Macédoine
Échec du référendum

(Photo : AFP)
Au final, le taux de participation n’a été que de 26% des électeurs inscrits, bien loin du seuil de 50% requis pour valider ce référendum d’initiative populaire. Dans la soirée de dimanche, les organisateurs du référendum ont reconnu leur échec, en saluant les près de 500 000 citoyens qui ont malgré tout manifesté leur défiance envers le projet gouvernemental.
Les 183 communes du pays, créées par la précédente loi de 1996, vont donc être réduites à 84, et l’albanais aura le statut de langue officielle dans toutes les communes où la minorité représente au moins 20% de la population totale, ce qui sera notamment le cas de la capitale Skopje, un symbole difficile à accepter pour les nationalistes macédoniens. Les Albanais disposeront également de la majorité absolue dans 16 communes, qui devraient donc passer sous leur contrôle à l’occasion des prochaines élections locales, prévues au printemps.
Les organisateurs ont dénoncé les pressions gouvernementales et l’appel au boycott. «Dans 20% du pays, les bureaux de vote n'ont même pas ouvert leurs portes», a dénoncé Todor Petrov, du Congrès mondial macédonien, qui avait réuni 180 000 signatures pour demander l'organisation du scrutin. Cependant, le calme a prévalu toute la journée dans toute la Macédoine, même dans des communes comme Struga, où de violentes manifestations contre le projet de loi avaient été organisées.
Le boycottage des Albanais
Les Albanais ont totalement boycotté la consultation, ainsi que de nombreux sympathisants de l’Alliance social-démocrate de Macédoine (SDSM), qui ont répondu aux appels de ce parti et du gouvernement. À Kicevo, l’une des communes où les Albanais vont désormais représenter la majorité absolue de la population en application de la nouvelle loi, la majorité des électeurs macédoniens se sont rendus aux urnes, mais sans enthousiasme. Goran, un jeune homme d’une trentaine d’années, explique que l’issue du vote ne changera rien dans sa vie de tous les jours. « Notre commune est morte, toutes les industries se sont effondrées depuis l’éclatement de la Yougoslavie. Si le gouvernement pouvait me fournir du travail, je n’aurais pas de problème à m’entendre avec les Albanais ».
L’échec du référendum enlève une sérieuse épine dans le pied de l’Union européenne, et la Macédoine devrait poursuivre le processus de décentralisation et d’application des accords de paix d’Ohrid, ainsi que son rapprochement avec l’Union. Dès dimanche soir, les partis politiques albanais de Macédoine se sont d’ailleurs réjouis de l’échec du référendum et ont salué la « sagesse » des électeurs.
Ce résultat représente un nouveau succès pour le Président Branko Crvenkovski et le Premier ministre Hari Kostov, déjà confortés par la décision américaine de reconnaître le pays sous son nom constitutionnel de République de Macédoine. L’annonce opportune de cette première décision de l’administration Bush II a probablement renforcé la position du gouvernementale et dissuadé beaucoup d’électeurs de se rendre aux urnes dimanche.
Samedi soir, une immense fête avait salué la décision américaine dans les rues de Skopje, et les Macédoniens croient volontiers que les pays européens devraient suivre la voie ouverte par les États-Unis, malgré le veto grec.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 08/11/2004 Dernière mise à jour le 08/11/2004 à 17:10 TU