 mètres sous l’eau, grand amateur qu’il est de plongée sous-marine. Il est quand même remonté quelques instants à la surface pour accorder une interview au Parisien-Dimanche, justifiant l’autorisation d’abattage exceptionnel de loups prédateurs de moutons dans le sud-est de la France.
Enfin l’évasion est possible sans aller bien loin, selon la technique adoptée par le ministre de la Justice. Dominique Perben a fait savoir qu’il emportait en Saône-et-Loire un roman ayant pour cadre la Florence du 15ème siècle.
L’opposition s’amuse de l’attitude du gouvernement. Selon le porte-parole du Parti socialiste Julien Dray « de Bercy à Matignon en passant par l'Elysée, on ne part peut-être pas beaucoup en vacances mais on s'occupe mal des problèmes de nos concitoyens ».
par Francine Quentin
Article publié le 11/08/2004 Dernière mise à jour le 11/08/2004 à 12:12 TU