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Irak

La résistance se déplace après l’assaut contre Fallouja

Carte de la ville de Fallouja 

		(Carte : NG/RFI avec Digitalglobe.com)
Carte de la ville de Fallouja
(Carte : NG/RFI avec Digitalglobe.com)
L’armée américaine a annoncé mercredi 10 novembre qu’elle avait pris le contrôle d’environ 70 % de Fallouja, où une offensive militaire est en cours depuis trois jours pour déloger les rebelles retranchés dans la ville. La bataille pour s’emparer de ce bastion de la résistance sunnite n’est néanmoins pas terminée et les combats se poursuivent. Dans le même temps, de nombreuses attaques ont été menées dans plusieurs villes du pays (Bagdad, Mossoul, Touz, Baaqouba, Samara…) par différents groupes armés. Et deux membres de la famille du Premier ministre Iyad Allaoui ont même été enlevés. La guérilla a, d’autre part, réussi à s’emparer mardi soir du centre de Ramadi où des bannières ont été déployées pour diffuser des messages de solidarité avec les résistants de Fallouja.

L’enlèvement de deux membres de la famille du Premier ministre irakien Iyad Allaoui, annoncé le 10 novembre, est directement lié à l’offensive menée depuis trois jours contre Fallouja (50 kilomètres au nord-ouest de Bagdad). Les ravisseurs de Ghazi Allaoui, le cousin du chef du gouvernement, et de sa belle-fille, qui appartiennent à un groupe terroriste jusque-là inconnu (les Partisans du jihad), ont clairement demandé l’arrêt des hostilités dans cette ville et la libération des prisonniers irakiens en échange de la vie des otages. S’ils n’obtiennent pas satisfaction d’ici 48 heures, ils menacent de les décapiter.

L’authenticité de la revendication diffusée sur un site internet n’a pas pu être vérifiée pour le moment. Mais c’est un responsable de l’Entente nationale, le parti de Iyad Allaoui, qui a confirmé l’enlèvement des deux proches du Premier ministre. Cette opération commando s’est déroulée selon un scénario tristement connu en Irak. Des hommes armés se sont rendus au domicile des victimes dans le quartier Yarmouk de Bagdad et les ont enlevés. Cette prise d’otages est particulièrement symbolique puisqu’elle implique personnellement le chef du gouvernement intérimaire irakien que les résistants accusent d’être «inféodé» aux Américains. Elle est aussi significative de la capacité des groupes armés à mener des actions partout dans le pays, même dans les quartiers les plus sécurisés de la capitale et contre des personnalités a priori bien protégées.

Depuis le début de l’offensive militaire pour prendre le contrôle de Fallouja, les attaques se succèdent dans le pays. A Bagdad, Samara, Baaqouba, Touz, Mossoul, Baïji des explosions de voitures piégées, des attaques menées par des hommes armés contre des commissariats, des lieux publics ou même des personnes ont fait plusieurs dizaines de victimes. Mais surtout, la guérilla a réussi, mardi, à reprendre le contrôle du centre de Ramadi, une autre cité sunnite située à100 kilomètres à l’ouest de Bagdad, après 24 heures de combats avec les troupes américaines. Les insurgés ont d’ailleurs clairement affiché l’enjeu de cette victoire : répondre à l’offensive contre Fallouja. Des bannières ont ainsi été déployées par les rebelles pour revendiquer leur solidarité avec la ville voisine. Cette vague de violence tous azimuts apparaît sans ambiguïté comme une réponse au «nettoyage», selon les termes employés par Iyad Allaoui, engagé à Fallouja par les troupes américaines et irakiennes.

Zarqaoui est parti

En continuant à mener des opérations de cette nature, les groupes armés irakiens montrent que l’assaut et la chute vraisemblable de Fallouja, le bastion de la résistance sunnite où étaient regroupés à la fois des fidèles de Saddam Hussein et des partisans du terroriste islamiste Abou Moussab al-Zarqaoui, ne les prive pas de leur capacité d’action. D’ailleurs, les Américains eux-mêmes ont laissé entendre qu’ils avaient peu d’espoir de trouver ce dernier, dont la tête est mise à prix 25 millions de dollars, parmi les insurgés qui combattent encore dans la ville. La résistance rencontrée par les soldats est moins importante et moins organisée que prévu. Et selon toute vraisemblance, les chefs de la guérilla ont quitté la ville avant le début de l’offensive pour s’égailler dans le pays et poursuivre leurs actions à partir d’autres refuges. Un responsable militaire américain a ainsi résumé la situation : «Parce que Fallouja était le cancer, lorsqu’on le retire, il se propage dans d’autres endroits, notamment Ramadi, Bagdad, et d’autres parties du triangle (sunnite)».

Face à la puissance de feu déployée par les Américains, les combattants retranchés à Fallouja ne semblent pas en mesure d’opposer une résistance durable. Les officiers responsables de l’assaut ont d’ailleurs annoncé que leurs forces avaient déjà pris le contrôle d’environ 70 % de la ville et que, si les choses continuaient à se dérouler de la même manière, l’offensive pourrait être terminée d’ici 48 heures. Une dizaine de jours supplémentaires étant ensuite nécessaires pour faire la chasse aux résistants isolés et éparpillés. Les premiers bilans font état de onze victimes dans les rangs américains et deux chez les Irakiens. Mais du côté des insurgés et de la population civile encore présente dans la ville, aucune information fiable n’a été donnée pour le moment. Plusieurs organisations humanitaires, comme le Comité international de la Croix Rouge, se sont par contre déjà inquiétées du sort des blessés parmi les habitants.

Malgré la poursuite des raids aériens et des combats dans certains quartiers, notamment au sud de la ville et autour des mosquées où sont retranchés des insurgés mais dans lesquelles les soldats américains ne veulent pas entrer, le Premier ministre irakien a lancé un appel pour convaincre les derniers combattants de rendre les armes. Il a ainsi affirmé : «La solution politique est possible même si les opérations militaires se poursuivent». Il ne semble pas avoir été entendu pour le moment mais il maintient le contact avec les chefs tribaux pour essayer de trouver un accord. L’un des enjeux est de sauver le processus politique engagé, et surtout l’organisation des élections du 27 janvier 2005, que les responsables politiques et religieux sunnites ont appelé à boycotter en signe de protestation à l’intervention contre Fallouja.



par Valérie  Gas

Article publié le 10/11/2004 Dernière mise à jour le 10/11/2004 à 15:06 TU