Irak
La milice de Sadr encerclée à Najaf
(Photo : AFP)
Plus les heures avancent, plus l’étau se resserre autour des miliciens de Moqtada al-Sadr à Najaf. Les forces américaines ont progressé sensiblement depuis le début de la semaine et ne se trouvent plus, dans certaines zones, qu’à quelques dizaines de mètres du mausolée d’Ali, dernier rempart derrière lequel s’abritent les partisans du chef chiite en rébellion contre le pouvoir. Le cœur de Najaf et toutes les positions où des soldats de l’armée du Mehdi sont encore installés, comme le cimetière de la ville, sont désormais pilonnés par des tirs d’artillerie ou bombardés par des forces aériennes. Les miliciens chiites hésitent d’ailleurs à répondre à ces attaques de peur de se faire repérer et d’être à nouveau assaillis par le feu ennemi.
La décision d’en finir coûte que coûte avec la résistance de Moqtada al-Sadr organisée à Najaf semble donc avoir été prise par le gouvernement transitoire dont l’autorité est remise en cause par le jeune imam chiite, qui a jusqu’à présent refusé la proposition de s’intégrer au jeu politique irakien en désarmant son armée et en la transformant en parti politique dans la perspective des élections qui doivent être organisées dans le pays. Et la seule concession qu’il a acceptée sur le principe, à savoir de rendre les clefs du mausolée d’Ali à l’autorité religieuse chiite, n’a quant à elle pas été mise en œuvre. Du coup, le ministre de la Défense irakien, Hazeem Chaalane, a prévenu le 24 août que les miliciens de Moqtada al-Sadr n’avaient plus que «quelques heures» pour se rendre avant un assaut des forces irakiennes. Le gouverneur de Najaf a même affirmé que tout était prêt pour «nettoyer la ville et le mausolée de la milice».
Sistani vient «sauver» Najaf
Des centaines de Gardes nationaux irakiens ont, en effet, pris position dans la ville sainte aux côtés des soldats américains. Leur arrivée à Najaf est révélatrice. Elle signifie que l’organisation d’un assaut sur le mausolée d’Ali est désormais envisagée sérieusement. Les autorités irakiennes ont, il est vrai, toujours affirmé qu’aucun soldat occidental ne pourrait pénétrer dans cette mosquée, considérée comme un lieu saint par la communauté musulmane chiite. C’est pour cette raison que les forces irakiennes se sont déployées en première ligne face aux combattants de Moqtada al-Sadr. Le gouvernement transitoire tient ainsi à montrer qu’il peut résoudre cette crise intérieure sans qu’un sanctuaire ne soit violé par des non muslumans, ce qui pourrait inciter la population à soutenir le chef chiite.
Pour autant, l’aide des forces américaines est indispensable. Ce sont elles qui ont préparé le terrain pour les Gardes nationaux. Le quartier autour du mausolée est sous leur contrôle. Des tireurs d’élite américains sont même placés aux points stratégiques pour surveiller les allées et venues dans la mosquée dont les quatre portes ont été complètement fermées et où se trouvent encore vraisemblablement plusieurs centaines de personnes : combattants, boucliers humains, médecins… Nul ne sait par contre si Moqtada al-Sadr lui-même est dans le sanctuaire. Le chef chiite a d’ailleurs été prévenu par Hazeem Chalaane : s’il n’accepte pas de se rendre, il risque «la mort ou la prison». L’un des principaux conseillers de Sadr, cheikh Soumeisim, a d’autre part été arrêté mercredi, alors qu’il se déplaçait dans la ville en compagnie de quatre personnes. Cet homme était chargé de garder les clefs du mausolée d’Ali, qui contient des trésors inestimables, depuis que le sanctuaire a été transformé en quartier général des forces de Moqtada al-Sadr.
La dégradation de la situation à Najaf et l’échec de toutes les tentatives de négociation menées jusqu’à présent entre les représentants du gouvernement transitoire et ceux de Moqtada al-Sadr ont vraisemblablement incité le grand ayatollah Ali Sistani à avancer son retour de Grande-Bretagne, où il était hospitalisé depuis le 6 août pour soigner une faiblesse cardiaque. Son arrivée à Bassorah, dans le sud de l’Irak, a été annoncée le 25 août. L’un de ses proches, Hamad al-Khaffaf, a déclaré qu’il revenait «pour sauver Najaf de son malheur». Il a aussi appelé tous les Irakiens à se joindre à l’ayatollah Sistani qui compte se rendre dans la ville sainte le 26 août et doit y annoncer une initiative.
Alors que la situation semble bloquée, une intervention de ce haut dignitaire chiite pourrait peut-être permettre d’éviter un affrontement plus sanglant entre les Gardes nationaux irakiens et les combattants chiites, à Najaf. Peut-être en offrant aux partisans de Sadr une issue «honorable». Le porte-parole du chef chiite, Ahmad Chaïbani, a d’ailleurs lancé un appel allant dans ce sens en déclarant : «Nous accueillons positivement toute initiative ou proposition de paix qui ne porte pas atteinte à la dignité des Irakiens et au mouvement al-Sadr», mais en précisant : «Nous n’accepterons aucune solution humiliante pour nous». Autrement dit une solution imposée par un gouvernement que Moqtada al-Sadr accuse d’être l’émanation des Américains. L’armée du Mehdi a d’ailleurs annoncé qu’elle suspendait ses opérations militaires dans le sud du pays, où est arrivé Ali Sistani, et dans toutes les régions qu’il doit traverser pour rejoindre Najaf.par Valérie Gas
Article publié le 25/08/2004 Dernière mise à jour le 25/08/2004 à 15:52 TU