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Irak

L’ayatollah Sistani tente de ramener la paix à Najaf

Le grand ayatollah Ali Sistani est le seul à pouvoir proposer un compromis acceptable à la fois par le gouvernement transitoire irakien et par les partisans du chef chiite Moqtada al-Sadr. 

		(Photo : AFP)
Le grand ayatollah Ali Sistani est le seul à pouvoir proposer un compromis acceptable à la fois par le gouvernement transitoire irakien et par les partisans du chef chiite Moqtada al-Sadr.
(Photo : AFP)
Des milliers de personnes ont accompagné, le 26 août, le voyage du grand ayatollah Ali Sistani vers Najaf. Arrivé la veille à Bassorah, dans le sud de l’Irak, le plus haut dignitaire chiite du pays, a effectué les quelque 400 kilomètres qui séparent les deux villes à la tête d’un convoi composé de très nombreux Irakiens venus pour soutenir son initiative en faveur du retour au calme à Najaf, où de violents combats opposent les forces américaines aux combattants de l’Armée du Mehdi de Moqtada al-Sadr depuis le 5 août.

Le plan concocté par Ali Sistani pour «sauver» Najaf est celui de la dernière chance. Fort de son autorité religieuse, le grand ayatollah est le seul à pouvoir proposer un compromis acceptable à la fois par le gouvernement transitoire irakien et par les partisans du chef chiite Moqtada al-Sadr. C’est pour cela que son retour en Irak, après une absence de trois semaines durant lesquelles il a été hospitalisé en Grande-Bretagne, a provoqué un tel élan d’enthousiasme. L’annonce de son arrivée et l’appel lancé par ses proches pour mobiliser les Irakiens autour de lui ont été entendus dans tout le pays. Depuis vingt-quatre heures, des milliers de personnes ont donc convergé vers Najaf pour accompagner ou attendre Ali Sistani. Le passage du convoi du grand ayatollah sur la route de Bassorah à la ville sainte a aussi été acclamé tout au long du chemin.

Une telle ferveur est explicable par le chaos qui règne à Najaf depuis plusieurs mois, mais surtout depuis le 5 août, date à partir de laquelle les combats entre les soldats de l’Armée du Mehdi et les troupes américaines n’ont cessé de s’aggraver. Malgré la pression exercée sur ses partisans, Moqtada al-Sadr a continué à résister et à provoquer ses adversaires. A tel point que le gouvernement transitoire a menacé en début de semaine de donner l’assaut sur les dernières positions des combattants chiites dans Najaf et a envoyé pour la première fois sur place des Gardes nationaux, censés s’emparer du mausolée de l’imam Ali, lieu saint de la ville, s’il n’était pas évacué.

Le retour de l’ayatollah Sistani en Irak a d’ailleurs coïncidé avec une offensive importante des forces américaines qui ont resserré l’étau sur les partisans de Moqtada al-Sadr depuis deux jours. Quelques heures même avant l’arrivée d’Ali Sistani à Najaf, de nouveaux affrontements mortels y ont eu lieu. Deux manifestations des partisans de Moqtada al-Sadr qui tentaient de pénétrer dans la ville sainte ont été dispersées par des tirs de la Garde nationale irakienne et des dizaines de personnes auraient perdu la vie. Peu avant, à Koufa, des tirs de mortiers sur la mosquée ont provoqué la mort de 25 personnes.

Un cessez-le-feu de 24 heures

Malgré la tension et la détermination du gouvernement à en finir avec la résistance des partisans de Sadr à Najaf, les autorités ont annoncé qu’un cessez-le-feu serait respecté, dès l’arrivée d’Ali Sistani dans la ville, pendant 24 heures pour permettre à l’ayatollah d’engager des négociations avec Moqtada al-Sadr. Le gouvernement qui a demandé à l’imam de désarmer ses hommes, d’évacuer le mausolée d’Ali et lui a offert la possibilité de transformer l’Armée du Mehdi en parti politique, s’est quant à lui jusqu’ici toujours vu opposer une fin de non recevoir. C’est pour cette raison que l’annonce du cessez-le-feu a été accompagnée d’une mise en garde lancée par le Premier ministre Iyad Allaoui qui a déclaré : «C’est notre dernier appel pour la paix».

Dans ce conflit dont l’enjeu est avant tout politique, l’initiative d’Ali Sistani, ayatollah jugé modéré qui n’a jamais partagé les points de vue de l’imam radical Moqtada al-Sadr, se veut avant tout humanitaire et religieuse. Elle vise à éviter que le sang ne continue à couler dans la ville sainte de Najaf et que le mausolée d’Ali, gendre du prophète, un haut lieu de pèlerinage pour la communauté chiite, ne soit plus longtemps au cœur d’un affrontement entre les Irakiens eux-mêmes. L’un de ses représentants, Ali al-Safi, a ainsi expliqué que l’ayatollah estimait que «Najaf ne devait pas être un champ de bataille» et que «les Irakiens ne devaient pas s’affronter», mais aussi qu’il entendait aider à faire revenir la paix pour que le «caractère sacré» de la ville ne soit plus «profané».

Pour atteindre son objectif, Ali Sistani a mis au point un plan dont il a fait part aux représentants du gouvernement venus le rencontrer à Bassorah et qu’il doit proposer à Moqtada al-Sadr. Des contacts avec l’entourage de ce dernier ont d’ailleurs été pris dès l’arrivée de l’ayatollah dans la ville sainte dans l’espoir «d’éviter la destruction» de la cité. Ce projet prévoit le retrait des troupes américaines de Najaf mais aussi de Koufa, toute proche, l’élimination de toutes les armes de la ville et le respect de la loi. Ces deux dernières conditions sous-entendent, bien évidemment, que l’Armée du Mehdi doit se retirer du mausolée d’Ali et de ses positions dans Najaf. C’est à la police irakienne que doit revenir la tâche d’assurer la sécurité dans la ville. Le départ des Américains de la zone pourrait rendre acceptable cette condition pour Moqtada al-Sadr, qui a toujours affirmé lutter contre l’occupation étrangère de l’Irak. Le gouvernement s’est d’autre part engagé à offrir l’amnistie à tous les combattants du Mehdi qui rendraient leurs armes et à assurer un départ protégé à Moqtada al-Sadr.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/08/2004 Dernière mise à jour le 26/08/2004 à 14:36 TU