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Irak

L’ayatollah Sistani impose la paix à Najaf

Selon l'accord conclu à Najaf, la police irakienne est désormais en charge de la sécurité dans la ville sainte.
 

		(Photo : AFP)
Selon l'accord conclu à Najaf, la police irakienne est désormais en charge de la sécurité dans la ville sainte.
(Photo : AFP)
Après plus de trois semaines de violents affrontements qui ont opposé à Najaf les miliciens du chef radical chiite Moqtada al-Sadr aux forces irakiennes soutenues par les troupes américaines, le calme est enfin revenu dans cette ville sainte du chiisme. A l’origine du dénouement de cette crise qui menaçait d’embraser la communauté chiite majoritaire en Irak, le retour de l’ayatollah Ali Sistani, personnalité chiite la plus respectée d’Irak. Le vieux dignitaire, qui avait quitté il y a une vingtaine de jours le pays officiellement pour des raisons de santé -il a été opéré à Londres pour des problèmes cardiaques- a en effet réussi à imposer ses conditions pour un retour au calme à Najaf où les miliciens de l’armée du Mehdi ont accepté de remiser leurs armes et de quitter le mausolée de l’imam Ali où ils s’étaient retranchés avec leur leader Moqtada al-Sadr.

Quelques heures après son retour triomphal jeudi à Najaf, l’ayatollah Ali Sistani imposait au jeune imam radical un accord inespéré qui a non seulement permis à ce dernier de sauver la face mais aussi d’éviter un bain de sang dans l’un des lieux les plus sacrés de l’islam chiite. Les termes de cet accord, signé dans la nuit de jeudi à vendredi par Moqtada al-Sadr, stipulent ainsi que «les villes de Najaf et de Koufa –autre lieu saint chiite– doivent être désarmées et que tous les éléments armés de ces cités doivent les quitter et ne jamais revenir». Le document impose également à la Force multinationale, dirigée par les Américains, de quitter le secteur et confie à la police irakienne la responsabilité de rétablir la paix et la sécurité dans les deux cités. Il invite en outre le gouvernement irakien à verser des compensations financières «à tous ceux qui ont souffert pendant cette crise». Sur le plan politique enfin, l’accord, auquel les autorités de Bagdad se sont également pliées, stipule que «tous les partis et mouvements politiques, sociaux et idéologiques font partie du processus devant conduire aux élections générales pour atteindre une souveraineté totale et doivent créer un environnement favorable à ce processus».

Se soumettant à l’initiative de l’ayatollah Ali Sistani, Moqtada al-Sadr et ses partisans ont donc évacué dans la matinée de vendredi le mausolée de l’imam Ali dont les clés ont été remises à l’entourage du dignitaire religieux. Très tôt, des haut-parleurs avaient diffusé un appel du jeune imam radical appelant ses miliciens à «quitter l’édifice». Les combattants de l’armée du Mehdi ont aussitôt troqué leur tenue de combat noire pour revêtir des vêtements civils. Certains sont ensuite rentrés chez eux, leur kalachnikovs dans des sacs en plastique, tandis que d’autres se sont chargés de remiser les armes de gros calibres dans des caches, refusant de les remettre à la police irakienne. Plusieurs témoins ont ainsi affirmé les avoir vus recouvrir de toile de jute mitrailleuses, mortiers, obus et lance-roquettes avant de les entreposer dans des carrioles et les dissimuler sous des couvertures. Ces armes ont ensuite été transportées dans des maisons et des caves de la vieille ville. Un porte-parole de Moqtada al-Sadr a d’ailleurs confirmé que ces armes ne seraient pas remises aux forces de sécurité irakiennes. «Ils vont cacher leurs armes», a ainsi affirmé cheikh Ahmed Chaïbani. «Les Américains pensaient exterminer l’armée du Mehdi mais nos combattants sont toujours là. Ils vont pouvoir retourner à leur travail mais l’armée du Mehdi continuera», a-t-il ajouté menaçant.

L’échec d’Allaoui

Et de fait, si l’accord de paix imposé par l’ayatollah Ali Sistani au jeune imam rebelle stipulait que les miliciens de Moqtada al-Sadr devaient désarmer, il n’a à aucun moment précisé que ces derniers devaient remettre leurs armes aux autorités de Bagdad. Le Premier ministre Iyad Allaoui avait pourtant fait du désarmement de l’armée du Mehdi un préalable à toute trêve. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a d’ailleurs réaffirmé vendredi que le gouvernement était déterminé à «débarrasser le pays des milices armées», exigeant des partisans de Moqtada al-Sadr qu’ils remettent leurs armes à la police irakienne. Mais les trois endroits mis à la disposition des miliciens à Najaf pour qu’ils y déposent leurs armes sont restés désespérément vides. Dans ce contexte, les trois semaines de violents affrontements qui ont ensanglanté la ville sainte chiite sont un revers pour le gouvernement d’Iyad Allaoui dans la mesure où elles ont montré son incapacité à écraser la milice du jeune imam radical. Déjà en juin dernier après des combats sanglants, les partisans de Moqtada al-Sadr avaient signé un accord de cessez-le-feu et accepté de remiser leurs armes mais deux mois plus tard les affrontements avaient repris. Or rien ne garantit aujourd’hui que ce scénario ne se reproduira pas.

Mais le Premier ministre irakien peut cependant se montrer satisfait sur un point, le départ des partisans de Moqtada al-Sadr du mausolée de l’imam Ali. Depuis vendredi matin en effet ce lieu saint du chiisme est entre les mains des proches de l’ayatollah Ali Sistani qui est le seul aujourd’hui en Irak à pouvoir se targuer d'avoir mis au pas le jeune imam radical. Le retour triomphal jeudi à Najaf de ce très respecté dignitaire religieux après trois semaines d’absence a en effet minimisé l’importance du mouvement de son jeune rival. Jamais une personnalité chiite n'avait obtenu un accueil aussi populaire en Irak –des dizaines de milliers de personnes se sont massés le long du trajet qu’il a emprunté pour se rendre de Bassorah à Najaf– et malgré les tentatives de Moqtada al-Sadr de minimiser son influence, il a montré qu’il était bien la figure emblématique des chiites irakiens.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/08/2004 Dernière mise à jour le 27/08/2004 à 15:45 TU