Irak
Combats meurtriers à Sadr City
(Photo : AFP)
L’accord conclu le 26 août dernier à Najaf, sous l’égide du grand ayatollah Ali Sistani, laissait augurer d’une accalmie sur le front chiite. L’imam radical Moqtada al-Sadr, dont la milice, l’Armée du Mehdi, était engagée depuis trois semaines dans de violents combats contre les troupes américaines, avait en effet accepté de désarmer ses combattants et surtout de mener désormais sa lutte sur le plan politique. La ville sainte de Najaf, désertée par les pèlerins en raison des affrontements meurtriers qui s’y sont déroulés, était revenue dans le giron de la Marjaïya, la plus haute autorité chiite dont le plus illustre représentant est Ali Sistani. Quelques jours plus tard, le Premier ministre, Iyad Allaoui, s’engageait même à reconstruite Sadr City, cette banlieue insalubre de Bagdad où les services essentiels, tels l’eau ou l’électricité, font défaut et où Moqtada al-Sadr compte une majorité de partisans. Pourtant et alors que la trêve semblait faite pour durer, c’est ce même quartier qui s’est embrasé depuis lundi, théâtre d’intenses combats.
Au moins quarante personnes, en majorité des civils, ont trouvé la mort dans ces affrontements qui se poursuivaient encore mardi dans la journée. Des chars américains se sont positionnés aux principaux carrefours de ce quartier miséreux et près du bureau de Moqtada al-Sadr tandis que des hélicoptères et des avions de chasse survolaient les zones de combats. «Il s’agit des plus intenses bombardements contre Sadr City depuis l’arrivée des forces américaines en Irak en mars 2003», a affirmé un porte-parole de l’imam radical, cheikh Naïm al-Qaabi, qui a reconnu que dix-huit miliciens avaient trouvé la mort dans les combats de ces dernières vingt-quatre heures et qu’une soixantaine d’autres avaient été blessés. L’armée américaine a pour sa part déploré la mort d’un soldat et un de ses porte-parole, le lieutenant-colonel James Hutton, a confirmé que ses forces avaient été la cible durant la nuit de lundi à mardi d’engins piégés et d’attaques à l’arme légère.
Cette reprise des combats sur le front chiite semble avoir surpris les partisans de Moqtada al-Sadr. «C’est bizarre car des négociations avaient eu lieu avec les forces américaines et le bureau du Premier ministre Iyad Allaoui», a confié Naïm al-Qaabi. Selon lui, le mouvement de l’imam radical avait finalement accepté de retirer son exigence de ne plus voir les troupes américaines entrer dans le quartier de Sadr City et s’apprêtait même à signer un accord «pour mettre fin à l’effusion de sang» quand les combats ont repris. Cette brusque détérioration de la situation pourrait s’expliquer par le refus des miliciens de l’Armée du Mehdi de remettre leurs armes aux autorités irakiennes. Car si les partisans de Moqtada al-Sadr ont accepté il y a une dizaine de jours de désarmer à Najaf, ils se sont empressés de dissimuler leur matériel de combat. Et il semblerait qu’ils aient décidé de faire de même dans la grande banlieue chiite de Bagdad.
Vastes opérations contre la guérilla sunniteLa recrudescence des violences opposant radicaux chiites et soldats de la Force multinationale intervient alors que les troupes irakiennes, soutenues par les militaires américains, ont lancé plusieurs offensives contre la guérilla sunnite. La ville de Tall Afar, située à 70 kilomètres de la frontière syrienne et considérée par les Américains comme «un repaire de terroristes arabes», a ainsi été le théâtre en fin de semaine dernière d’intenses combats de rues qui ont fait au moins une quinzaine de morts et plus de cent blessés. Un F-16 américain a largué plusieurs bombes d’une tonne sur les positions des rebelles et plus de vingt maisons et cinquante voitures ont été détruites durant cette opération.
Les forces américaines et irakiennes ont également lancé dimanche une vaste offensive, considérée comme la plus importante contre la guérilla sunnite depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement d’Iyad Allaoui, dans la ville de Latifiya au sud de Bagdad. A l’issue de cette opération qui a duré plus de vingt heures, quelques cinq cents suspects ont été arrêtés et une grande quantité d’armes saisie. Les combats dans cette ville considérée comme une zone à hauts risques pour les étrangers –les deux journalistes français Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ainsi que le reporter italien Enzo Baldoni, y auraient été enlevés le 20 août dernier– se sont soldés par la mort d’une douzaine de soldats irakiens.
Les affrontements n’ont pas non plus connu de répit à Falloujah, devenue depuis le mois d’avril dernier le symbole de la résistance sunnite. L’armée américaine, qui a perdu lundi sept de ses soldats dans un attentat revendiqué par le groupe Tawhid wal jihad –Unification et guerre sainte– de l'islamiste jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui proche de la nébuleuse al-Qaïda, a mené un raid aérien contre des positions rebelles dans cette ville sunnite située à une cinquante de kilomètres à l’ouest de Bagdad.
par Mounia Daoudi
Article publié le 07/09/2004 Dernière mise à jour le 07/09/2004 à 15:13 TU